FERMETE DE LA CEDEAO VIS-A-VIS DES AUTORITES DE LA TRANSITION MALIENNE
Dialogue de sourds que celui entre les autorités de la transition malienne qui demandent un moratoire jusqu’à fin janvier 2022 pour donner un chronogramme détaillé des élections et la CEDEAO qui reste intransigeante sur l’échéance du 27 février 2022 retenue pour l’organisation des élections censées ramener le pays à l’ordre constitutionnel normal. C’est ainsi qu’à la faveur du sommet d’Abuja du week-end écoulé, la dizaine de têtes couronnées de l’instance sous-régionale présentes à ce sommet, a unanimement « souhaité qu’au plus tard fin décembre 2021, on puisse avoir des actions encore plus précises et concrètes qui soient réalisées et qui montrent que nous sommes dans une dynamique d’avoir des élections en février 2022 ». Faute de quoi, elle n’exclut pas de recourir à des sanctions additionnelles « début janvier 2022 ».Le moins que l’on puisse dire, c’est que la CEDEAO ne lâche pas prise et ne desserre pas l’étau autour des tombeurs d’Ibrahim Boubacar Kéita qu’elle veut contraindre à rendre le plus rapidement possible le pouvoir aux civils.
Son intransigeance est une façon de maintenir la pression sur les autorités de Bamako
C’est dans ce sens qu’il faut sans doute situer les sanctions individuelles déjà prononcées contre certaines personnalités de la transition, en attendant les « sanctions additionnelles » brandies pour janvier prochain si les lignes ne bougent pas dans le sens attendu. Pendant ce temps, les autorités de Bamako ne semblent miser que sur les Assises nationales de la refondation (ANR) qui ont connu le démarrage poussif que l’on sait, pour éclairer la lanterne de la CEDEAO sur le chronogramme des échéances électorales à venir. Mais tout porte à croire que l’institution sous-régionale ne veut pas s’accommoder d’un quelconque argument tant qu’elle n’aura pas une lisibilité claire de la situation, notamment sur la durée de la transition. C’est pourquoi il y a des raisons de penser que son intransigeance sur la date de la fin de la transition en février prochain, est une façon de maintenir la pression sur les autorités de Bamako. Autrement, l’on se demande si, à l’étape actuelle, il est encore techniquement possible de tenir l’échéance du 27 février prochain pour l’organisation des élections, sachant qu’en la matière, rien n’a encore été entamé en termes d’apurement du fichier électoral, d’enrôlement des électeurs encore moins de délivrance des cartes d’électeurs. Rien n’est moins sûr. Et il y a des raisons de croire que la CEDEAO elle-même en est certainement consciente. Mais comment avoir des garanties que Assimi Goïta et ses camarades sont sincères dans leur démarche, depuis tout le temps qu’ils sont aux affaires sans donner de véritable lisibilité de leur action, encore moins montrer une volonté manifeste de sortir le pays le plus rapidement possible de l’Etat d’exception ? L’on comprend alors pourquoi ils sont soupçonnés par plus d’un de jouer la montre à l’effet de prolonger leur bail à la tête de l’Etat malien pour des raisons que l’on peut aisément imaginer.
La CEDEAO joue aussi sa crédibilité dans cette affaire, en attendant de savoir sur quel pied danser face aux putschistes de Conakry
Quoi qu’il en soit, en changeant constamment de priorité, Assimi Goïta et ses camarades ne sont pas loin de convaincre même les plus sceptiques, de leur volonté de ne pas décrocher du pouvoir à Bamako. Dans ces conditions, jusqu’où la junte au pouvoir peut-elle aller dans ce bras de fer qui ne dit pas son nom, avec la CEDEAO ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. D’autant que les autorités de la transition semblent vouloir se prévaloir d’une certaine légitimité populaire, à en juger par les manifestations de soutien à la veille du sommet de la CEDEAO, même si des voix et pas des moindres au Mali, mettent en cause la pertinence et l’opportunité des assises nationales de la refondation dont elles ne veulent pas conditionner la tenue. C’est dire si dans cette situation de relations tendues entre Bamako et l’institution sous-régionale, c’est le wait and see. NEn tout état de cause, point n’est besoin de rappeler que la CEDEAO joue aussi sa crédibilité dans cette affaire, en attendant de savoir sur quel pied danser face aux putschistes de Conakry. Une crédibilité déjà fort entamée aux yeux de nombreux Africains pour qui la CEDEAO s’est disqualifiée en paraissant aujourd’hui un instrument au service des intérêts des princes régnants au détriment de ceux des peuples. Et c’est dire que la restauration de son image passe, entre autres, par la gestion réussie de ces deux dossiers désormais emblématiques. En attendant, la question que l’on pourrait se poser est de savoir si l’éventualité des « sanctions additionnelles » brandies par la CEDEAO, fera peur aux autorités de Bamako. Si oui, il faut croire que cela pourrait leur faire hâter le pas dans l’établissement du chronogramme des élections. Si non, il faut plutôt craindre que cela ne les braque davantage contre l’institution sous-régionale, et n’entraîne un pis-aller de la situation.
« Le Pays »