HomeA la uneEVARISTE FAUSTIN KONSIMBO, PRESIDENT DU CERCLE D’EVEIL (CEDEV) ET PREMIER PORTE-PAROLE DU FORAC : « Seuls les naïfs pouvaient espérer un autre style de gouvernance des acteurs actuels »

EVARISTE FAUSTIN KONSIMBO, PRESIDENT DU CERCLE D’EVEIL (CEDEV) ET PREMIER PORTE-PAROLE DU FORAC : « Seuls les naïfs pouvaient espérer un autre style de gouvernance des acteurs actuels »


Nous avons rendez-vous avec un activiste de la société civile pour notre rubrique hebdomadaire ‘’Mardi Politique’’. Il s’agit de Evariste Faustin Konsimbo, président du Cercle d’éveil (CEDEV). Il nous parle de la nouvelle plateforme de la société civile, à savoir le Forum alternatif des citoyens (FORAC), un mouvement citoyen mis en place le 14 juillet dernier par un groupe d’OSC. La situation des droits de l’Homme au Burkina et la question de la carte consulaire concernant le vote des Burkinabè de l’extérieur, sont autant de sujets abordés dans cet entretien.

 

« Le Pays » : A quoi répond la création du FORAC ?

 

Evariste Faustin Konsimbo : La création du FORAC correspond à un constat d’échec et d’enlisement de notre pays et ce, au lendemain d’une insurrection qui a coûté en vie humaine, 33 morts et 16 autres morts issus de la tentative de putsch attribuée au Général Gilbert Diendéré. Cela a fait trop de morts, sans compter les dégâts matériels, le traumatisme subi par les populations, etc. Nous utilisons le terme échec et enlisement, au regard des attentes et espoirs suscités par cette insurrection d’octobre 2014. En effet, des Burkinabè se sont sacrifiés en espérant l’avènement d’un Burkina nouveau, refondé sur un minimum de justice sociale et surtout sur une nouvelle gouvernance plus vertueuse. En lieu et place, nous avons constaté, après l’arrivée du nouveau régime par ailleurs véritable clone de l’ancien, c’est-à-dire du CDP, une certaine forme de continuité dans les mauvaises pratiques. A cela sont venus s’ajouter l’épineux problème du terrorisme et des sempiternels attentats et attaques perlées, les problèmes de relance économique, les multiples grèves et pire, une régression des libertés. L’histoire retiendra que c’est sous le régime du MPP que le Burkina Faso a emprisonné un cyber activiste lanceur d’alerte. La liste est longue et les Burkinabè sont témoins. Nous, acteurs du FORAC, ne sommes pas étonnés parce que nous avons eu l’avantage de bien connaître tous les acteurs actuels de la gouvernance et mieux, nous savions que leurs objectifs étaient de remplacer Blaise Compaoré, d’assurer leurs arrières, de gouverner le pays avec leurs parents, amis et connaissances. L’intérêt général des Burkinabè importe peu pour ces dirigeants et nous pouvons vous citer des exemples à la pelle. Cependant, à leur décharge, nous comprenons que ces acteurs, étant usés pour la plupart et surtout n’ayant jamais eu de véritables compétences autres que les intrigues et coups fourrés pour nuire voire humilier  les adversaires politiques et les acteurs de la société civile, étaient assez limités pour conduire des réflexions susceptibles d’améliorer le sort des populations. Seuls comptent à leurs yeux l’amélioration de leurs conditions de vie, de même que celles de leurs parents, amis et connaissances, les autres n’ont qu’à bien se tenir, s’ils ne veulent pas avoir des problèmes. Comme vous conviendrez avec nous, dans un tel contexte, nous avons le devoir d’agir et c’est ce qui a motivé la création du FORAC. Pour nous, l’une des meilleures manières d’honorer la mémoire des martyrs, en plus de la justice et des indemnisations, consiste également à œuvrer pour un véritable changement, une alternative au niveau de la gouvernance.

Pensez-vous que les organisations de la société civile existantes ne font pas assez dans ce sens ?

 

Comme nous avons l’habitude de le dire, la société civile est plurielle au Burkina et cela est une bonne chose en ce qu’elle participe à l’érection de contre-pouvoirs. Vous savez bien que dans une démocratie, chacun doit rester à sa place. C’est ainsi que le pouvoir gouverne, l’opposition s’oppose et la société civile joue son rôle de contre-pouvoir, en dénonçant et en interpellant. Aussi, de ce point de vue et au regard des besoins qui sont énormes, il va de soi que nous avons du pain sur la planche et à ce titre, il faut saluer le travail et les actions des OSC existantes et de celles à venir, car tous contribuent à l’amélioration de la vie de tous.

 

En tant qu’acteur de la société civile, quel regard critique portez-vous sur la gouvernance actuelle ?

 

La réponse a déjà été développée plus haut. Cependant, pour me résumer, en réalité, seuls les naïfs pouvaient espérer un autre style de gouvernance des acteurs actuels qui, de mon point de vue, sont de véritables loups déguisés en agneaux. Un adage dit que « la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a ». Les acteurs actuels, pour la plupart, ont intégré la Fonction publique juste après leurs études par des coups de piston et recommandations, sans expériences préalables de l’appareil de l’Etat. Dès lors, sous le long règne de Blaise Compaoré, ils étaient tous aux affaires et aux premières loges et sont donc comptables de la situation économique et sociale du pays, au même titre que Blaise Compaoré. En rappel, la rupture avec leur mentor ne portait pas sur la gouvernance, mais sur l’article 37 et le Sénat que Blaise Compaoré voulait installer pour caser certains d’entre eux. En conséquence, que pouvions-nous espérer ou attendre d’eux ?

