HomeA la uneDR ABDOUL KARIM SAIDOU, A PROPOS DU PUTSCH AU MALI  

DR ABDOUL KARIM SAIDOU, A PROPOS DU PUTSCH AU MALI  


Dans ce bref texte publié sur sa page Facebook, Dr Abdoul Karim Saïdou, politologue bien connu des Burkinabè, réagit à la situation politique au Mali, marquée par le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta par une junte militaire.

 

« « Les Etats s’engagent à lutter contre la corruption, à gérer les ressources nationales dans la transparence et à en assurer une répartition équitable », dispose l’article 38 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Comme quoi, les principes de la CEDEAO ne se limitent pas à l’interdiction des coups d’Etat et aux autres formes de changement anticonstitutionnel de gouvernement. Ce que l’on observe dans la pratique, c’est que la CEDEAO est prompte à imposer des sanctions en cas de coup d’Etat, ce qui est normal puisqu’il s’agit de violation de ses principes. Cependant, face à la patrimonialisation de l’Etat et aux autoritarismes déguisés, la CEDEAO est à la fois silencieuse et impuissante. Même sur la transparence des élections où elle a pourtant de l’expertise, rares ont été les cas où la mission d’observation de la CEDEAO a remis en cause de manière substantielle un scrutin, même lorsque celui-ci a été entaché d’irrégularités graves. Ce qui révolte la CEDEAO, ce sont les coups d’Etat, et ce qui révolte une partie du peuple, c’est la corruption et l’impunité. C’est ce qui explique cette tension entre la CEDEAO et le peuple : pendant qu’elle condamne les coups d’Etat, le peuple jubile. Ce que la CEDEAO qualifie de fait grave est considéré comme une libération par le peuple. Que peut faire la CEDEAO face à un gouvernement corrompu ? Comment la CEDEAO peut-elle dénoncer la corruption dans un Etat sans être accusée d’ingérence dans ses affaires intérieures ? D’ailleurs, combien sont-ils les présidents de l’espace de la CEDEAO à ne pas entretenir la corruption? A mon avis, il serait irréaliste de penser que la CEDEAO peut avoir un impact concret dans la gouvernance interne des Etats, au-delà du respect des principes généraux de la démocratie. Cette responsabilité incombe à chaque peuple, ou du moins aux « peuples », puisqu’il me semble qu’il y en a au moins deux : celui qui vote et celui qui est dans la rue. S’il en est ainsi, autant alors demander au peuple de la rue de s’engager dans les élections pour voter les bons candidats, au lieu de laisser l’autre peuple voter et ensuite dénoncer dans la rue. Si le peuple de la rue conteste la démocratie représentative, qu’il nous propose autre chose, et on avisera. Si c’est le même peuple, alors on peut simplement lui demander d’être cohérent avec lui-même. Qui a élu et réélu IBK? Il me semble que ce n’est pas la CEDEAO, mais bien des citoyens maliens. Je n’ai pas aussi eu connaissance de violences exercées sur les Maliens pour aller voter IBK. On pourra me dire que le peuple s’est trompé au premier mandat, ok ! Et le second mandat ? S’est-il encore trompé ?  On ne peut pas voter, depuis trente ans, une classe politique sans vision et espérer le changement. Sur ce chantier, la CEDEAO n’y peut rien, désolé. Certains rétorqueront que le peuple est manipulé lors des élections, que le peuple a faim, que le peuple est analphabète et ne comprend pas le jeu politique. Si après trente ans d’expérience démocratique, le peuple est encore à ce stade d’immaturité et d’irresponsabilité politique, il faut alors conclure qu’il a les dirigeants qu’il mérite. Il n’est en conflit ni avec la classe politique, ni avec la CEDEAO, il est en conflit avec lui-même.

 

Dr Abdoul Karim SAÏDOU, Politologue »

 

 


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