DIALOGUE POLITIQUE ENTRE L’OPPOSITION ET LA MAJORITE
Les gyrophares se sont éteints le 28 septembre devant la salle polyvalente du palais de Kosyam, dans laquelle opposition et majorité présidentielle se sont retrouvées deux jours durant pour plancher sur les mesures et dispositions consensuelles à prendre afin de mettre un terme à la crise protéiforme en cours dans notre pays. Dans le contexte actuel où les terroristes assassinent de plus en plus et autant qu’ils peuvent, des civils désarmés, où on assiste à des scènes de hooliganisme contre des populations innocentes dans lesquelles la responsabilité de volontaires censés défendre la patrie est clairement pointée du doigt, la reprise du dialogue politique national trois mois après sa suspension, pourrait être une fenêtre d’opportunité pour colmater toutes ces brèches profondément ouvertes dans notre pays depuis quelques années. L’opposition, qui avait claqué la porte en juin dernier, estimant que ses exigences n’avaient pas été prises en compte, revient donc à la table des discussions dans une meilleure disposition d’esprit, du moins si l’on en croit les propos de son Chef de file et président de l’ancien parti au pouvoir, Eddie Komboïgo. Notons qu’entre-temps, le pouvoir a lâché du lest en renvoyant du gouvernement, le controversé ministre de la Défense et son collègue de la Sécurité, le 30 juin dernier, et en acceptant que leurs remplaçants participent aux débats pendant les concertations bipartites. En somme, on a mis de l’eau dans son vin de part et d’autre, et c’est d’autant plus remarquable que même les caciques du parti au pouvoir ont abandonné leurs hyperboles imprudentes et leurs théories conspirationnistes pour lancer des appels à la mobilisation générale afin de sauver notre patrimoine commun qu’est le Burkina Faso.
Vivement qu’on aille au-delà des calculs politiciens
La dégradation continue de la situation sécuritaire avec ces carnages en séries, a donc eu le mérite, pour ainsi dire, d’avoir fait bouger les lignes de la méfiance réciproque, en ce sens que les principaux acteurs de la scène politique ont décidé désormais de se concerter sans calcul et sans acrimonie sur toutes les questions qui fâchent, notamment la révision a minima du Code électoral et l’apurement des passifs sur les plans économique et judiciaire, entre autres. Evidemment, ce n’est pas un dialogue politique, aussi important soit-il, qui mettra définitivement fin au dangereux engrenage de la violence dans notre pays, mais il pourrait ouvrir la porte à la réconciliation nationale, et, ipso facto, limiter la prolifération et les agissements criminogènes des groupes armés qui ont fait 1 423 378 déplacés internes dont 53% sont en âge d’aller à l’école, et obligé 17 500 autres à quitter carrément le pays. Si on ajoute à ce bilan déjà catastrophique, les 2244 établissements scolaires fermés et les centaines de morts depuis le déclenchement de la crise, on se rend à l’évidence que l’heure n’est plus aux vitupérations contre un régime, qu’il soit actuel ou ancien, mais à l’union sacrée afin de sauver la patrie actuellement attaquée dans tous les quatre points cardinaux. Les conclusions du dialogue rendues publiques hier vont, en tout cas, dans ce sens, même s’il faut savoir raison garder au regard de la volatilité des opinions de nos hommes politiques, ici, au Burkina. On espère que la révision du Code électoral et l’organisation pratique des élections municipales à venir qui étaient au centre des débats, ne vont pas reléguer la question sécuritaire au second plan au fur et à mesure qu’on se rapprochera des échéances, tout en sachant par exemple qu’aucun scrutin n’est organisable dans les zones rurales aujourd’hui désertées ou occupées par les terroristes. Vivement donc qu’on aille au-delà des calculs politiciens pour envisager le plus tôt possible des concertations intégrales et inclusives, au cours desquelles la société civile, les notabilités coutumières et religieuses, les partenaires sociaux et les spécialistes de la sécurité auront leur mot à dire par rapport à la meilleure approche pour ramener la paix et la cohésion sociale dans notre pays, en rendant justice aux uns et en assurant la sécurité des autres. C’est le plus important, et tout porte à croire que ceux qui étaient à la salle polyvalente du palais présidentiel, ont compris plus que jamais que ce n’est pas en jouant la carte de la victimisation pour faire pleurer dans les chaumières, que nous allons régler notre problème, et que nous devons surtout arrêter de nous battre entre nous pendant que l’ennemi fait pleuvoir du feu sur nos têtes sans discontinuer, depuis bientôt six ans.
Hamadou GADIAGA