HomeA la uneDr ISSAKA YAMEOGO, EPIDEMIOLOGISTE, A PROPOS DE LA DENGUE : « Nous sommes actuellement à la période critique en termes de transmission de la dengue »

Dr ISSAKA YAMEOGO, EPIDEMIOLOGISTE, A PROPOS DE LA DENGUE : « Nous sommes actuellement à la période critique en termes de transmission de la dengue »


 

Depuis quelques années, le  Burkina Faso est confronté, de façon épisodique, à la maladie de la dengue. Cette maladie est causée par un virus qui est transmis aux hommes par des piqûres de moustiques, et est très redoutée par les populations. Nous sommes allé à la rencontre du Dr Issaka Yaméogo, médecin épidémiologiste, et voici ce qu’il nous dit !

 

« Le Pays » : Qu’est-ce que la dengue ?

 

Dr Issaka Yaméogo : La dengue est  une maladie virale transmise à l’Homme par des femelles infectées de moustiques du genre Aedes (Ae. aegypti et Ae. albopiticus) encore appelés moustiques tigres. Le vecteur principal de la maladie est le moustique  Aèdes aegypti dans notre contexte. La dengue est une maladie tropicale négligée,  ré-émergente.

 

Quelles sont les causes de la dengue ?

 

Chez l’Homme, la dengue survient suite à la piqûre du moustique Aedes aegypti  qui pique au lever et au coucher du soleil  et transmet à l’Homme un type de  virus  appelé arbovirus qui appartient à la famille des Flaviridae. Il existe 4 types de virus de la dengue, sérologiquement différents, mais étroitement apparentés. Il s’agit des virus de la dengue (VDEN) 1, 2, 3 et 4. Quand on fait la maladie pour un sérotype donné, l’immunité conférée  est définitive pour ce sérotype, mais cette immunité  ne protège pas contre les autres sérotypes. Donc, cela veut dire qu’une personne peut être infectée par chacun des 4 sérotypes une seule fois dans sa vie. Aussi, pour une personne ayant déjà été infectée par un sérotype, une nouvelle infection par un autre sérotype est un facteur favorisant la survenue de dengue sévère.

 

Comment se manifeste-t-elle ?

 

On suspectera la dengue devant la survenue d’une fièvre aiguë généralement, accompagnée d’au moins deux des signes suivants :

-céphalées ou maux de tête sévères ;

-douleurs retro orbitaires ou douleurs derrière  les yeux ;

-douleurs articulaires ;

-douleurs  musculaires ;

-nausées ;

-vomissements ;

-éruptions cutanées ;

-manifestations hémorragiques  de type saignement inhabituel au point de piqûre, épistaxis, gingivorragie, hématémèse, purpura… ;

-état de choc.

Les signes perdurent en général de 2 à 7 jours et apparaissent à la suite d’une période d’incubation de 4 à 10 jours après piqûre d’un moustique infecté.

Combien de formes de dengue existe-t-il ?

 

En fonction des manifestations cliniques et d’autres circonstances, les malades peuvent être classés  en trois groupes :

– Les patients du groupe A qui peuvent  être pris en charge en ambulatoire. Ce sont des patients qui peuvent tolérer des volumes suffisants de liquide par voie orale, et ont des mictions au moins une fois toutes les 6 heures. Ce groupe de patients ne présente aucun signe d’alerte.

– Les patients du groupe B qui doivent être orientés vers une prise en charge dans une formation sanitaire. Ces patients sont traités dans une structure sanitaire disposant d’un laboratoire, soit dans un Centre médical, ou un Centre médical avec antenne chirurgicale, ou un  Centre hospitalier régional. Ils  nécessitent une surveillance clinique étroite. On y retrouve : les patients présentant des signes d’alerte  sur le plan des signes cliniques. Mais aussi les  patients ayant une affection chronique telle que le diabète, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque ou rénale, les maladies hémolytiques chroniques comme la drépanocytose,  sont classés d’office dans ce groupe lorsqu’ils sont malades de la dengue. Enfin dans ce groupe, on classe aussi  les terrains fragiles comme la femme enceinte, les enfants, les personnes âgées, les personnes obèses et les personnes vivant seules ou isolées.

– Les patients du groupe C qui nécessitent un traitement d’urgence et un transfert immédiat vers un
centre de référence. Ce sont donc  des patients nécessitant une prise en charge  dans une unité de soins intensifs, ou de réanimation. Ces patients présentent des complications sévères.

 

Quelle est la période cruciale de cette maladie ?

