HomeA la uneDEMISSION DU PERMIER MINISTRE HAMDOK

DEMISSION DU PERMIER MINISTRE HAMDOK


L’opportunisme a un salaire, et c’est souvent le déshonneur. Le Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, vient d’en faire l’amère expérience. En effet, dans la soirée du 2 janvier 2022, il annonçait sa démission dans un discours télévisé à la Nation.  A la suite des manifestations qui ont abouti, en 2019, à la chute de l’ancien président Omar El-Béchir, l’armée est parvenue à conserver le pouvoir avec à sa tête le général Abdel Fattah al-Burhan. Elle était toutefois contrainte de le partager avec les civils qui ont été le moteur principal de la chute d’Omar El-Béchir. C’est dans ce contexte que Hamdok, économiste au service des Nation-unies, était devenu Premier ministre. Le régime de Transition avait pour mission, l’organisation d’élections libres et transparentes pour la transmission du pouvoir aux civils. Mais c’était sans compter avec le goût immodéré des militaires pour le pouvoir. Depuis l’indépendance, en effet, le Soudan a presque toujours été dirigé par des militaires. On se rappelle que le général Omar El-Béchir avait lui-même, en 1989, renversé le général Gafar El-Nimery qui était aussi parvenu à la tête de l’Etat par un coup d’Etat.  Que s’est-il passé dans la tête du dirigeant de la junte ? Toujours est-il que le 25 octobre 2021, Al-Burhan décidait de jeter du sable dans le couscous de la Transition. Il faisait procéder à l’arrestation du Premier ministre avant d’annoncer la dissolution de toutes les institutions du pays et la fin de la transition démocratique. C’était sans compter avec la détermination des animateurs de la révolution soudanaise qui appelèrent aussitôt à la reprise des manifestations, cette fois contre le coup de force de Burhan.

 

La junte est engluée dans un cercle vicieux et le Soudan avec

 

 

Les Soudanais semblent décidés à sauver les acquis de leur révolution. Il n’est pas question pour eux de laisser les militaires recueillir le fruit de leur lutte qui leur a coûté des dizaines de morts et de blessés. Dans ce contexte de troubles, la communauté internationale exerça des pressions sur la junte qui fut contrainte de reprendre langue avec Hamdok en vue de trouver une issue à la crise. Un accord dont le contenu n’a jamais été révélé, fut signé entre Hamdok et El-Burhan. Le 21 novembre, Hamdok retrouvait non seulement la liberté, mais aussi son poste de Premier ministre. Quelles ont été les motivations de Hamdok ? Il prétend avoir accepté de nouveau le poste pour empêcher le pays de glisser vers la catastrophe. Ambition noble ! Mais venant d’un homme politique, il est permis de douter de la sincérité de ses propos. N’était-ce pas plutôt un moyen pour lui de recouvrer non seulement sa liberté de mouvement, mais aussi et surtout les honneurs et les privilèges d’un Premier ministre ? Il savait bien qu’il ne faisait pas le poids face à la junte, et que sa marge de manœuvre était limitée. Peut-être comptait-il s’appuyer sur la communauté internationale pour tenir tête à la junte ? C’est un peu oublier que la communauté internationale dont les chefs de file sont les Etats occidentaux, penche souvent du côté de celui à qui le rapport de forces est favorable. Il a peut-être cru pouvoir aussi compter sur le mouvement révolutionnaire qui l’avait porté au pouvoir. Mais c’est aussi oublier que ce mouvement a une feuille de route qui est que les militaires ne doivent pas accaparer le pouvoir et que des élections libres doivent être organisées. En acceptant de recomposer avec les militaires, après son arrestation, il a perdu tout crédit aux yeux des acteurs du mouvement révolutionnaire qui le voient maintenant comme un traitre et comme une marionnette aux mains de la junte pour faciliter le retour à l’ancien régime. Du coup, les manifestations qui avaient été reprises après son arrestation, n’ont pas cessé. Si c’était réellement pour empêcher le pays de glisser vers la catastrophe et faire cesser l’effusion de sang, que Hamdok avait accepté de reprendre son poste, il aurait dû au préalable chercher et obtenir l’aval du mouvement révolutionnaire à travers ses structures représentatives. En lieu et place, c’est plutôt un accord que l’on peut qualifier de secret, qui a été signé avec le chef de la junte. Ce qui peut laisser entrevoir que Hamdok a voulu d’abord préserver des intérêts personnels tout en veillant à les habiller du manteau de l’intérêt général. Malheureusement, pour lui, les acteurs du mouvement révolutionnaire n’ont pas été dupes. Conséquence, il n’est jamais parvenu à former un gouvernement, d’où son amertume et sa démission. Il aurait été un homme de principes qu’il aurait refusé de travailler avec la junte, le couteau sous la gorge. Il se retrouve maintenant désavoué et par la junte et par ses amis d’hier.  Et maintenant, quelle peut être la marge de manœuvre de la junte ? Céder ou ne pas céder face aux manifestations ? Céder, c’est quitter le pouvoir. Et vu le nombre de morts et de blessés déjà enregistrés, c’est prendre le risque de se retrouver dans la même situation que celui qu’elle a renversé, Omar El-Béchir qui est actuellement confronté à la Justice. Ne pas céder, c’est prendre le risque de voir s’amplifier les manifestations avec leurs lots de morts et de blessés quasi quotidiens et à terme, aboutir toujours à la même situation que la situation actuelle d’Omar El-Béchir. La junte est donc engluée dans un cercle vicieux et le Soudan avec. En dernière instance, tout déprendra de la détermination du peuple soudanais.

 

APOLEM

 


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