DISSOLUTION DE LA CONFRERIE DES FRERES MUSULMANS :Al-Sissi saura-t-il combler le vide ?
Déclarée « organisation terroriste » et interdite par la Justice égyptienne en septembre 2013, la confrérie des Frères musulmans a été enfin dissoute le samedi 9 août dernier par la Cour administrative suprême. En termes plus clairs, les Frères musulmans ne peuvent plus officiellement prendre part à des consultations électorales.
Les Frères musulmans avaient engagé un véritable bras de fer avec le régime militaire
Ils ont été renvoyés à leur passé, contraints donc d’exercer dans la clandestinité. C’est la rançon de l’intransigeance, est-on tenté de dire. Car, on se rappelle que depuis la chute du président Mohammed Morsi, en juillet 2013, les Frères musulmans avaient engagé un véritable bras de fer avec le régime militaire du général devenu maréchal Al-Sissi qui a sorti l’artillerie lourde en réprimant dans le sang toutes les manifestations de rue. Plus de mille quatre cents manifestants ont été tués, d’autres jugés et condamnés à la peine capitale à l’issue de procès de masse dénoncés par l’Organisation des Nations unies (ONU). Et comme si cela ne suffisait pas, la Justice vient de dissoudre l’aile politique de la confrérie des Frères musulmans dans un contexte sous-régional délétère, marqué par l’intervention militaire israélienne en Palestine. Toute chose qui peut donner du grain à moudre aux Frères musulmans qui, du reste, n’avaient jamais fait mystère de leur soutien au Hamas. Vont-ils accepter le fait accompli ? Ou bien vont-ils, comme à l’accoutumée, se signaler par des actes de défiance et des actions de guérilla urbaine ? Autant de questions que l’on se pose, qui demeurent pour l’instant sans réponse. De toute évidence, en décidant de dissoudre les Frères musulmans, le Maréchal Al-Sissi n’ignore pas qu’il se lance du même coup un immense défi. Car au-delà de la capacité de nuisance dont ils disposent, les Frères musulmans, faut-il le rappeler, avaient réussi à toucher les cœurs de bien des Egyptiens, à travers leurs œuvres sociales et captatives.
Les Frères musulmans sont loin d’être des enfants de chœur
Cela dit, Al-Sissi doit tout faire pour que les Egyptiens n’aient pas à regretter les Frères musulmans, en comblant le vide qu’ils auront laissé. Il faudra donc travailler à faire oublier la confrérie, car la nature ayant horreur du vide, les Frères musulmans ne manqueront pas l’occasion d’exploiter les failles du régime Al-Sissi pour redorer leur image plus que jamais écornée avec les dérives totalitaires de Morsi. C’est dire qu’il s’agit là d’une épreuve de force engagée entre la confrérie et le pouvoir de Al-Sissi. Et qui connaît les Frères musulmans, sait qu’ils ne rateront pas la moindre occasion pour se faire entendre par quelque manière que ce soit. Irréductibles et intraitables, les Frères musulmans, pour ainsi dire, ont la culture de la mort et de ce fait, sont prêts à tout. On sait bien d’ailleurs que tous les régimes qui se sont succédé en Egypte ont eu maille à partir avec la confrérie. De Nasser à Moubarack en passant par Sadate, tous ont eu à faire face aux Frères musulmans si bien que l’un après l’autre, ils ont été amenés à les mettre sous l’éteignoir. C’est la preuve donc que les Frères musulmans sont loin d’être des enfants de chœur. Ils ne veulent jamais entendre raison ; oubliant qu’à l’épreuve du pouvoir, ils ont montré leurs limites. Du reste, c’est sous leur magistère que le chômage et la pauvreté ont atteint un niveau inégalé en Egypte, avec surtout l’obstination de leur mentor Morsi à vouloir instaurer un régime théocratique à une époque moderne où les peuples aspirent à plus de liberté.
Boundi OUOBA