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Dr FAGNIMA TRAORE, MEMBRE DE LA SOBUDEC : « Le préservatif ne protège pas totalement contre les condylomes »


 

 

Les condylomes, qu’est-ce que c’est ? Par quels moyens les prévenir et comment les traiter ? Dans notre rubrique de la semaine, le médecin dermatologue au Centre hospitalier universitaire régional (CHUR) de Ouahigouya, Fagnima Traoré,  qui est  membre de la Société burkinabè de dermatologie, d’esthétique et de cosmétologie (SOBUDEC), lève le voile sur cette infection sexuellement transmissible que sont les condylomes. Lisez plutôt !

 

« Le Pays » : En tant que membre de la SOBUDEC, quels sont les objectifs de cette société savante ?

 

Dr Fagnima Traoré : La SOBUDEC est un regroupement de praticiens de la santé qui s’intéressent essentiellement aux affections de la peau. C’est une association regroupant des dermatologues, des cosmétologues et des esthéticiens. Elle a pour objectifs de promouvoir la dermatologie, d’œuvrer à la connaissance des maladies de la peau et d’intervenir tant dans la prévention par des formations que dans la prise en charge des maladies par des soins qui sont administrés au niveau des hôpitaux.

 Quelle est la situation des IST au Burkina Faso ?

 

Je ne peux que donner une situation approximative parce que les IST sont prises en charge par plusieurs spécialistes, notamment par les dermatologues vénérologues,  les gynécologues, les urologues, les médecins généralistes, les infirmiers et les sages-femmes. Pour ce qui est de la dermatologie actuellement, nous avons deux IST que nous rencontrons couramment en dehors du VIH et de l’hépatite B. ce sont notamment  les végétations vénériennes encore appelées des condylomes, l’herpès génital.   Les pertes blanches    sont plus prises en charge par les gynécologues et les sages-femmes. Les IST majeures, de par le passé, notamment la syphilis, le chancre mou, la gonococcie   et autres tendent à être rares en consultation spécialisée, car ce sont des affections prises en charge au niveau périphérique. Dès qu’un patient part en consultation dans un CSPS pour une dermatose, il est courant qu’on lui administre du BBP injectable. Cet antibiotique reste efficace dans le traitement de la syphilis, mais n’est pas un traitement miracle à utiliser devant toutes les dermatoses (donc une injection à ne pas systématiser).

Quelle est la tranche d’âge la plus touchée par cette maladie ?

 

C’est évidemment la tranche d’âge la plus active sexuellement. Et ce sont les personnes de 16 à 40 ans. Mais surtout les jeunes des lycées et collèges, les travailleurs de sexe, le secteur informel, etc.

 

Y a-t-il une nuance entre MST et IST ?

 

Bien sûr qu’il y a une nuance. C’est une évolution de terme, car, avant, on parlait de maladie sexuellement transmissible et maintenant, on parle d’infection sexuellement transmissible. Car toutes les IST ne se présentent pas sous forme de maladie. On peut être un porteur sain et transmettre la maladie sans que soi-même on ne présente les signes de la maladie. C’est le cas de l’herpès, du VIH, où on peut contaminer le partenaire sexuel sans faire la maladie. Donc, au lieu de parler de MST, on a évolué vers le terme IST où on peut avoir l’infection sans faire la maladie et l’infection avec la maladie.

Quel lien existe-t-il entre IST et VIH ?

