DEMISSIONS AU SEIN DU PDS : Le père perd le fils et le fils est en voie de perdre le père
L’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye, vient de claquer la porte du Parti démocratique sénégalais (PDS), au lendemain de la condamnation à six ans de prison, de Karim Wade par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), après un procès qui aura tenu en haleine les Sénégalais, de longs mois durant. Or, l’on se rappelle tout le mal que s’est donné Wade père pour tenter d’extirper son fils des griffes de la Justice, allant même jusqu’à descendre avec des militants dans la rue et à forcer des barrages de police. En guise de baroud d’honneur, sa meilleure trouvaille a été de faire investir son prisonnier de fils, la veille du verdict, comme candidat du parti à la présidentielle à venir, pour tenter d’influencer la décision de la Cour. Mais tout cela sera finalement improductif, car le sort de Karim était déjà scellé. Scellé par la conviction de la Cour que la fortune colossale de Karim, qu’il s’est certainement constituée du temps où il était « ministre du ciel et de la terre » par la seule volonté de son président de père qui lui avait donné les pouvoirs les plus étendus, a été acquise de façon illicite ; pour cela, en plus d’être condamné à rendre gorge, il doit croupir en prison. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de penser que Gorgui a perdu son fils, en ne l’ayant pas tenu à l’écart de l’arène politique et en lui confiant des responsabilités illimitées dont la conséquence se trouve aujourd’hui dans tous les tourments du fiston. A moins d’un retournement de situation, Karim Wade semble aujourd’hui complètement perdu, avec un avenir politique en pointillés. Et pour ne rien arranger, la volonté de son père qui l’aura imposé à la tête de l’ex-parti présidentiel, oblige les autres cadres du parti à ranger leurs ambitions au placard. Des frustrations ont été ainsi ressenties et certains cadres prennent leurs distances du parti, car l’attitude de Wade vise à montrer que le PDS n’est ni plus ni moins qu’un patrimoine familial.
Si le PDS venait à imploser, que resterait-il encore à Abdoulaye Wade ?
Il fallait s’y attendre car tous les militants ne sont pas des béni-oui-oui. Et dans un grand parti comme le PDS, qui compte de nombreux cadres et autres intellectuels de haut rang, ce n’est pas tout le monde qui peut accepter de se vassaliser complètement et d’accepter une telle insulte. Il faut d’ailleurs désormais craindre que la saignée ne continue et n’entraîne le parti vers une implosion. Car, quand un parti devient une chose familiale, il ne répond plus au critère d’un parti. Il devient, d’un certain point de vue, l’antithèse même de sa propre conception. Assurément, Abdoulaye Wade se tromperait d’époque, avec de telles pensées rétrogrades. Car, il faut le dire, l’ère des timoniers est totalement révolue en Afrique. Et cela vaut aussi bien pour les partis politiques que pour les Etats. D’où la nécessité de mettre en place, au sein des formations politiques, des mécanismes qui puissent leur permettre non seulement de survivre à leur fondateur le cas échéant, mais aussi de s’affranchir de sa dictature au profit de l’intérêt général, quand la situation le recommande. Autrement, beaucoup de militants et d’intellectuels risquent de ne servir qu’à assouvir des ambitions personnelles de chefs de partis avant d’être jetés comme du papier kleenex.
Ce qui arrive aujourd’hui au PDS est du fait de Abdoulaye Wade qui se sera trompé sur toute la ligne dans l’affaire Karim. C’est bien lui qui est la source des ennuis de son fils, pour n’avoir pas suffisamment su le mettre à l’écart. De plus, il ne s’est pas toujours illustré de la meilleure des manières lors du procès de son fils. Par ses sorties intempestives et quelques fois mal à propos, il renvoie plutôt de Karim l’image d’un enfant gâté qui ne sait pas se défendre en tant qu’adulte. Et il n’a pas hésité à utiliser le parti pour parvenir à ses fins. C’est pourquoi, en manœuvrant pour investir Karim candidat de son parti à la future présidentielle, à un moment où il n’y avait aucune nécessité absolue de le faire, Abdoulaye Wade finit de convaincre même les plus sceptiques qu’il est non seulement le seul maître à bord au PDS, mais surtout, que l’avenir de ce parti ne saurait s’écrire ni se dessiner en dehors de la famille Wade. Mais, il y a lieu de croire que cette désignation et ce positionnement du fils pour succéder au père, risquent d’être la goutte d’eau qui va couler le navire PDS. Car, tout retour en arrière pour retirer Karim de la course à l’ élection présidentielle, semble désormais difficile, ce qui condamne les militants à accepter la situation ou à aller voir ailleurs. Dans ces conditions, l’on n’est pas loin de s’attendre à d’autres défections. Et l’obstination de Wade père à préserver les intérêts de la famille risque d’être fatale au PDS, c’est-dire à Gorgui lui-même. Ainsi, après que le père a perdu le fils, le fils risque à son tour de perdre le père pour n’avoir pas eu la sagesse de décliner l’offre de succession de son père, dans un contexte où une telle démarche ne pourrait être interprétée que comme une mise sous éteignoir de l’intérêt du parti au profit de celui de la famille. Et si le PDS venait à imploser, que resterait-il encore à Abdoulaye Wade sinon ses grands boubous ?
Outélé KEITA