Dr BOUBACAR LY, FONDATEUR DE L’ « ECOLE DE LA SAGESSE » : « Le Burkina est toujours dans le marécage»
L’homme n’est plus à présenter. Docteur vétérinaire, homme politique, fondateur de «l’Ecole de la Sagesse sur Dunes» de Dori, libre-penseur, homme de lettres. Bref, Dr Boubacar Sadou Ly, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est bien connu des Burkinabè. C’est cet homme très détendu qui nous a reçus malgré ses multiples occupations. La politique nationale, l’actualité internationale, le bilan de la Transition, les défis du nouveau président du Faso, la sagesse, ont, entre autres, été abordés durant cet entretien qu’il nous a accordé dans l’enceinte de «l’Ecole de la Sagesse sur Dunes» de Dori, le 8 décembre 2015. Lisez plutôt !
Le Pays : Là où nous sommes, je vois une pancarte sur laquelle il est écrit : «Ecole de la Sagesse sur Dunes. Entrée espérée». Qu’est-ce qui vous a conduit à créer une telle école?
Dr Boubacar Sadou Ly : Je suis vétérinaire et à ce titre, je suis chargé de veiller sur la santé des animaux. Pour nous les vétérinaires, l’Homme est un animal. Il n’est pas différent des autres animaux tels que les bovins et les ovins. Il a sa particularité, mais il est un mammifère comme les autres. Et dans mon observation, j’ai vu que l’animal le plus mauvais de tous, le plus cruel, le plus criminel, c’est l’être humain. Donc, officieusement, je me dois de veiller sur la santé des humains. Dans mes recherches, dans mes réflexions, j’ai débouché sur le fait que la seule manière de guérir les humains de leur méchanceté et de leurs excès, c’est de réveiller leur potentiel de sagesse. Là, la sagesse, en grandissant, corrige tout ; puisque la qualité de la sagesse, c’est qu’elle complète, apaise, équilibre tout. Voilà comment je me donne comme mission d’animer les gens pour réveiller leur potentiel de sagesse.
Comment se fait l’admission au niveau de «l’Ecole de la Sagesse»?
C’est d’abord le temps. Si vous avez deux minutes, on fait une animation de deux minutes. Si vous avez deux ans, on fait une animation de deux ans. C’est donc en fonction du temps qu’a chacun. On ne paie absolument rien. C’est totalement gratuit, mais il ne faut pas espérer que je vais aussi vous donner quelque chose de matériel. Personne ne me soutient et je n’ai pas d’argent ni de matériel à donner aux gens. Donc, l’entretien consiste à avoir du temps et à venir ici pour qu’on développe des dialogues et s’entretienne jusqu’à ce que le temps que l’autre a s’épuise et qu’on recommence.
Justement, on voit un écriteau disant « Entrée espérée ». A quoi cela renvoie-t-il?
Cela provoque la curiosité des gens. La sagesse est peut-être, c’est étonnant, l’une des qualités, l’une des vertus, l’une des valeurs les plus élevées et la plus délaissée. Donc, «Entrée espérée» veut dire que j’espère que les gens n’auront pas tellement peur de la sagesse et qu’ils oseront entrer. C’est donc un espoir de mon côté que les uns et les autres qui verront cela, soient assez curieux et se disent que « je vais entrer et je vais poser des questions. »
Parlant des gens, on parle des populations et par ricochet de la politique. Etes-vous politiquement engagé?
Je suis politiquement engagé, mais pas sur les mêmes repères que les autres. J’ai une formation politique mais elle, elle veille sur la valeur, sur la noblesse de la politique. Elle a une direction ascendante. Alors que les autres sont au niveau horizontal, ma formation politique a une direction verticale. Elle s’appelle Mouvement d’animation culturelle pour l’ennoblissement de la politique (MACENPOL). Tout ce qui me préoccupe, c’est que la politique retrouve sa nature, sa noblesse. Et ainsi elle fera du bien, quel que soit celui qui la fait. Maintenant, il faut des gens exceptionnels pour que la politique fasse du bien à un grand nombre de gens.
A vous entendre parler, on penserait que vous vous adressez plus aux élites qu’à la masse, contrairement aux autres politiciens qui se préoccupent de strapontins. Pensez-vous que les gens vous suivent?
