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ELECTION DE EDDIE KOMBOIGO A LA TETE DU CDP SUR FOND DE TENSIONS


 Le plus dur reste à venir

Le congrès ordinaire de l’ex-parti au pouvoir au Burkina Faso a clos ses travaux, hier à Ouagadougou, après avoir élu son président et désigné les membres de son Bureau politique national (BPN). Ce conclave, 7e du genre depuis la création du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) en 1996, s’est ouvert samedi dernier dans la cuvette archi-comble du Palais des sports de Ouaga 2000 dans un contexte de tensions larvées  sur fond de conflit générationnel entre certains cadres du CDP-canal historique et ceux qu’on qualifie ironiquement d’ouvriers de la 25e heure. Cette guéguerre s’est traduite par une multiplicité de candidatures au poste tant convoité de président du parti avec, excusez du peu, 20 présidentiables sortis du bois pour solliciter les voix des grands électeurs qui devaient élire le patron de cette formation politique qui a dirigé le pays presque vingt ans durant. Mais au bout de  la course, c’est à un match amical et matinal qu’on a assisté entre deux « adversaires » tous vraisemblablement cornaqués par l’ancien président du Faso et fondateur du CDP, Blaise Compaoré qui aurait orienté les votes depuis sa résidence de Cocody-Danga, au cœur d’Abidjan. Ceux qui suivent de près les discussions souvent à fleurets mouchetés entre les ténors du parti de l’épi et de la daba, à la veille du congrès, n’ont pas été véritablement surpris par la finale jouée entre le président sortant, Eddie Komboïgo, et son challenger, Boureima Badini, puisqu’au-delà de la volonté faite du « Blaiso », les autres candidats ne pouvaient que se désister ou être battus à plate couture pour des raisons parfois subjectives. Au finish, c’est Eddie Komboïgo qui s’est succédé à lui-même d’une courte tête, avec ses 39 voix contre 33 glanées par  Boureima Badini. Cette victoire étriquée doit interpeller le président (re) élu sur la nécessité et l’urgence de colmater les brèches ou les lézardes qui apparaissent clairement au sein du parti avant, pendant et fatalement après la tenue de ce congrès.

Le risque d’autodestruction du parti n’est pas à écarter totalement

Certes, sa légitimité à la tête du CDP ne peut plus être remise en doute puisqu’elle découle de votes à bulletin secret, mais il faudrait qu’il fasse preuve de modestie non seulement à cause de sa victoire sur le fil, mais aussi et surtout pour ménager les susceptibilités et les ego surdimensionnés qui foisonnent dans son parti. Il n’aura pas de toute façon d’autre choix, s’il tient à remettre le CDP en ordre de bataille pour la conquête ou plutôt la reconquête du pouvoir en 2020. C’est vrai, tout ne dépendra pas de lui, surtout si ceux qui ont échoué dans leur tentative de « restaurer l’ordre ancien » au sein du parti en ramenant au premier plan ceux qui y militent depuis sa création en 1996, décident, par dépit ou en désespoir de cause, de torpiller les efforts que la nouvelle équipe dirigeante déploiera pour redorer le blason sérieusement terni de leur parti depuis 2014. La très forte mobilisation des militants et l’ambiance de carnaval dans laquelle le congrès s’est ouvert, ne doivent pas en effet faire oublier les querelles picrocholines et les forts ressentiments entre les ténors des différentes tendances au sein de cette formation politique, d’autant qu’ils peuvent aboutir à l’écroulement de l’édifice que les uns et les autres ont construit « année par année, anneau par anneau », selon le mot de Wilberforce. Les sourires de façade et de circonstance qu’affichaient les membres du  BPN, et certains candidats malheureux au poste de président, contrastent avec le malaise apparent et la profonde déception de certains militants et non des moindres ; ce qui fait craindre une espèce de remake de 2012 quand le CDP avait imposé Assimi Kouanda à sa tête, au grand dam des figures historiques du parti. Le contexte ayant changé et le CDP ayant fait sa mue, on peut croire que les méthodes kafkaïennes qui étaient utilisées pour imposer le président du parti et les membres du BPN, ne pourront plus faire recette aujourd’hui, et c’est pour cette raison précisément que le principe du vote a été adopté pour départager les candidats. C’est d’ailleurs le lieu de féliciter les responsables de ce parti, car, autant qu’on se souvienne, c’est bien la première fois sous la quatrième République, qu’un président de parti sort des urnes. C’est non seulement un signe de vitalité démocratique interne au CDP, mais aussi une manière de dire aux perdants grincheux de se soumettre à la volonté des militants ou de se démettre. Toutefois, ce jeu de quitte ou double peut se révéler risqué pour le CDP à deux ans seulement des prochaines échéances électorales, car il ne sera pas facile de redresser une barque traversée par des courants contraires dans une mer politique agitée et infestée de requins dont les plus dangereux  ont pour noms MPP et UPC. En somme, le parti de Eddie Komboïgo a réussi à tenir son congrès et à mettre en place ses instances dirigeantes malgré les prophéties alarmistes. Mais le plus dur reste à venir, quand on sait que le risque d’autodestruction du parti n’est pas à écarter totalement, puisqu’il y a, en son sein, de nombreux  militants nombrilistes qui vont préférer désormais jouer le rôle du lépreux qui ne sait pas traire la vache, mais qui est prompt à renverser la calebasse de lait par cynisme.

Hamadou GADIAGA


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