HomeA la uneETIENNE TRAORE A PROPOS DES CANDIDATURES KAKI   « Dans quel pays a-t-on vu des militaires briguer le pouvoir d’Etat et, revenir diriger l’armée? »

ETIENNE TRAORE A PROPOS DES CANDIDATURES KAKI   « Dans quel pays a-t-on vu des militaires briguer le pouvoir d’Etat et, revenir diriger l’armée? »


Dans l’écrit suivant, le professeur Etienne Traoré félicite le gouvernement pour l’initiative d’un programme de promotion pour la jeunesse et les femmes. Néanmoins, il attire l’attention des autorités de la transition, entre autres, sur la nécessité de la justice, de la dépolitisation de l’armée et de la clarification du statut de Blaise Compaoré pour ne pas donner l’impression d’un pilotage à vue de la transition, en fonction des revendications populaires. Lisez plutôt!

En lisant le compte-rendu du Conseil des ministres extraordinaire de ce lundi 16 mars, je me suis réjoui de l’initiative d’un programme urgent de promotion pour notre jeunesse et nos femmes : le PSUT. J’en félicite le gouvernement. Je pense qu’elles (jeunesse et femmes) le méritent amplement car ayant largement contribué au Changement en cours et représentant plus de 90% de notre peuple. Moi j’encourage la réduction du train de vie de l’Etat sans tomber dans un populisme qui ridiculiserait notre pays, à travers ses représentants déguenillés. Notre Président Michel Kafando a, certainement, hormis Cuba et certains pays scandinaves, le salaire de Chef d’Etat des plus bas au monde (1million cinq cents mille francs CFA)!!! Je souhaiterais que dans un esprit patriotique que toutes les ONG qui bénéficient des fonds de l’Etat amènent leurs premiers responsables à consentir de sacrifices pareils. Cependant, les autorités de la transition ne devraient pas donner l’impression d’un pilotage à vue en fonctions des revendications populaires. Je réitère que le gouvernement devrait aussi informer le peuple du contenu d’une « feuille de route » l’informant du « Comment précisément » il compte réaliser les objectifs et orientations globaux de la transition.
J’ajoute que les autorités de la transition devraient encore mieux nous expliquer leur programme chiffré et échelonné à propos de quatre questions résolues, dans le fond, par la Charte en conformité avec les attentes du peuple, et qui sont, entre autres : la nécessaire lutte contre l’impunité qui ne doit pas être sacrifiée au profit d’une interprétation trop laxiste de « l’inclusion » ; la démilitarisation du pouvoir politique ainsi que la dépolitisation de l’armée qui ne devraient pas être compatibles aujourd’hui avec des candidatures de militaires ou paramilitaires, même en disponibilité! Il nous faut revenir à une armée véritablement républicaine : celle où nos soldats défendent l’intégrité du territoire national au nom de l’intérêt public ou de la chose publique (Rex publica) et non pour quelques intérêts particuliers (ceux partisans d’un homme, d’une famille, d’un parti politique, etc.); celle où nos soldats observent un devoir de réserve absolu par rapport aux questions politiques; celle où nos soldats observent une loyauté totale envers les institutions républicaines. Ces institutions républicaines devront elles-mêmes trouver en interne les solutions à toute crise politique.
Peut-on y arriver avec une possibilité donnée aux militaires de prendre des disponibilités pour aller faire de la politique (notamment chercher la présidence du Faso), revenir dans le commandement de l’armée pour assurer sa loyauté envers les présidents civils élus à leurs détriments? Assurément NON. Et ça risque d’être le cas, un cas unique au monde! Dans quel pays démocratique a-t-on vu des militaires briguer le pouvoir d’Etat, échouer et revenir diriger l’armée. Nulle part dans le monde démocratique!!! Je pense alors qu’au nom de l’avancée de notre processus démocratique et de la restauration des valeurs républicaines, tout corps habillé en fonction qui veut entrer en politique, devrait démissionner définitivement de l’armée ou des corps paramilitaires.
La troisième question et pas la moindre concerne les dossiers de crimes économiques et de sang que notre peuple tient à voir être jugés et punis conformément à nos lois. Il convient que la transition en ouvre les principaux de sorte que le prochain pouvoir ne puisse plus les refermer. Mais l’impression que nous avons aujourd’hui, c’est que sur ces dossiers, une hésitation est malheureusement entrain de s’installer.
Et la dernière question à résoudre urgemment et que j’ai été le premier à poser est le statut de Blaise Comparé en Côte d’ivoire : s’il est un réfugié politique, qu’il respecte son devoir de réserve. Or ce n’est pas le cas, en entendant Salia Sanou S (ancien maire de Bobo-Dioulasso) et ses supporters nationaux. Messieurs les autorités de la transition, il ne vous reste plus qu’à saisir les facilitateurs internationaux (CEDEAO, UEMOA, Union africaine et ONU) pour prendre les mesures idoines.

Encore une fois, tous mes encouragements au gouvernement de la transition. Mais je tenais à finir par cette deuxième interpellation patriotique.


Etienne TRAORE, Université de Ouagadougou, 16 Mars 2015.


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