DRAMES LIES AUX CONFLITS COMMUNAUTAIRES
Le 21 juin, les femmes du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) ont bravé le soleil pour tenir un sit-in devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou. L’objectif de ce mouvement d’humeur de l’autre moitié du ciel, était d’interpeller le gouvernement afin qu’il «mette à la disposition de la Justice tous les moyens nécessaires pour permettre de rendre justice aux victimes de Yirgou, d’Arbinda, de Bahn, de Kain, de Konga, etc. » Faut-il le rappeler, ces différentes localités constituent dans l’imaginaire collectif de bien des Burkinabè, le summum de l’horreur du péril communautaire qui menace aujourd’hui le vivre-ensemble au Burkina Faso. Le pire, c’est que jusqu’à ce jour, malgré les chiffres des victimes qui font froid dans le dos et les conséquences humanitaires désastreuses de ces pogroms, aucune personne n’a été mise aux arrêts en lien avec ces drames à répétition. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on peut comprendre cette manifestation des femmes, qui intervient après plusieurs autres manifestations du CISC dont certaines ont eu lieu à l’intérieur du pays. Nul n’ignore, en effet, la sensibilité de la femme face aux différentes tragédies du genre humain en raison de son statut de mère de l’humanité. L’on ne peut donc que saluer cette manifestation pacifique empreinte d’émotions, destinée à rappeler aux hommes de droit que l’on ne saurait laisser le voile de l’oubli recouvrir les différents massacres qui ont endeuillé des familles. Et même si l’on comprend que le temps de la Justice n’est pas celui des hommes, il est impératif que la lumière soit faite sur ces conflits communautaires meurtriers.
L’impunité peut sonner comme une prime à l’encouragement pour les criminels
En effet, nonobstant le fait que plus le temps passe, plus les fautifs ont toute la latitude de gommer certains indices, ils peuvent aussi se soustraire à la Justice en migrant vers d’autres cieux. Mais plus grave encore est le sentiment d’impunité que peuvent éprouver certains parents de victimes. Cela peut, en effet, pousser certains à se rendre justice eux-mêmes ; toute chose qui peut plonger les différentes communautés impliquées dans une spirale infinie d’actions de vengeance et de représailles, comme on peut le soupçonner aujourd’hui dans les violences communautaires chez le voisin malien. Autres conséquences et pas des moindres, l’impunité peut sonner comme une prime à l’encouragement pour les criminels qui ne manqueront pas de récidiver. Cela dit, tout comme l’indique l’appel des femmes, les juges ne peuvent se hâter que lorsqu’ils disposent de moyens nécessaires pour l’exercice de leurs fonctions. Et là, c’est à un véritable jeu de ping-pong que l’on assiste entre le gouvernement et la Justice. En effet, alors que le gouvernement prétend, au nom du principe de l’indépendance de la Justice, ne pas interférer dans les dossiers judiciaires et rejette de fait la balle aux juges en charge de ces questions brûlantes, ceux-ci affirment ne même pas disposer du strict minimum pour mener à bien leurs tâches. Il est temps que cesse ce jeu pour que justice soit rendue aux victimes. « Quand la barbe du voisin brûle, dit le dicton, il faut se dépêcher de mouiller la sienne. » Plus tard, ce sera peut-être trop tard.
Sidzabda