EBOULEMENTS SUR LES SITES D’ORPAILLAGES : Tant qu’il y aura l’or…
Depuis que le phénomène de l’exploitation artisanale de l’or a vu le jour au Burkina, il y a de cela plus de deux décennies, on ne compte plus le nombre de blessés et de morts lié aux éboulements. En effet, pas plus tard que le jeudi 30 avril 2015 dernier, un éboulement meurtrier s’est produit sur un site aurifère situé à 5 km de la ville de Djibo, province du Soum dans la région du Sahel, causant des blessés et des pertes en vies humaines. Au moment où nous tracions ces lignes, l’on déplorait deux morts et une quarantaine de personnes toujours sous les décombres. Pour les autorités, les chances de retrouver des survivants parmi ces personnes, sont quasiment nulles. Elles ont donc pris la douloureuse décision de faire arrêter les opérations de sauvetage et ce, après trois jours de recherches infructueuses. Le bilan est donc lourd et fait simplement froid dans le dos. Malheureusement, cet énième éboulement meurtrier risque de ne pas être le dernier. En effet, l’on peut se demander ce qui peut encore conduire les orpailleurs à renoncer à leurs activités, surtout quand on sait que celles-ci se déroulent généralement dans des circonstances qui les exposent à la mort. Si le risque évident de la mort n’a pas pu les dissuader de descendre dans les entrailles de la terre dans les conditions que l’on sait, dans l’espoir d’en ressortir ne serait-ce qu’avec un gramme d’or, ce n’est ni la sensibilisation ni les appels répétés à la prudence des autorités qui les en dissuaderont. Car, tels les migrants clandestins qui défient au quotidien la mort en Mer méditerranée, les orpailleurs, peut-on dire, ont pris la ferme décision de côtoyer la mort dans les profondeurs de la terre et dans la sinuosité des galeries de fortune, pour se réaliser. Et leur réalisation passe par le métal jaune. Pour l’obtenir, tous les moyens sont bons et aucun d’eux ne s’accommode du moindre scrupule.
A propos de la récurrence des éboulements meurtriers, l’on peut être tenté de verser dans le pessimisme
Le premier moyen qu’ils utilisent pour les rendre capables de regarder la mort en face ce sont, de toute évidence, les stupéfiants. Ceux-ci sont consommés sans retenue. L’enjeu, disent-ils, en vaut la chandelle. De ce fait, ils sont hermétiques à tous les discours ambiants qui les interpellent sur les risques sanitaires auxquels ils s’exposent par la consommation de ces produits.
Le deuxième moyen, c’est l’utilisation du cyanure dans le lavage du minerai. Or, tout le monde sait que ce produit chimique est non seulement dangereux pour l’homme, mais aussi pour l’environnement. Malgré tout, le cyanure franchit nos frontières pour se retrouver sur les sites aurifères ou ailleurs dans la nature où il cause des dégâts écologiques effroyables.
Le troisième moyen qu’ils mettent à contribution pour exploiter l’or est l’utilisation des produits explosifs, notamment les dynamites. Personne n’ignore que ces explosifs, laissés entre des mains non averties, sont extrêmement dangereux. Même leur entreposage constitue une source potentielle de risques. A ces pratiques peu recommandables, vient s’ajouter le fait que les personnes qui travaillent sur les sites aurifères sont parfois des enfants. Le comble est que ceux-ci sont, dans bien des cas, retirés de l’école avec la complicité de leurs parents, pour aller chercher fortune sur les sites aurifères. Là aussi, les autorités semblent impuissantes pour remonter les bretelles aux uns et aux autres. Toutes ces pratiques causent un énorme préjudice à la nation entière. Malheureusement, ce n’est pas demain la veille que l’on pourra y mettre fin, parce qu’elles sont consubstantielles à la ruée vers l’or et à l’appât du gain.
C’est pourquoi, à propos de la récurrence des éboulements meurtriers sur nos sites aurifères, l’on peut être tenté de verser dans le pessimisme en disant ceci : ils persisteront, tant qu’il y aura l’or.
L’on peut seulement travailler à les réduire en prenant des mesures draconiennes. Pendant les périodes où les risques d’éboulement sont grands, on peut envisager la fermeture pure et simple des sites aurifères. Certes, cette mesure existe déjà, mais elle n’est pas rigoureusement observée.
L’on peut aussi sensibiliser davantage les parents d’élèves pour qu’ils ne permettent plus à leur progéniture de travailler sur les sites aurifères.
De manière générale, l’Etat doit prendre ses responsabilités pour que les sites aurifères cessent d’être, comme ils le sont aujourd’hui pour certains, des zones de non-droit. Mais pour le faire avec efficacité, la répression seule ne suffit pas. Il faut surtout travailler à trouver du boulot pour tous ces jeunes qui prennent rendez-vous avec la mort sur nos sites, parce qu’ils n’ont pas le choix.
Sidzabda