 

Il y a deux liens entre IST et VIH. Le 1er est la voie de contamination. Le VIH a plusieurs portes d’entrée mais, la voie de contamination essentielle reste les rapports sexuels, et la contamination des IST se fait également par des rapports sexuels. Donc, si l’on est exposé aux IST, cela suppose qu’on est exposé à l’infection du VIH/Sida. Du reste, si l’on a une infection sexuellement transmissible, on est amené à faire  systématiquement le bilan de toutes les autres IST non visibles, notamment l’hépatite B, la syphilis et le VIH. Et il faut noter que le VIH aggrave les IST. Si l’on a un herpès génital qui, facilement, sort et guérit en moins d’une semaine sur un terrain immunocompétent au VIH/Sida, l’herpès génital prendra une autre forme et  peut durer pendant   plusieurs  semaines sur un terrain immunodéprimé. Donc, le VIH aggrave les IST. Et enfin, les IST sont un signe d’évolutivité de l’infection au VIH. Cela veut dire que si le traitement d’une personne infectée par le VIH est correctement suivi, en principe, la personne ne doit pas avoir des IST trainantes. Mais si l’on est correctement suivi et on se rend compte que le patient fait des IST qui ne tendent pas vers la guérison, c’est un échec au niveau du traitement.

 

Est-ce que toute maladie localisée au niveau génital est une IST ?

 

Il faut faire une petite nuance. C’est pour cette raison que les dermatologues s’intéressent aux IST, parce que ces infections se manifestent sur la peau et les muqueuses et  elles ont une certaine présentation qui peut prêter à confusion avec d’autres maladies dermatologiques, L’appareil génital est recouvert par la peau, et toutes les maladies qui peuvent apparaître sur la face et le tronc peuvent apparaître également au niveau de l’appareil génital. Donc, tout ce qui est au niveau génital n’est pas forcément une IST.

 

Une IST peut-elle avoir une autre localisation en dehors du sexe ?

 

Une IST peut se voir  au niveau de la bouche ou au niveau anal, à cause de la diversité des pratiques sexuelles, notamment la fellation, la sodomie qui  fait que ce qui était classiquement limité au niveau de l’appareil génital, peut se retrouver au niveau anal. Donc, dès que les praticiens de la santé découvrent chez un individu une IST au niveau génital, ils sont tenus de faire un examen sur tout le corps et de toutes les muqueuses.

 

Après ces généralités, intéressons-nous maintenant à une IST qui semble très fréquente selon nos lectures : les condylomes. De quoi s’agit-il ?

 

Les condylomes sont la 2e IST actuellement en consultation de dermatologie à côté de l’herpès génital. Les condylomes sont encore appelés végétations vénériennes qui sont des boutons qui peuvent apparaître sur la partie génitale  de l’homme ou de la femme et ne sont pas douloureux mais sont contagieux et auto contaminants. Cela signifie qu’en rasant les parties intimes si toutefois il y a une lésion, cela peut s’étendre à d’autres parties. Les condylomes sont dus à un virus et pénètrent dès qu’il y a une petite plaie au niveau de la partie génitale et peuvent rester jusqu’à la fin de la vie sans se manifester. L’incubation est assez grande et variable et peut atteindre 3 mois ou 1 an. Une fois que la lésion apparaît sur la peau, le malade ne sent rien, car elle ne fait pas mal, sauf au toucher ou à la vue, on s’aperçoit d’une excroissance qui ressemble à une crête de coq ou à un chou-fleur.

Quelles sont les causes des condylomes ?

 

Ils sont dus à des virus. C’est une grande famille de virus qu’on appelle Human Papiloma Virus (HPV). C’est une famille qui regroupe les sous types de virus qui peuvent donner le cancer du col de l’utérus. Mais ce n’est pas exactement le même virus qui donne le cancer de col et celui des condylomes. Ils appartiennent néanmoins tous à la même famille. Du reste, quand une femme à des condylomes, on est amené à faire un examen approfondi pour rechercher une association possible à une lésion précancéreuse  du col de l’utérus.

Quelle est la prévalence dans votre pratique quotidienne ?

 

C’est difficile de donner un chiffre de la prévalence, parce qu’on n’ a pas fait  une étude exhaustive de cette maladie. Mais dans notre pratique, on sait que c’est la 2e IST la plus fréquente en consultation de dermatologie.

Comment se manifeste-t-elle ?