Personne ne me suit car la voie que j’ai suivie est ascendante. Il n’y a pas beaucoup de gens qui s’aventurent de ce côté-là, aussi bien à la base qu’au sommet. Les gens ont des préoccupations d’ordre matériel et autres. Ce n’est pas tellement ma préoccupation. Ma préoccupation est de pouvoir continuer ma réflexion et pouvoir écrire ça de sorte que, même dans mille ans, cela puisse servir aux humains.
A propos, avez-vous des écrits ou des traces pour ceux qui s’intéressent à ce que vous faites?
J’ai énormément d’écrits. Mais je ne les ai pas publiés car je n’en ai pas eu l’occasion, mais cela ne saurait tarder. Donc, je vais m’y atteler pour sortir au moins une dizaine de livres.
« Il y a trop de dossiers et je ne sais pas comment on va les soulever »
Le Burkina Faso vient d’élire son président et ses 127 députés. Quel regard y portez-vous?
Le Burkina Faso a, disons, franchi une étape institutionnelle électorale. Mais il est toujours dans le marécage. Il y a trop de dossiers et je ne sais pas comment on va les soulever, comment on va les résoudre. Il y a beaucoup de divergences mais cela est normal entre les humains. Mais ces dossiers pourraient encore faire des secousses au Burkina. Il faut prier.
Lors de la conférence de l’OVCE tenue par les chefs coutumiers et traditionnels, vous avez dit qu’on a donné la possibilité de décider à ceux qui ne comprennent pas.
Est-ce que vous pouvez étayer cette assertion?
Combien de gens, parmi ceux qui ont voté, ont pu lire ou écouter un programme politique? Personne. Les bribes de programmes qui sont jetées à la télé ou à la radio ne suffisent pas pour convaincre. Les meetings ne permettent pas de comprendre. A supposer même que les gens veuillent comprendre. Moi, je sais que dans mon village, on suit un homme et non un programme. Or, ils ne connaissent pas beaucoup d’hommes. 90% de ceux qui votent ne connaissent pas ceux qu’ils votent. Ils s’en remettent en fait à Dieu.
Vous avez une formation politique. Est-ce que vous vous êtes porté candidat à la présidentielle ou aux législatives?
Je n’ai été candidat ni à la présidentielle ni aux législatives parce que c’étaient des élections où l’argent allait départager les gens. Je n’ai pas cet argent. Donc, je n’ai pas pris le risque.
Parlant d’argent, on a donné 1 milliard 300 millions aux partis et formations politiques. Quel est votre regard là-dessus?
Je ne sais pas. Je sais que j’ai reçu tout simplement la plus petite part : 300 mille F CFA (Rires).
Après la présidentielle et les législatives, il y a les municipales qui arrivent. Serez-vous candidat ?
Oui, pas que je le veuille. Je serai là-bas, parce que je suis obligé. Je suis quand même l’un des plus anciens et même le plus haut instruit et le plus ancien dans la pratique. J’ai été député en 1978 et j’ai fait mille et une choses. Les gens m’ont dit que je devrais jouer mon rôle. Mais le problème ou le problème des populations, c’est qu’actuellement, elles ne cherchent pas à s’améliorer, elles cherchent à gagner. Elles font la confusion entre gagner de l’argent et améliorer leur vie progressivement. Sinon, étant enfant du pays, je suis obligé de m’impliquer. Et si je m’implique, je suis censé être le plus à même d’avoir les idées, les ressources pour aider au mieux la région, la commune.
Vous venez de dire que 90% de ceux qui ont voté ne connaissent pas ceux qu’ils ont votés. Selon vous, quelle est la difficulté majeure?
Le Burkina n’a qu’un seul problème: l’Homme providentiel. Parce qu’il sort d’un homme qui a tenu le pays pendant longtemps. Mon Dieu, il faut quelqu’un de solide pour remettre de l’ordre. Le Président élu peut potentiellement être un homme providentiel, mais généralement, tout dirigeant est tenu par son entourage. Maintenant, je ne sais pas si son entourage lui permettra d’être un homme providentiel ou pas. Si au niveau des 90% de ceux qui l’ont voté, peu d’entre eux le connaissent, au niveau du village, on se connaît. J’ai longuement vécu avec ceux du village, j’y ai travaillé longtemps, je suis chef de village, il y a des relations de famille. Donc, on se connaît. On me connaît.
Pouvez-vous nommer cette localité?
La commune s’appelle Solhan, à 15 km de Sebba, la capitale provinciale du Yagha. Mon village c’est Gountouré. Et Gountouré et Solhan se tiennent presque pour former, l’un dans l’autre, une seule entité.