 

La prolifération des moustiques en général et ceux transmettant la dengue en particulier est favorisée par la prolifération des gites larvaires à travers les  réserves d’eaux stagnantes. Donc, la période cruciale de la transmission de cette maladie est la période de la saison des pluies allant du mois d’août à la fin du mois d’octobre de l’année.

 

Quelles sont les complications de  cette maladie ?

 

La dengue est une maladie qui se complique très peu si le malade a été pris en charge à temps dans une formation sanitaire. Aussi, pour éviter les complications, pour  tout malade suspect  de dengue, l’utilisation d’acide acétylsalicylique (aspirine par exemple) et de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ibuprofène, diclofenac par exemple) est formellement contre indiquée car ils majoreraient le risque hémorragique. Les complications de la dengue sont de plusieurs ordres, à savoir les types de saignements sévères  tels que épistaxis, hématémèse, hématurie de grande abondance… ou d’atteintes organiques sévères pouvant toucher le cœur, le foie, le rein, le  système nerveux central.

 

Est-elle contagieuse ?

 

Le sujet  infecté devient le principal réservoir du virus. Il va favoriser la prolifération du virus et devient ainsi une source de contamination pour les moustiques qui n’en sont pas encore porteurs. Les sujets infectés par le virus de la dengue peuvent transmettre l’infection en général pendant 4 à 5 jours – quelquefois jusqu`à un maximum d’une douzaine de jours par l’intermédiaire des moustiques.

 

La dengue est-elle guérissable ?

 

La dengue est une maladie d’allure bénigne, qui se complique très peu si le malade a évité les médicaments contre indiqués et a été pris en charge correctement. Elle  est donc guérissable et le malade recouvre totalement la santé.

 

C’est une maladie que les populations confondent souvent au paludisme. Comment un patient peut-il savoir qu’il souffre de la dengue ?

 

La dengue et le paludisme sont tous les deux transmis par le biais de la piqûre des moustiques. La différence est que le moustique de la dengue pique le jour et transmet un virus, tandis que celui du paludisme pique la nuit et transmet un parasite. Il y a des similitudes entre la symptomatologie de ces deux maladies, mais leur prise en charge est totalement différente. Seuls les agents de santé dans les formations sanitaires peuvent poser un bon diagnostic et appliquer le bon traitement.

 

Pouvez-vous nous faire l’état des lieux de cette maladie et les actions mises en place par votre structure pour prévenir la dengue ?

 

Pour toute l’année 2017, le pays a enregistré 15 074 cas suspects de dengue avec 36 décès et plus de la moitié des cas de décès étaient recensés dans la région du Centre, c’est-à-dire à Ouagadougou. Cette année 2018, nous sommes à la 39e semaine et on enregistre depuis le début de l’année 2 225 cas suspects de dengue  dont 15 décès pour l’ensemble du pays. Mais il faut dire que pour cette année, nous sommes actuellement à la période critique en termes de transmission de la dengue, car nous sommes en train de sortir de la saison des pluies et il y a beaucoup d’eaux stagnantes et donc beaucoup de gites larvaires.

Le ministère de la Santé a, dans le cadre de la lutte contre la dengue :

– mis en place un système de surveillance de cette maladie ;

– élaboré un plan de lutte contre les arboviroses dont la dengue ;

– renforcé les compétences du personnel de santé dans la prise en charge des cas ;

– entrepris des actions de communication dans le cadre de la prévention et de la prise en charge précoce des cas au profit des populations ;

mené et continue de mener l’organisation de campagnes de sensibilisation des populations sur la  destruction des gites larvaires avec l’appui des  agents HIMO et autres volontaires de la commune de Ouagadougou et compte poursuivre cela dans les autres communes du pays.

 

Mieux vaut prévenir que guérir, dit-on. Comment donc se prémunir de cette maladie ?

 

La prévention de la dengue est individuelle et collective.

Sur le plan individuel, il faut :

– éviter les piqûres du moustique vecteur de la dengue en :

– dormant  sous une moustiquaire imprégnée d’insecticides ;

– utilisant des crèmes répulsives surtout le jour ;

– utilisant des insecticides ;

– portant des vêtements longs.

Sur le plan  collectif, il faut :

– limiter la population de moustiques par l’assainissement de l’environnement ;

– éliminer  les gites larvaires, réserves d’eaux stagnantes et chaudes dans les bidons, bouteilles, canettes, pneus ;

– couvrir les récipients de stockage d’eau ;

– si besoin, faire la pulvérisation spatiale intra et extra domiciliaire.

Propos recueillis par Valérie TIANHOUN

 

 

 


Comments
  • J’aime bien lire les informations sanitaires.
    Votre travail est impeccable, merçi et bon courage.

    30 octobre 2018

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