 

Il n’y a pas généralement de signe fonctionnel. C’est une maladie qui ne gratte pas et qui ne fait pas mal donc du coup, il y a un retard à la consultation. On a un bouton qui ressemble à des crêtes de coq ou à un chou-fleur et qui peut se multiplier au fur et à mesure.

 

A quel âge peut-on contracter cette maladie ?

 

Les condylomes ne sont pas liés à l’âge ni au sexe. Un enfant peut souffrir des condylomes. Car, il suffit d’être en contact avec le virus et la contamination est vite arrivée.

 

Les condylomes sont-ils connus du grand public ?

 

Je pense que le grand public ne connaît ni le mot condylome ni celui de végétation vénérienne. On reçoit parfois des patients qui se plaignent de boutons, mais ne savent pas que ce sont des condylomes. Donc, du coup, ils sont surpris et inquiets, une fois qu’on leur dit que c’est une maladie sexuellement transmissible et contagieuse.

 

Quels sont les sujets à risque ?

 

Les personnes qui ont de multiples partenaires et font des rapports non protégés sont ceux qui sont à risque.

Le préservatif protège-t-il efficacement contre les condylomes ?

 

Les préservatifs protègent contre les IST. Mais dans le cadre des condylomes, ils ne protègent pas toujours, parce que cela dépend de la localisation de la maladie. S’il y a des lésions qui siègent au niveau du gland du pénis, et si les lésions sont recouvertes par le préservatif, il peut y avoir une protection, mais si les lésions chez la partenaire siègent juste au niveau de la vulve et que le préservatif ne protège pas toutes les parties de l’appareil génital, la contamination se fait par frottement. Il suffit qu’il y ait un frottement avec un micro traumatisme et le virus va passer. Donc, le préservatif ne protège absolument pas pour toutes les localisations possibles des condylomes. Mais il est efficace pour protéger contre les autres IST, notamment le VIH, l’hépatite B et bien d’autres.


Est-il  conseillé de raser  les poils (une pratique de plus en plus courante) pubiens en cas de condylome ?

 

Le rasage au niveau de l’appareil génital de l’homme et de la femme crée trois types de problèmes. Si un individu à des lésions de  condylome au niveau génital et que cette personne fait le rasage, c’est par ce rasage qu’il peut traumatiser les condylomes et les étendre ainsi  sur d’autres parties qui n’étaient pas infectées. Le 2e cas est que chez un individu qui n’a pas de condylomes, mais à force de raser les poils et les balancer dans tous les sens, il finit par avoir  des furoncles qui pourront apparaître au niveau du pubis par le fait de ce rasage. Donc, l’idéal c’est de couper les poils avec des ciseaux si l’on veut avoir une hygiène sur cette partie du corps, ou à défaut, raser ces poils tous les jours. La 3e situation est le risque que les furoncles  cicatrisent en laissant des chéloïdes.

 Quelles sont les complications, notamment chez la femme enceinte et une personne immunodéprimée ?

 

Nous voulons que l’opinion publique connaisse cette maladie, car elle peut être liée à d’autres maladies. Parce que quand on parle de condylome, c’est qu’il y a un comportement sexuel à risque, dont le VIH, l’hépatite B, la syphilis, etc. Il faut rechercher d’autres maladies qui sont dues à des virus de la même famille que les condylomes, c’est-à-dire dues au HPV qui sont assez graves, notamment le cancer du col de l’utérus. Et la 3e raison, c’est que chez une femme qui est enceinte et qui a des condylomes, on propose une césarienne si les lésions sont assez importantes parce que l’enfant, en naissant, peut aspirer ces virus qui lui provoqueront d’autres maladies plus graves. Les localisations au niveau de la partie anale avec des pratiques sexuelles que des gens ont développées, notamment la sodomie, une fois que les condylomes siègent au niveau anal, on peut avoir une extension dans le canal anal et une extension au niveau du rectum. Donc, la prise en charge devient plus difficile, car il faut souvent faire un traitement par voie endoscopique sous anesthésie générale pour les lésions à l’intérieur du canal, et un autre traitement pour les lésions qui sont à l’extérieur. Il arrive qu’on cherche des localisations à l’interne, car chez l’homme, on peut trouver les condylomes au niveau de l’urètre, qui vont pousser à l’intérieur de l’orifice urinaire. Et chez la femme, on peut en trouver au niveau du col de l’utérus. Chez une personne immunodéprimée, les lésions peuvent être volumineuses, exubérantes et se cancériser.