Il semble que derrière certaines OSC se cachent les ficelles d’hommes politiques. Qu’en est-il du FORAC ?

 

Ecoutez, je ne suis pas dans le secret des dieux pour le savoir, mais de mon point de vue, les acteurs de la société civile ne doivent pas regarder les acteurs politiques en chiens de faïence ; nous sommes complémentaires. L’important, c’est que chacun reste dans son rôle.

 

Le procès du putsch manqué est enfin entré dans le vif du sujet. Quel commentaire cela vous inspire-t-il ?

 

Je constate, comme tout le monde, que le procès est enclenché et ce, malgré les obstacles et difficultés qui ont jalonné le processus. Toutefois, pour ma part, dans la mesure où le procès de la prise de pouvoir par le Lt-Colonel Zida, le 31 octobre, ne se tiendra pas, la tenue de ce procès ne nous révèlera que des demi-vérités et non la vérité. Ce procès donne l’impression d’un arrangement pour contenter le peuple et protéger les amis de l’ombre.

 

Quelle analyse faites-vous du Code électoral qui est en relecture ?

 

En clair, les dispositions introduites par le gouvernement ont pour objectif de réduire considérablement le vote des électeurs de la diaspora. D’office, il faut retenir que nos compatriotes en situation irrégulière dans les pays d’accueil sont écartés parce qu’ils ne pourront jamais produire le certificat de résidence, chose incompréhensible parce que le vote relève de la citoyenneté et non de la régularité. L’acceptation de la carte consulaire devrait suffire pour prouver sa nationalité. Quant à nos compatriotes en situation régulière dans des pays étrangers, ce n’est pas évident que ceux-ci vont fournir des efforts pour obtenir un certificat de résidence qui, nous le savons, est payant. C’est le cas au Burkina où la délivrance du certificat de résidence est assujettie au paiement de la taxe de résidence des trois dernières années. La multiplication des contraintes et obstacles ne sera certainement pas de nature à encourager nos compatriotes à réunir les conditions pour pouvoir s’inscrire sur les listes électorales et voter. A mon avis, le gouvernement ne veut pas du vote de la diaspora, mais comme il est à court d’arguments alors que ce point est un engagement du président actuel, il se débrouille pour vider le droit de vote de la diaspora de son contenu. On peut dire donc que le gouvernement Roch donne d’une main et reprend de l’autre.

 

La polémique qui a lieu actuellement autour de la suppression de la carte consulaire, est donc compréhensible, selon vous ?

 

En effet, cette suppression est totalement incompréhensible et injustifiable. En rappel, le Burkina a investi des milliards de F CFA pour donner à nos compatriotes des cartes consulaires biométriques. Mieux, ces cartes biométriques sont reconnues comme étant l’équivalent de la carte nationale d’identité burkinabè. Alors, seul le MPP connaît les véritables raisons qui ont motivé la suppression de la carte consulaire.

Mais croyez-vous au vote de la diaspora pour les élections de 2020?

 

Certes, le vote aura lieu, mais compte tenu de la réglementation draconienne pour la diaspora d’être électeur et éligible, j’ai bien peur  que l’engouement ne soit pas au rendez-vous.

Comment réagissez-vous aux soupçons de fraudes dans le recrutement d’agents à la CNSS ?

 

Ça m’a fait sourire. Je vous ai dit que même la plus belle femme du monde ne pouvait donner que ce qu’elle avait. J’ai également dit que les dirigeants actuels, pour la plupart, sont arrivés aux affaires, juste après leurs études, sans expériences professionnelles autres que les pistons, recommandations et cooptation et sont passés maîtres dans l’art des combines, intrigues et autres. Beaucoup d’entre eux ont grassement bénéficié de bourses d’études. Ces gens ne peuvent que répéter ce qu’ils savent faire. Au demeurant, à la nomination de l’actuel Directeur général, nous nous étions interrogé sur sa mission, étant entendu qu’il avait un précédent de mal gouvernance. Mais comme d’habitude, rien n’y fit, c’est le Burkina. Je parle du DG parce que, pour moi, le DRH n’est qu’un pion. De façon générale, c’est un truisme de dire que ce qui se passe à la CNSS, n’est pas un cas isolé. Faites des enquêtes sur les recrutements dans tous les corps de métier et vous serez édifiés.

Quelle lecture faites-vous de la situation des droits de l’Homme au Burkina ?

 

Quelle lecture je fais ? Celle que tout le monde constate, une vraie régression qui me fait penser au dernier message de Blaise Compaoré. Il disait en substance ceci : «Vous voulez que je parte, je ne suis ni ange, ni démon, l’histoire nous dira si vous avez eu raison… ». Ce que nous vivons actuellement, intimidations, utilisation du pouvoir pour régler des comptes, emprisonnement de cyber activiste et autres menaces déguisées des acteurs de la société civile, est assez édifiant.

Propos recueillis par Drissa TRAORE

 

CARTE DE VISITE (CV)

 

Qui est Evariste Faustin Konsimbo 

 

Je suis un citoyen burkinabè, gestionnaire de formation  par ailleurs directeur financier de société. Pour être plus précis, je suis diplômé en administration et gestion des entreprises, comptabilité et fiscalité finances: techniques bancaires et boursières commerce international. Je suis le président du Cercle d’éveil (CEDEV), une organisation de la société civile et tout récemment, nous nous sommes retrouvés avec d’autres structures de la société civile pour créer le Forum alternatif des citoyens (FORAC) dont je suis le premier porte-parole.


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