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ELECTION PRESIDENTIELLE AU CAMEROUN


 Désormais, il y a un avant et un après

Depuis le lundi 22 octobre dernier, le Conseil constitutionnel du Cameroun a apposé sa signature sur le blanc-seing de l’élection présidentielle que lui tendait le locataire du Palais d’Etoudi. Même si Maurice Kamto qui est arrivé deuxième de la course, fait dans la résistance,  parlant de « résultats fabriqués » ou d’ « élection volée », l’on peut dire qu’avec ce verdict qui vide tout le contentieux électoral,  la messe est dite. En effet, l’on peut parier que la fronde ouverte par l’opposant ne peut que connaître le sort des fleuves endoréiques, celui de mourir dans le désert, tout comme l’a été celle de ceux qui, avant lui, ailleurs sur le continent, comme Jean Ping  au Gabon ou plus près de nous, Soumaïla Cissé au Mali, se sont exercés à cette option. « Tempête dans un verre d’eau », pourrait-on  donc dire.

Le RDPC devra désormais compter avec une nouvelle race d’opposants

Mais tout  de même, cette élection aura marqué un virage important dans l’histoire politique du Cameroun sous l’ère Paul Biya. Et pour cause ? De l’avis de nombreux observateurs et analystes de la scène politique camerounaise, elle aura été particulièrement riche en enseignements.

Et la première de ces leçons, c’est la recomposition amorcée du paysage politique du pays. Alors que le principal et traditionnel parti de l’opposition camerounaise, le SDF de John Fru Ndi,  en raison principalement de la crise anglophone, s’est effondré dans ses traditionnels fiefs du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’on a assisté à l’émergence de nouveaux partis comme le MRC porté par une  figure nouvelle comme Maurice Kamto ou celui de Cabral Libii. Mais le plus intéressant dans la nouvelle dynamique de l’opposition au Cameroun, réside surtout dans la structure et la détermination des nouveaux opposants qui ont non seulement marqué un important pas dans la gestation d’un embryon d’unité face au parti présidentiel, mais aussi ont réussi à débouter Paul Biya dans d’importantes régions comme celle de Douala, la capitale économique du pays. C’est dire, en un mot comme en mille, que le RDPC devra désormais compter avec cette nouvelle race d’opposants qui ne veulent pas se contenter d’un rôle de tigres en papier.

L’autre enseignement de cette élection présidentielle et pas le moindre, c’est l’intérêt suscité  par la campagne. Après de nombreuses compétitions aux mêmes saveurs insipides, les Camerounais blasés, avaient fini, dans leur grande majorité, par se détourner des listes électorales et des urnes. Mais tous les observateurs s’accordent à dire que le scrutin du 7 octobre dernier a suscité plus que de la passion. En témoignent le suivi attentif des débats sur les plateaux de télévision par les populations et les foules amassées dans les bureaux de vote pour suivre le dépouillement, téléphone en main, pour filmer les résultats bruts inscrits sur les tableaux noirs des salles de classe. De ces seuls faits, l’on pourrait dire que l’élection a été bénéfique aux Camerounais car elle a sonné l’éveil des consciences et a, du même coup, suscité l’espoir d’une alternance même si celui-ci a été au finish douché.

Il devrait urger, pour Paul Biya, de préparer la relève

Un autre trait caractéristique de cette élection du 7 octobre dernier, c’est la libération de la parole. De mémoire d’homme, le Cameroun, « cadenassé »  par le timonier depuis des décennies, n’avait jamais autant été un espace libéré de la parole. Cette nouvelle liberté retrouvée peut se mesurer seulement à la libre contestation que l’opposition peut se permettre, des résultats de l’élection. En d’autres temps, sa voix aurait été réduite dans le silence des geôles de la capitale. Et cette libération de la parole a aussi fortement contribué à l’éveil des consciences. Selon, en effet, un acteur de la société civile relayé par la presse nationale et internationale, « certains jeunes ont pris conscience qu’ils avaient leur mot à dire, leur rôle à jouer. Rien à voir avec les scrutins de 2004 ou de 2011 ».

Cela dit, la question que l’on peut se poser est la suivante : «  Quels sont les facteurs qui sont à l’origine de cette mue de la politique au Cameroun ? ». Il est certain que cette évolution ne relève pas de la génération spontanée. L’on peut en effet citer parmi les causes possibles de ce réveil en sursaut, les effets de l’usure du pouvoir. Les contradictions nationales se sont en effet exacerbées avec le regain des velléités indépendantistes de la partie anglophone, au rythme de l’atrophie physique et intellectuelle du président Paul Biya qui, avec ce 7è mandat, est en passe, s’il ne l’est déjà, d’être le plus vieux chef d’Etat en exercice au monde, créant ainsi un électrochoc au sein de la population. A cela, il faut ajouter les résultats du travail  de terrain opérés  par la nouvelle génération des leaders de l’opposition. L’on peut enfin évoquer aussi l’environnement international marqué par le nouveau printemps de la démocratie sur le continent, depuis la révolution du Jasmin en Tunisie et l’expansion des nouveaux moyens de communication qui mettent en connexion les jeunes du monde entier.

De ce qui précède, l’on peut déduire que ce nouveau mandat qu’a voulu Paul Biya risque,  à tout le moins, à défaut d’être de tout repos, d’être celui de trop. C’est en cela qu’il devrait urger, pour lui, contrairement à ce qu’il a toujours fait, de préparer la relève. Il y va doublement de son intérêt.  D’abord, cela lui permettra de perpétuer son œuvre et ensuite, de se mettre à l’abri si par extraordinaire, la nature, défiant elle-même ses propres règles, ne précipitait pas l’alternance dont le désir commence à se manifester dans la mue de la politique en cours au Cameroun.

« Le Pays »

 


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