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EXACERBATION DE LA CRISE SOCIO-POLITIQUE AU MALI


Le mouvement du 5-Juin a, pour la troisième fois en moins de deux mois, fait la preuve de sa capacité de mobiliser au Mali. En effet, le 10 juillet dernier, les eaux du Djoliba ont connu une nouvelle agitation. Cette fois-ci, les vagues en furie ont atteint une telle hauteur que l’on avait craint le tsunami qui balayerait le régime de Ibrahim Boubacar Keita (IBK). En tout cas, cette métaphore n’est pas exagérée au regard du bilan enregistré : au moins 4 morts, 20 blessés et des attaques d’édifices publics, dont l’Assemblée nationale. Sur la plupart des pancartes brandies par les manifestants du M5, l’on pouvait lire le slogan suivant : « IBK dégage »! Dans la foulée, ils appellent à la désobéissance civile pour contraindre Kankélétigui (surnom d’IBK) à jeter l’éponge. Face à cette exigence des hommes de l’Imam Dicko, IBK répond par ceci : « J’ai décidé d’abroger les décrets de nomination des membres restants de la Cour constitutionnelle et d’aller vers la mise en œuvre des recommandations issues de la mission de la CEDEAO ».

Le Mali est à la croisée des chemins et la répression dans le sang des manifestants, n’est pas la solution

En rappel, la CEDEAO avait suggéré comme solution à la crise socio-politique malienne, en plus de la reprise des élections dans les circonscriptions où l’opposition avait accusé la Cour constitutionnelle d’avoir tripatouillé les résultats en faveur des partisans d’IBK, la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Cette thérapie, visiblement, passe aux yeux des « insurgés », comme un remède cosmétique. Pour eux, en effet, le problème du Mali a un et un seul nom : Ibrahim Boubacar Kéita. Le moins que l’on peut puisse dire, c’est que la position des croquants a pris une tournure plus radicale. En effet, lors des deux premières manifestations, la démission du président n’était pas à l’ordre du jour. Seulement, les manifestants avaient exigé la mise en place d’un gouvernement de transition dont le Premier ministre sortirait de leurs rangs. La dissolution de fait de la Cour constitutionnelle et la constitution d’un gouvernement d’union nationale préconisées par Bamako, ne suffisent donc pas à calmer l’opposition regroupée autour de l’Iman Dicko. De ce point de vue, l’on peut s’attendre à ce que le Mali s’installe davantage dans un manichéisme dont personne ne peut prévoir l’épilogue. Déjà, certains manifestants caressent l’espoir de dupliquer le scénario burkinabè, c’est-à-dire une insurrection populaire qui va balayer le régime « pourri » d’ IBK. D’autres, en vrais opportunistes et équilibristes, ne cracheraient pas sur d’éventuels maroquins ministériels qu’on leur offrirait dans le cadre de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Bref, aujourd’hui, le Mali est à la croisée des chemins et la répression dans le sang des manifestants, n’est pas la solution. Bien au contraire, une telle option de la part d’IBK, peut amener la rue, aidée de frustrés et de putschistes tapis au sein de la grande muette, à marcher sur le palais de Koulouba pour en déloger son locataire du moment. Attention donc au syndrome Moussa Traoré, du nom de cet ancien président malien déposé pratiquement par la rue en 1991.

IBK doit accepter de se faire harakiri s’il le faut, pour sauver le Mali

Certes, c’est l’armée, par l’entremise d’Amadou Toumani Touré (ATT), qui l’avait renversé mais l’on peut dire que c’est le peuple malien qui avait réuni les ingrédients pour faciliter le travail à la grande muette. Et l’on revoit encore le peuple malien en liesse pour acclamer le putschiste ATT. Sans faire l’apologie du putsch comme voie d’accès au pouvoir en Afrique, l’on peut légitimement se demander si les urnes peuvent avoir raison des régimes corrompus. On peut véritablement en douter. Et ce d’autant plus que ces régimes pourris ont eu tout le temps de tailler des institutions à leur mesure, qui les accompagnent dans leurs œuvres de tripatouillage des résultats des élections. On peut prendre le risque de dire que la Cour constitutionnelle malienne vient de jouer ce rôle. Et en suggérant sa dissolution, IBK semble donner raison à la rue malienne qui est aujourd’hui vent debout contre cette institution. En tout cas, l’histoire retiendra que cette structure n’a pas rendu service au Mali. Mais cette dérive n’est pas isolée. Elle s’inscrit, de façon harmonieuse, dans une gouvernance générale marquée par la corruption, la fraude, les passe-droits et l’on en oublie. Et c’est IBK et son clan qui en tirent le plus grand bénéfice. C’est pourquoi, IBK, pour autant qu’il soit un vrai Kankélétigui, c’est-à-dire l’homme d’une seule parole et au sens large du terme, un homme d’honneur, doit accepter de se faire harakiri s’il le faut, pour sauver le Mali. Et cet impératif exige de lui qu’il fasse des concessions significatives aux camarades de l’Imam Dicko. Autrement, l’on peut craindre qu’il quitte le pouvoir par une porte dérobée. Certes, il donne l’impression de n’avoir pas perdu le contrôle de la situation puisqu’il est encore capable de prendre des initiatives pour normaliser les choses. Mais personne n’est dupe. Ce qui maintient encore son pouvoir en vie, c’est la communauté internationale. Car, cette dernière voit d’un très mauvais œil le scénario d’un Mali sous la bannière de l’islamiste Iman Dicko.

« Le Pays »


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