Les condylomes sont-ils mortels ?

 

La maladie n’est pas mortelle, mais ce sont les conséquences associées qui peuvent créer des dommages. C’est un virus qui n’a pas une dissémination sanguine, mais est localisé et se limite juste-là où la lésion apparaît.

 Peut-on en guérir définitivement ?

 

Oui, on peut guérir totalement des condylomes. Le risque de récidive est cependant élevé. C’est-à-dire qu’après destruction, il suffit qu’une seule cellule  reste et il y a récidive.

 

 

Quels sont les moyens thérapeutiques au Burkina Faso ?

 

Il y a plusieurs moyens thérapeutiques. Il y a des moyens chimiques, physiques, chirurgicaux. Mais au Burkina Faso, nous utilisons en dermatologie   plutôt les moyens physiques, c’est-à-dire qu’on détruit la lésion jusqu’à sa racine (au niveau du derme) soit par électro coagulation ou par la cryothérapie (le traitement avec l’azote liquide). Ce qu’il faut ajouter, c’est que le crayon nitrate d’argent utilisé en périphérie, n’est d’aucune efficacité.

 

Quels sont les moyens de prévention ?

 

Cela rentre dans le cadre général de la prévention de toutes les IST. Ce sont :  l’abstinence, la fidélité, les rapports sexuels protégés, etc.

 

Où consulter en cas de lésions génitales suspectes de condylomes ?

 

Il ne faudrait pas attendre qu’une lésion apparue sur la peau  fasse mal ou gratte   avant de venir en consultation. Si une personne s’aperçoit d’une modification quelconque de sa peau, il est bien d’avoir un avis en dermatologie pour que le spécialiste puisse dire à quoi répond cette modification de la peau. Donc, c’est un appel à ce que les gens puissent également consulter en cas de modification soit de la couleur, soit de la forme d’une partie de leur peau pour qu’on puisse les rassurer. Au Burkina Faso, il y a une  assez bonne répartition géographique  des dermatologues,  car en dehors des villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, il y a des dermatologues dans les principales villes secondaires dont le CHUR/OHG où on a un accès direct à la consultation.

Autre chose à ajouter ?

 

Il faut dire qu’il y a véritablement une méconnaissance de la population en ce qui concerne les maladies de la peau, des muqueuses, des cheveux et  des ongles. Il y a beaucoup d’interprétations erronées (exemple piqûres d’araignée)  qui sont dites et qui expliquent un peu le retard à la consultation et les dépenses énormes qui sont faites en amont d’une consultation spécialisée. Que les gens fassent confiance aux médecins et qu’ils viennent en consultation de sorte que nous puissions les aider dans la résolution de leur problème, car la peau est le miroir de l’organisme. Donc, une modification quelconque sur la peau, peut vouloir dire une maladie interne. L’objectif d’une consultation n’étant pas forcément de faire disparaître la tache ou le bouton, mais de comprendre le pourquoi de son apparition car beaucoup de modifications qui apparaissent sur la peau, guérissent spontanément sans traitement.

Je remercie aussi les Editions « Le Pays » qui font beaucoup dans le domaine de la santé, encore plus dans celui de la dermatologie et on espère bénéficier toujours de votre accompagnement pour assurer cette mission essentielle de la SOBUDEC qui est la prévention des  maladies de la peau et la connaissance des maladies de la peau par la population.

Propos recueillis et retranscrits par Valérie TIANHOUN

 

 

 

 

 

               

 

 


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