HomeA la uneDIALOGUE POLITIQUE AU GABON : La vaste comédie !

DIALOGUE POLITIQUE AU GABON : La vaste comédie !


Depuis l’élection présidentielle d’août dernier, l’atmosphère sociopolitique reste tendue au Gabon, suite à la victoire contestée du président Ali Bongo Ondimba (ABO) sur son principal rival, Jean Ping. Ce dernier, qui se dit spolié d’une victoire certaine mais qui n’a jusque-là pas réussi à la faire entériner, n’a pour autant pas encore désarmé et ne désespère pas de s’installer dans le fauteuil présidentiel. Si fait que sept mois après le scrutin, la crise est loin de connaître son épilogue, et le pays est aussi en proie à des tensions économiques et sociales, avec des grèves à n’en pas finir qui font tourner le pays au ralenti et qui sont en passe de paralyser l’administration. C’est dans cette atmosphère qui sent le soufre que s’ouvre ce 28 mars, le dialogue politique prôné par le président Bongo, au lendemain de sa reélection à la tête du Gabon, pour essayer de sortir le pays de l’impasse. Mais comme il fallait s’y attendre, ce dialogue politique qui se veut « inclusif et sans tabou », est boycotté par la Coalition pour la nouvelle République de Jean Ping (CNR) qui ne veut certainement pas se faire harakiri en participant à un tel dialogue qui serait, de fait, une reconnaissance de la victoire de son rival pour qui la question de l’élection présidentielle relève désormais du passé.

Le pouvoir gabonais gagnerait à tempérer son enthousiasme en ne minimisant pas la non-participation des partisans de Jean Ping

Ce sera donc sans Jean Ping et les siens, mais cela ne semble aucunement gêner le pouvoir gabonais qui se félicite déjà de la participation « massive » de la société civile dont près de 1 200 organisations sont annoncées pour être de la partie, sans compter la cinquantaine de partis politiques qui y sont aussi attendus. Et le Premier ministre ne s’y trompe pas, lui qui a soutenu sans ambages : «  que tel ou tel ne participe pas, peu importe, cela ne gêne pas ». Mais malgré la forte mobilisation des forces vives de la nation, le pouvoir gabonais gagnerait à tempérer son enthousiasme en ne minimisant pas la non-participation des partisans de Jean Ping. Car, on sait comment les choses se passent généralement sous nos tropiques où la mobilisation des foules lors de telles manifestations, n’a jamais été véritablement un problème pour les tenants du pouvoir. On en a vu même qui ont rempli des stades recto-verso pour se targuer de l’adhésion des populations à leur projet, avant de se réveiller avec la gueule de bois, chassés du pouvoir en plein midi. C’est pourquoi il y a lieu de se poser des questions sur la portée de ce dialogue qui va s’ouvrir sans la participation de l’un des protagonistes et pas des moindres, et ce à quoi tout cela va aboutir. En tout cas, tel que les choses se présentent, cela ne semble pas un dialogue pour aller à l’apaisement et à la décrispation par un rapprochement des positions, mais plutôt un dialogue avec des gens acquis, pour se donner bonne conscience. En somme, une vaste comédie qui risque malheureusement de ne pas changer la donne au pays d’Ali Bongo. Comment peut-il en être autrement, quand on sait qu’à ce dialogue qui se veut pourtant sans tabou, la probabilité est grande que la question principale qu’est le hold-up électoral du locataire du palais du bord de mer, ne soit pas évoquée ? Or, tant que cet abcès-là ne sera pas crevé, le problème risque de ne pas connaître une solution définitive.

En Afrique, les dictateurs n’organisent de dialogue que lorsqu’ils sont acculés

 

Et à y regarder de près, l’on a le sentiment que les autorités veulent pousser Jean Ping à la faute, pour mieux le réduire au silence. En effet, tout porte à croire que l’opération mains propres qu’elles s’apprêtent à lancer, n’a d’autre but que de trouver des charges suffisamment accablantes contre le « Chinois », pour le mettre dans le collimateur de la Justice de son pays. A moins que ce ne soit une stratégie d’intimidation dont la finalité serait de l’obliger à composer avec le pouvoir. En tout état de cause, on observera qu’en Afrique, les dictateurs n’organisent de dialogue que lorsqu’ils sont acculés. Et tout porte à croire que c’est aujourd’hui le cas de Bongo fils qui ne doit pas avoir la conscience tranquille, avec les résultats de cette présidentielle qui lui ont permis de sauver son pouvoir sur le fil. En agissant de la sorte, Ali Bongo semble marcher sur les pas de Omar, son père, contesté lui aussi en 1993 à l’issue de la première présidentielle pluraliste du pays, et qui avait eu recours à la même stratégie pour se remettre en selle. En tout cas, il n’est pas exagéré de dire qu’il aura fallu cette crise pour que les autorités de Libreville consentent à évoquer la possibilité de réformes politiques dont il n’y a pas encore longtemps, elles ne voulaient pourtant pas entendre parler. Notamment la question de la limitation des mandats et l’instauration d’un second tour à la présidentielle, qui devraient, entre autres, faire l’objet de discussions à l’occasion de ce forum. Si avancée, il devrait y avoir, ce serait véritablement sur ces points. Encore faudrait-il que le contentieux de la dernière présidentielle soit complètement vidé, dans le sens de concourir à un apaisement des cœurs pour aboutir à une sortie de crise. Pour l’instant, l’on ne semble pas en prendre le chemin.

« Le Pays »


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