HomeA la uneENGAGEMENT DE LA PRESSE IVOIRIENNE A RESPECTER L’ETHIQUE ET LA DEONTOLOGIE : Une véritable gageure

ENGAGEMENT DE LA PRESSE IVOIRIENNE A RESPECTER L’ETHIQUE ET LA DEONTOLOGIE : Une véritable gageure


C’est le directeur de publication du journal satirique ivoirien “L’Eléphant Déchaîné” qui l’a annoncé sur les ondes de Radio France internationale (RFI), hier matin. Antoine Assalé Tiémoko, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a indiqué que les acteurs de la presse ivoirienne ont trouvé un gentleman’s agreement pour ne pas servir de perroquet aux hommes politiques de leur pays dans leur dérives langagières en période électorale. Par là, nos confrères veulent interpeller les politiques sur leurs responsabilités. Autrement dit, la presse ne va pas servir de relais aux dérives langagières des Hommes politiques et ne va pas transiger avec les atteintes à l’éthique et à la déontologie. Une position inédite qui suscite une analyse à plusieurs volets.

Le 4e pouvoir ivoirien veut s’affranchir de ses liens souvent incestueux et malveillants avec le monde politique, dont les errements avaient plongé la Côte d’Ivoire dans une crise profonde pendant plus de 10 ans . Le célèbre journaliste américain, Joseph Pulitzer, écrivait : «notre République et sa presse graviront ensemble les sommets ou bien elles iront ensemble à leur perte. Une presse compétente, désintéressée, peut protéger cette morale collective de la vertu, sans laquelle un gouvernement populaire n’est qu’une escroquerie et une mascarade ». Sous cet angle, apparemment, la presse ivoirienne a foulé au pied la « vertu » du métier, se laissant « utiliser» à des fins machiavéliques. Et se laissant utiliser comme la voie de diffusion et de partage à grande échelle des discours de la haine, de l’ivoirité et de la division identitaire avec toutes les conséquences que l’on constate aujourd’hui. Les journalistes ivoiriens semblent avoir tiré toutes les leçons de leurs rôles marqués au fer rouge, dans cette crise où la presse elle-même a payé un lourd tribut. Des hommes de médias ont été tués ou blessés et des entreprises de presse ont été incendiées ou saccagées.

Bien des médias sont les porte-voix des politiques

Cela étant, cet engagement à ne plus descendre dans la boue des politicards est une vision très patriotique, une preuve d’amour et de fraternité pour la patrie. Ces valeurs rehaussent l’image d’une presse ivoirienne qui montre là, la voie à suivre à ses confrères du continent et surtout des pays en crise. C’est une prise de conscience collective qu’il faut donc saluer à sa juste valeur, parce qu’il n’est pas évident, pour une presse engluée dans les contradictions des lignes éditoriales,  de trouver un modus vivendi par rapport à une question aussi problématique. Toutefois, malgré la bonne intention de nos confrères, l’on peut noter des questions de fond importantes. Tous les acteurs du gentleman’s agreement vont-ils aller jusqu’au bout de leur logique ? Jusqu’où peut aller la presse partisane ivoirienne ? Des journaux nés avec le péché originel de l’affiliation à des hommes ou partis politiques, peuvent-ils, du jour au lendemain, s’en défaire ?  cette presse, comme on le voit partout d’ailleurs, peut-elle se débarrasser de ses parrains politiques et même financiers, pour s’aligner sur cet accord ? Là, se trouve toute la problématique.

En effet, les milieux politiques et économiques ont le plus souvent une emprise sur les médias en Côte d’Ivoire. Dans la monographie de la presse ivoirienne, l’on se rend compte que bien des médias sont les porte-voix des politiques et que les grands partis qui se disputent l’espace politique ivoirien disposent chacun de relais médiatiques. Et les militants s’abreuvent à la source de ces relais qui ont joué un important rôle dans le bourbier ivoirien. Tout porte à croire qu’après la crise, certains comportements n’ont pas changé. C’est dire qu’en pratique, la lutte d’Assalé Tiémoko et de ses camarades sera dure et qu’il leur faudra un véritable travail de fond. Après le scrutin de 2010 qui s’est terminé dans un bain de sang, toute la Côte d’Ivoire s’interroge pour l’avenir. Et là, la presse vient de donner des assurances.  Etant dans une situation où ils doivent contribuer à la paix, nos confrères sont obligés d’aller au charbon.

Le premier impératif est le respect de l’éthique et de la déontologie. Le deuxième est l’implication effective de l’instance de régulation, le Conseil national de la presse (CNP). Le troisième requiert l’éducation de la classe politique ivoirienne à la nécessité de la pondération dans les propos. Le quatrième acte, plus profond, consiste en la limitation des partis politiques et la responsabilisation des acteurs ; autrement, la chienlit ne prendra jamais fin. Cela dit, même si la lutte s’annonce rude et longue, il faut encore une fois féliciter les journalistes ivoiriens d’avoir osé poser le premier pas. On le dit souvent, le voyage le plus long commence toujours par un premier pas.

Michel NANA


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