EMBALO A MOSCOU ET A KIEV : Une visite de raison
Le président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, par ailleurs président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), est en visite à Moscou, capitale de la Russie, afin de s’entretenir avec le président Vladimir Poutine. Les deux hommes parleront de paix entre la Russie et l’Ukraine en guerre, les importations de céréales et d’engrais sur le continent, ainsi que de la sécurité en Afrique de l’Ouest. Si l’on ne peut douter de la pertinence des sujets qui seront abordés, l’on ne peut, par contre, tomber dans un optimisme béat quant aux chances de Embalo de faire entendre le cri de détresse de l’Afrique de l’Ouest à son hôte. En effet, il est le deuxième chef d’Etat africain à se rendre en Russie pour parler de paix, après la visite de Macky Sall, président sénégalais et président en exercice de l’Union africaine (UA). On se rappelle que ce dernier avait, lors de son entretien avec le locataire du Kremlin, demandé la fin du blocus des ports ukrainiens, afin de desserrer l’étau autour des pays africains pris à la gorge par la flambée des prix des denrées alimentaires. La suite, on la connaît. Si d’intenses négociations avaient permis plus tard de débloquer la situation, force est de reconnaitre que l’Occident s’était taillé la part du lion. Car, sur 178 navires qui avaient quitté les ports ukrainiens, seuls 20 avaient pris la destination de l’Afrique subsaharienne. Embalo pourra-t-il faire bouger les lignes ? On en doute fort. Du reste, que peut-il dire à son homologue de plus que Macky Sall n’ait déjà dit ? Alors, que faut-il attendre de cette visite ? Sans doute pas grand-chose. On est d’autant plus porté à le croire qu’on ne voit pas comment le président bissau-guinéen pourrait infléchir la position de Poutine qui reste focus sur ses objectifs de terminer son opération spéciale.
Cette guerre doit pousser les chefs d’Etat africains à la réflexion
C’est un secret de Polichinelle : la guerre qui se joue en Ukraine a pris une autre dimension. On ne voit donc pas comment Poutine qui compte sur l’hiver pour geler la stratégie ukrainienne et le peuple avec, pourrait changer son fusil d’épaule. Si Embalo pense qu’il peut, dans un tel contexte, obtenir la cessation des hostilités en Ukraine, il aura, en tout cas, fort à faire. Qu’à cela ne tienne, il faut saluer les efforts de tous ceux qui plaident pour la paix car, au-delà de l’Afrique, l’humanité tout entière en a besoin. Cela dit, le président Embalo gagnerait à plaider davantage la cause de l’Afrique en matière d’importation de céréales et d’engrais car si le continent n’arrive pas à remplir ses greniers, il faut craindre qu’il ne soit, dans les tout prochains mois, confronté à une grave famine. Cela est d’autant plus fondé que les deux pays en guerre sont les principaux fournisseurs de l’Afrique en engrais et en blé. En cela, on peut dire que la visite de Embalo à Moscou est une visite de raison. N’ayant pas réussi à mettre en place une politique agricole à même de garantir la souveraineté alimentaire du continent, les dirigeants africains n’ont pas d’autre choix que de courir après les pays qui approvisionnent leurs peuples en vivres. Si après Macky Sall, Embalo est appelé à la rescousse pour plaider la cause de l’Afrique à Moscou et à Kiev où il s’est rendu les 26 et 27 octobre, c’est parce que les têtes couronnées du continent sont conscientes des limites de leurs politiques agricoles. Et cette guerre dont les conséquences ébranlent les fondements de certains régimes, doit pousser les chefs d’Etat africains à la réflexion. Ils doivent se rendre à l’évidence qu’on ne peut pas toujours compter sur les autres pour se tirer d’affaire. Ne dit-on pas que celui qui dort sur la natte d’autrui, dort par terre ?
Dabadi ZOUMBARA