HomeLa chronique du fouEVACUATIONS SANITAIRES:Un peu plus d’équité, s’il vous plaît

EVACUATIONS SANITAIRES:Un peu plus d’équité, s’il vous plaît


L’autre jour, je marchais dans le « six-mètres » d’un secteur de la ville de Ouagadougou, à la recherche d’une personne généreuse qui allait m’offrir quelque chose à manger. Entre-temps, j’ai entendu des pleurs et des cris dans une cour située non loin du kiosque dans lequel j’avais pris place. A pas feutrés, je me suis levé, le regard discret, l’oreille attentive, pour savoir ce qui se passait dans cette famille que je connais bien. Et c’est là que j’ai appris qu’il s’agissait d’un décès. Wendkonta, l’enfant bien-aimé de la famille, venait de rendre l’âme des suites d’une longue maladie et ce, à la fleur de l’âge. Il avait 25 ans et souffrait d’un cancer de sang. Son médecin lui avait dit, de son vivant, que son cas nécessitait une évacuation sanitaire à l’étranger, mais comme ses parents n’avaient pas les moyens, il s’était résolu à affronter la mort. Ainsi va la vie au Burkina.

 

Ce n’est pas n’importe qui que l’on évacue dans ce pays

Quand on n’a pas l’argent, on n’a pas le droit de tomber gravement malade. Ou du moins, si un pauvre tombe gravement malade, il doit s’attendre au pire. Pourtant, il y en a qui, dans ce même Burkina, se font évacuer pour un rhume ou une égratignure à leur pied. Je comprends maintenant pourquoi mon grand-père aimait à dire que « les riches ne découvrent l’importance de leur fortune que quand ils voient souffrir un pauvre ». Je dis cela parce que je me rends compte que ce n’est pas n’importe qui que l’on évacue dans ce pays. Car, ils sont nombreux, ces Burkinabè malades dont les cas désespérés ont nécessité ou nécessitent une évacuation à l’étranger, qui ont été vite découragés parce qu’ils n’ont pas les moyens de monter le dossier médical car il y a trop de micmacs. Il faut parfois courir après un conseil de médecins qui n’est pas toujours disponible à temps pour vous ouvrir les portes de l’extérieur, à travers leur aval. Car, pour monter le fameux dossier médical, cela peut parfois prendre une éternité. Et pendant tout ce temps, le patient a le temps de mourir puisque la maladie, elle, ne sait pas attendre les papiers.

Peut-être cela est-il dû au fait que les médecins eux-mêmes ont d’abord leurs problèmes de personnes à gérer entre eux. Il n’est pas exclu que les petites mesquineries et autres rancunes qui n’ont pas encore été jetées à la rivière, aient été à la base du retard voire du blocage d’un dossier. Qui sait ? On est au Burkina! Pour ma part, en tout cas, je sais de quoi je parle puisqu’au début de ma folie, il était question qu’on m’évacue en Europe, mais il semble que c’est un seul médecin qui ne s’entendait pas avec mon médecin traitant, qui avait opposé son veto pour des raisons que j’ai toujours du mal à comprendre. Sinon, je ne serais pas devenu ce que je suis aujourd’hui, c’est-à-dire sans domicile, sans le moindre sou et condamné à mendier pour vivre.

Non, « il faut quitter dans ça », comme ça se dit chez mes amis fous ivoiriens. Ce n’est pas sérieux. Quand un cas nécessite une évacuation, il faut pouvoir le faire et le plus tôt possible, puisque, comme on le dit, aucun sacrifice n’est de trop pour sauver une âme humaine en détresse.

Le domaine des évacuations a parfois aussi ses deals

Certes, on me dira que l’Etat n’a pas les moyens pour évacuer systématiquement tous les cas critiques. Effectivement, j’en conviens. Mais quand, parallèlement, on a pour projet d’organiser des choses bizarres à coûts de milliards comme un référendum, moi je me pose vraiment des questions. Et puis, on a vu des gens qu’on a évacués en moins d’une semaine, là où d’autres ont attendu plus d’un an, sans succès. Ce qui fait dire à certains qu’on ne peut être évacué dans ce pays-là, que si on est dans le système ou si on connaît quelqu’un de en haut de en haut. Pauvre Burkina ! Un peu plus d’équité, s’il vous plaît. Il n’y a pas deux types de Burkinabè. Tous sont au même niveau et ont tous droit à une santé de qualité. Tout un chacun voudrait que son parent malade soit soigné près des siens. Car, une séparation est toujours dure et souvent pleine de questionnements. Mais a-t-on vraiment le choix ?

Moi, je suis personnellement convaincu que s’il y avait une volonté politique forte, on n’aurait même plus besoin d’évacuer des malades à l’étranger. On aurait réuni les moyens pour soigner bien des pathologies graves sur place, plutôt que d’aller donner de l’argent à d’autres pays qui saisissent ainsi l’occasion pour s’offrir des plateaux techniques encore plus performants. Il le faut absolument, surtout que quand on évacue un malade, loin des siens, celui-ci vit des moments difficiles. Il se retrouve parfois seul, sans accompagnant, sans famille.

En termes de misères pour le patient, il n’ y a pas que cela. En plus du dépaysement, il n’est pas sûr qu’il soit toujours bien traité à l’étranger. Car, le domaine des évacuations a parfois aussi ses deals sur fond de surfacturations et autres sombres pratiques qui ne sont pas toujours de nature à rendre service au patient. Ce qui en rajoute parfois à sa douleur. Il faut encore plus aiguiser le sens du contrôle et du suivi.

Tout cela m’amène à dire qu’au lieu d’aller chez les autres, on doit travailler à réunir toutes les conditions chez soi.

Cela nous évitera tous ces problèmes et permettra, de surcroît, aux malades de bénéficier de la chaleur des leurs. Je sais qu’on peut bien le faire. Et ce ne sont pas les compétences qui nous manquent. Il suffit de les mettre en valeur.

« Le Fou »


Comments
  • Ce que j’ai moi appris dans cette affaire est que: une fois le budget voté et que la somme allouée aux évacuations est connue, et bien les inscriptions commencent, pour se faire une réserve au cas ou, donc tu comprends pourquoi on ne peut pas évacuer qui on veut comme on veut, tu risques de perdre ton poste si par malheur tu donnes la place d’un haut placé à un pauvre. voilà pourquoi!!! (le médecin traitant a raison et son collègue lui se cherche)

    20 septembre 2014

Leave A Comment