DEUXIEME ANNIVERSAIRE DE L’ASSASSINAT DU JUGE NEBIE : « Où en est le dossier au plan judiciaire ? »
Cela fait deux ans que le juge constitutionnel, Salifou Nébié, a été retrouvé mort sur la route de Saponé, dans des circonstances non encore élucidées. C’est pourquoi le Collectif justice pour Salifou Nébié, à l’occasion de ce triste anniversaire, s’interroge : « où en est le dossier sur le plan judiciaire ? ». C’est la substance de la déclaration ci-dessous. Lisez plutôt !
Le 24 mai 2014, le corps inerte et sans vie du juge constitutionnel Salifou Nébié a été retrouvé peu après 20 heures, sur la route départementale n° 39 (route de Saponé, bretelle de Kalkuidigui). L’émérite juge venait d’être sauvagement assassiné. Ce crime avait plongé dans le désarroi, la perplexité et l’indignité l’ensemble du peuple burkinabè. Au lendemain de la découverte macabre, les premières constatations de l’enquête ont révélé que la victime portait des blessures béantes à la nuque, à l’avant-bras droit et au flanc gauche. Un examen de médecins burkinabè appuyé par une IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique) avait conclu à l’usage d’armes contondantes donc à un homicide volontaire. La justice burkinabè avait repris à son compte l’hypothèse de l’assassinat à travers une déclaration de M. Wenceslas ILBOUDO, à l’époque procureur général, près la cour d’appel. Le SAMAB (Syndicat Autonome des Magistrats du Burkina) avait, de son côté, soutenu au regard des examens faits sur le corps « que la victime a été volontairement tuée par des
inconnus avant d’être abandonnée sur la bretelle de Saponé ».
Coup de théâtre. Quelques jours après, un médecin-légiste français du nom de Stéphane Chochois effectuait une autopsie sur la dépouille mortelle du juge Nébié et concluait que celui-ci est mort dans un accident routier. Le rapport du Dr Chochois contredisait ainsi celui des médecins burkinabè ainsi que les conclusions de la justice burkinabè et du SAMAB. De façon tendancieuse, ce rapport soulignait que : « l’intervention directe d’un tiers dans le déterminisme des causes de la mort peut être définitivement éliminée (…) Les lésions que présente le corps de M. Salifou Nébié sont, par contre, compatibles avec un accident routier (piéton renversé) par un engin de forte inertie (type camion ou gros véhicule) ».
« La disparition du juge Nana est devenue une affaire dans l’affaire »
Le Collectif Justice pour Salifou Nébié n’a eu de cesse de dénoncer ce rapport du Dr Chochois, qu’il trouve truqué. Pour le collectif, il s’agit d’un succédané de rapport commandité et fabriqué pour brouiller les pistes.
Le 24 mai 2016, cela fera deux ans que Salifou Nébié a été assassiné. A l’occasion du deuxième anniversaire de ce crime odieux, le Collectif Justice pour Salifou Nébié tient à saluer une fois de plus la mémoire de ce digne et chevronné magistrat de grade exceptionnel.
Au jour d’aujourd’hui, où en est le dossier au plan judiciaire ? L’on sait que le juge Théophile Nana qui avait été commis à l’instruction a malheureusement et brutalement disparu lui-même le 3 décembre 2015 dans des circonstances obscures. De fait, la disparition du juge Nana est devenue une affaire dans l’affaire. Le collectif saisit cette occasion pour saluer également la mémoire de cet autre juge qui, vraisemblablement, avait abattu un immense travail dans le cadre de l’affaire Nébié.
Le Collectif Justice pour Salifou Nébié a sollicité et obtenu une audience auprès de Mme Maïza Sérémé, Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, le 6 mai 2016, aux fins de s’enquérir de l’évolution du dossier. Le collectif retient des échanges, que l’affaire Nébié a été confiée depuis janvier 2016, à un nouveau juge d’instruction en la personne de M. Kouanda qui s’attelle à s’en imprégner en vue de la poursuite de l’instruction. Toutefois, le collectif note que le parcours judiciaire de l’affaire n’a pas connu une évolution significative et s’en inquiète très sérieusement. Son appréhension est d’autant plus fondée que plusieurs organes de presse avaient révélé l’imminence de la conclusion du dossier par le juge Nana. Le Collectif Justice pour Salifou Nébié exprime sa perplexité face à cette lenteur que l’on pourrait assimiler sinon à un « enterrement » de l’affaire, du moins à une affaire sans issue. Cet énième assassinat sous le régime Compaoré restera-t-il également sans assassin à l’instar des nombreux autres crimes de sang ? Notre collectif en appelle à la conscience des juges pour que cette affaire ne soit pas enterrée comme les précédentes. Au regard du contexte de la double période de Transition et post-transition, cette affaire ne devrait plus connaître de blocage. Le juge devrait avoir maintenant les coudées franches et les langues devraient pouvoir se délier afin qu’éclose enfin la vérité.
Le Collectif Justice pour Salifou Nébié saisit cette occasion pour inviter l’ensemble des organisations de la société civile, celles de défense des droits humains, les parents, connaissances, amis et collègues du juge Salifou Nébié ainsi que la presse à une cérémonie commémorative de dépôt de gerbe de fleurs sur la tombe du juge constitutionnel Salifou Nébié, le mardi 24 mai 2016 à 8h au cimetière municipal de Gounghin à Ouagadougou. D’autres activités commémoratives se dérouleront également à Léo le même jour.
Mobilisons-nous massivement afin que disparaissent à jamais les assassinats politiques et pour le respect du droit sacré à la vie.
Fait à Ouagadougou le 18 mai 2016
Le Collectif Justice pour Salifou Nébié