Quel bilan faites-vous de la Transition ?
Je n’ai aucun bilan à faire parce que je n’ai pas suivi l’action de la Transition. Je ne me suis pas préoccupé de cela. Donc, je n’ai pas voulu mettre des forces de réflexion ou même d’observation sur la Transition. J’attends de voir. Vous savez, il y a des lois. Après le départ d’un chef d’Etat qui est resté 27 ans au pouvoir, son successeur doit conduire le pays selon des principes précis. Je ne sais pas s’ils retrouveront ces principes. Après une longue dynastie, il y a des principes parce que ce sont des lois physiques de rétablissement d’une situation normale. Je ne sais pas si les chefs actuels connaissent ces lois ou bien s’ils vont les chercher. Toujours est-il que je suis catégorique. Après une longue période, si on ne prend pas certaines dispositions, si on ne travaille pas avec certains principes, c’est sûr qu’on ne pourra pas stabiliser le pays.
Notre monde est actuellement beaucoup chamboulé. On parle d’intégrisme religieux, de djihadisme… Qu’en pensez-vous?
Je ne pense rien parce que je n’y comprends rien. C’est trop compliqué. C’est trop compliqué et pour que moi, je puisse expliquer cela aux gens, selon ma compréhension, cela prendra des heures. C’est vraiment assez compliqué.
Cette situation compliquée a valu au Sahel d’être classé zone rouge, surtout pour nos amis occidentaux.
Cela veut dire que les Sahéliens doivent se réveiller avec un nouveau comportement.
Que pensez-vous de la COP21 qui a réuni plus de 150 pays à Paris pour parler des changements climatiques?
Il ne s’agit pas de changements climatiques puisque le climat, c’est le changement. Le climat équivaut au changement. Donc, ce sont des débordements du climat par rapport à nos possibilités, par rapport à la façon dont nous nous sommes installés. Le climat, lui, vient tel qu’il doit venir et il part de trop loin pour venir tel qu’il est. Maintenant, à notre niveau, nous ne sommes pas si préparés pour l’absorber, l’accommoder, quel que soit le degré de variation avec lequel il vient. Ce n’est que cela. C’est notre insuffisance. Ce n’est pas que le climat s’est détérioré. Mais il y a mieux. Le Créateur a mis un remède à chaque endroit pour chaque phénomène qui arrive. Donc, là où nous sommes et partout dans le monde, il y a un remède à ces changements. On parle du CO2 ; il y a des arbres qui absorbent le CO2 cent fois plus que d’autres. Ils sont connus, en tout cas, dans la tradition. Mais ce ne sont pas ceux qui font l’objet d’un reboisement. On reboise massivement comme en Occident. Mais on ne voit pas qu’il y a les correspondances.
« C’est le Blanc qui a dévalorisé la chefferie pour pouvoir mieux la gérer »
Au Sahel, on parle de Pôle de Croissance du Sahel en parlant des mines, de l’élevage. L’élevage, c’est votre domaine. Les mines, peut-être vous vous y connaissez probablement un peu. Mais que pensez-vous du regroupement de ces pôles pour en faire un seul?
D’abord dans les écritures, j’ai vu pôle sans «S». Et j’ai signalé au Premier ministre de l’époque : «Attention, un pôle, ça n’existe pas. C’est toujours deux pôles». A l’époque, on ne voyait que les mines. Il a fallu quelques réunions, quelques discussions pour qu’on ajoute l’élevage. Mais ni les mines ni l’élevage ne sont un pôle de croissance pour le Sahel. C’est la formation, encore la formation. L’individu formé est capable de tout résoudre. L’individu non formé ne peut rien résoudre, quel que soit ce qu’on lui apporte. Ce qu’on oublie, c’est qu’un vrai pôle de croissance, c’est l’éducation d’une part et la formation de l’autre. C’est pour cela que je disais que c’est l’éducation et la formation qui peuvent relever la chefferie sociétale pour qu’elle soit utile à tout le monde.
En lieu et place de la chefferie coutumière et traditionnelle, vous parlez de chefferie sociétale. Pourquoi ?
La chefferie est anatomiquement incluse et est même le centre de la société. Donc, elle n’est pas coutumière. La coutume, c’est une physiologie. La tradition, c’est une évolution. Non, non et non. Elle est le centre même de la société, le centre physiologique et anatomique de la société. Donc, elle est sociétale. Maintenant, dans ses fonctions, elle peut développer la coutume ou prendre la main de la tradition. Mais ce n’est pas du tout cela sa nature. Et je dis que c’est le Blanc qui a dévalorisé la chefferie pour pouvoir mieux la gérer. C’est lui qui a utilisé ces termes-là.
