DISPARITION PRESUMEE DE SOLDATS AU TCHAD : Idriss Déby ouvre une enquête pour se disculper
L’affaire de la disparition présumée de soldats qui n’auraient pas voté pour le MPS, le parti d’Idriss Déby Itno, à la présidentielle du 10 avril dernier, connaît un nouveau rebondissement. En effet, le Procureur de la république, Alghassim Khamis, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur cette affaire qui défraie la chronique au Tchad. A priori, l’on peut dire que le procureur semble vouloir répondre à la requête des parents des victimes. Mais, dans le fond, le gouvernement tchadien cherche à étouffer l’affaire. Cela est d’autant plus vrai que si le souci premier des autorités tchadiennes était de faire la lumière sur cette affaire, elles auraient mis en place une commission d’enquête indépendante internationale. Du reste, rappelons, si besoin en est encore, que le gouvernement tchadien avait au préalable rejeté en bloc les allégations de disparition de soldats. Mieux, il avait présenté quelques militaires à la télévision nationale pour tenter de convaincre que les soldats en question, sont bel et bien en vie, mais en mission secrète. S’il en vient aujourd’hui à ouvrir une enquête, ce n’est certainement pas de gaieté de cœur ni par souci de faire jaillir la lumière sur cette affaire. Mais plutôt pour desserrer l’étau autour du dictateur Idriss Déby. La pression des mouvements de défense des droits de l’Homme et des leaders politiques ainsi que des familles des soldats présumés disparus, commençait sans nul doute à l’agacer. En tout cas, on a de bonnes raisons de le penser, d’autant que ce sont des juges tchadiens au pays de Déby, qui prennent l’affaire en main. D’ailleurs, comme le général Charles De Gaulle l’a dit, la meilleure manière d’étouffer une affaire, c’est d’ouvrir une enquête nationale. C’est dire que cette affaire pourrait, dans les jours ou mois à venir, être classée sans suite, dans le meilleur des cas. Et dans le pire des cas, elle pourrait aboutir à l’arrestation d’opposants pour diffusion de fausses informations. Si Déby a fait ouvrir une enquête sur une affaire aussi sombre, ce n’est pas pour servir la Justice mais pour se disculper.
Cette affaire ternit l’image du prince régnant
Le moins que l’on puise dire, c’est qu’il ne fait pas bon être opposant au Tchad. L’on est promis à la prison ou…à la mort. A preuve, Ibni Oumar Mahamat Saleh, figure emblématique de l’opposition tchadienne, avait lui aussi disparu comme par enchantement, en 2008. Et depuis, c’est mystère et boule de gomme. Aucune enquête n’a permis jusque-là d’élucider les circonstances exactes de cette tragique disparition. Et tout laisse penser que l’on s’achemine vers le même scénario dans cette nouvelle affaire. En tout cas, il ne faut pas espérer grand-chose avec l’ouverture de cette enquête nationale. Seule une enquête indépendante internationale aurait pu susciter l’espoir de savoir la vérité. C’est elle et elle seule qui peut permettre de délier les langues et de faire jaillir la lumière sur cette affaire qui empoisonne le climat sociopolitique tchadien. Hélas, le pouvoir en a décidé autrement. Or, il avait tout intérêt à ce que toutes les zones d’ombre soient éclaircies. Assurément, cette affaire ternit l’image du prince régnant. Elle donne la preuve que le scrutin tchadien n’a pas été sincère. Mais un dictateur se soucie-t-il de son image ? La seule chose qui importe pour Déby, c’est de continuer à bénéficier du soutien des Occidentaux. Et tant qu’il continuera à casser du djihadiste, il peut être sûr que les puissances étrangères ne lui remonteront pas les bretelles. Le peuple tchadien devrait donc se sentir orphelin face au dictateur Déby qui ne s’embarrasse pas de scrupules lorsqu’il s’agit de casser définitivement de l’opposant.
Dabadi ZOUMBARA