Vous avez dit que pour qu’il y ait la paix, il faut l’équilibre et la progression. Et pourtant, le monde actuel semble tout sauf équilibré et semble piétiné. Qu’est-ce qui explique cela ?
Mais il faut ignorer le monde. Dès lors qu’on a compris que la paix c’est l’équilibre et la progression, il faut commencer par chercher l’équilibre et la progression en tant qu’individu. Ensuite, on passe à sa famille, au village et ainsi de suite. Attention, si on regarde la tâche immense de la terre, de la planète terre, on ne fera rien. Mais en revenant à l’individu, on peut faire quelque chose. Dès lors que chacun comprend cela et le fait, tout changera vite, très vite même.
Hama Hamidou DICKO
Elmagnifico
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Voici un monsieur que je prends beaucoup de plaisir à écouter quand la télé veut bien diffuser une émission sur lui! Il a une aura qui dépasse l’entendement! Mais au Burkina Faso les gens préfèrent les sacs d’or plutôt que les rues d’or. Et puis, quel est l’impact du MACENPOL sur le quotidien de ceux qui ont pu bénéficier de la sagesse du Dr LY ?
7 janvier 2016La sagesse n’a rien à voir avec le mystique. Or, quand vous faites quelque chose de différent qui requiert de l’extrême concentration, vous serez combattu par les militants du désordre et de la courte échelle. Et malheureusement le Burkina Faso regorge actuellement de ces militants ! Et je crains fort que les élèves du MACENPOL n’aient, une fois sortis de l’Ecole de la Sagesse sur Dunes, dilué leur « sagesse » dans les verres du premier débit de boissons rencontré sur le chemin de retour.
Le Dr Ly gagnerait à mettre sa connaissance en ligne en créant son site web. Malheureusement en Afrique et particulièrement au Faso certains sages ont « sagement » horreur du net. Que dire alors des enregistrements audio ? Cela peut servir ! Et vu votre âge, je ne m’aventurerai pas à vous demander de sortir de Dori, votre biotope, pour rependre comme un bon samaritain la bonne parole aux quatre coins du pays. Non seulement vous allez vous esquinter rapidement mais en plus votre auditoire sera moindre car l’incivisme a tellement gangrené l’esprit du Burkinabè que le conduire vers les sommets de la sagesse se révèle être un travail de Sisyphe !
Que l’Eternel donne la force au Dr LY d’éditer et le plus rapidement possible afin de gagner des hommes pour demain.
boureima ouedraogo
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Commentaire…je lui souhaite bon vent et longue vie.
1 septembre 2016Anonyme
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Que le tout puissant l accompagne a accomplir ces oeuvres ,Papa, que te donne une longue vie
22 octobre 2016Anonyme
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Longue vie a dr ly tres sage
25 octobre 2017N'saki pawendtaoré Josué
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Dr Ly ! un temple de la sagesse pour les jeunes burkinabé!
6 janvier 2019Oumar
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Le grand Dr Ly longue vie , incha Allah le monde se servira de tes leçons .
8 janvier 2019Alassane
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Longue vie à vous
31 juillet 2021RAVALISON Rijamalala Mamy
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Je lis avec intérêt ces propos du Dr. LY. Le pays “Des Hommes Intègres” a de la chance d’avoir un citoyen comme lui. J’encourage lui et tous ses disciples la publication des ses écrits. Je suis totalement persuadé que le “Sagesse” qu’il véhicule est universelle et qui doit servir pour l’Afrique d’abord ; pour nous, anciennes colonies françaises” qui pétrissons encore dans le ” marécage” selon ses propos.
11 août 2023Ibra Salifou
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Je me rappelle toujours du grand frère dans ses réflexions que d’ordinaire on n’ose pas faire, mais lorsqu’il les fait et nous partage, ‘on est d’accord!! A propos, je sensibilise toujours les jeunes à se libérer du salaire car Docteur l’a bien expliqué un jour (lors d’une conférence en terre conquise … Bobodioulasso), ‘étudier de longues études dans la vision d’être employé par quelqu’un, c’est pas loin de l’esclavage…’ ?? Au village, personne n’est salarié de l’autre, on se complète en échangeant des biens ou service, et ça marche!
22 septembre 2023