HomeA la uneFESPACO 2017 : Ambiance contrastée à Ouaga et au Nord

FESPACO 2017 : Ambiance contrastée à Ouaga et au Nord


 

Les lampions de la 25e édition du FESPACO (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou) se sont éteints le samedi 4 mars 2017, dans la capitale burkinabè, avec le sacre de Félicité du réalisateur sénégalais, Alain Gomis. En repartant à Dakar avec, dans ses bagages, le prestigieux et convoité Etalon d’or de Yennenga, celui-ci inscrit, pour la deuxième fois, son nom dans le répertoire des lauréats de la biennale du cinéma africain. Et c’est chose suffisamment rare pour être relevé. La première fois, c’était en 2013, à la 23e édition. Cette année-là, on se souvient, Alain Gomis avait raflé la mise avec son long métrage « Tey ». Quatre années plus tard, il rebelote avec « Félicité ». Décidément, et c’est le moins que l’on puisse dire, le jeune réalisateur sénégalais a du talent à revendre. Et le président du jury, le Marocain Nourredine Saïl, n’a pas manqué de le signaler. Outre, en effet, la richesse de la trame de l’histoire qui est développée dans « Félicité », le président du jury et son équipe ont été subjugués par la qualité du son et de l’image, en un mot par la qualité de la production. Et c’est à ce niveau que le bât blesse le plus souvent en Afrique, a fait remarquer le président du jury en guise de préambule à son discours de clôture. C’est pourquoi les lauriers n’ont pas été tressés rien que pour le réalisateur. Ils l’ont été également pour le producteur.

Le Burkina de Roch a réussi la 25e édition du FESPACO

Du même coup, cela vient rappeler à ceux qui l’ignorent encore que le cinéma est avant tout un travail d’équipe. Par rapport au contenu de « Félicité », l’on peut dire que le réalisateur, à quelques encablures de la journée internationale de la Femme, c’est-à-dire le 8 mars, lance un message fort aux femmes d’Afrique. Au lieu de pleurnicher invariablement sur leur sort, il les invite à s’inspirer de l’exemple de l’actrice principale de son film, « Félicité ». En effet, cette dame est l’incarnation du courage et de la dignité. C’est grâce à ces 2 valeurs qu’elle a pu voler au secours de son enfant, victime d’un accident grave. A un moment où la fête du 8-Mars, sous nos tropiques, est en train  de s’étioler pour se transformer en défilé de mode pour mieux paraître, et de débauche de moyens pour faire la fête, l’on peut dire que le message que véhicule « Félicité » ne pouvait pas mieux tomber. Chapeau bas donc à Alain Gomis. Et pour avoir engrangé pour la 2e fois l’Etalon d’or de Yennenga, il entre dans l’histoire du FESPACO. Avant lui, c’est le réalisateur malien qui a eu l’honneur de goûter à cette félicité. De manière générale, ce que l’on peut retenir de cette 25e édition du FESPACO est le suivant.  Premièrement, c’est sa dimension politique. Cela s’est traduit par l’association active et étroite de la Côte d’Ivoire, pays invité d’honneur. En faisant la danse du ventre à son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, Roch Marc Christian Kaboré poursuit un objectif qui ne souffre d’aucune ambiguïté. Il s’agit de dissiper tous les nuages qui avaient obscurci le ciel des relations entre les 2 pays. En déroulant le tapis rouge à Alassane Dramane Ouattara (ADO), chose qui n’était pas envisageable sous la Transition, le président burkinabè entend par là tourner une page pour en ouvrir une autre sur laquelle les sujets qui fâchent ont toutes les chances de ne pas figurer. Par ces temps de canicule où l’électricité a l’habitude de faire toutes les misères aux consommateurs burkinabè, du fait de l’incapacité chronique du Burkina à faire face à la demande, l’on peut comprendre pourquoi Roch Marc Christian Kaboré a mis un point d’honneur à caresser ADO dans le sens du poil ; lui dont le pays permet au Burkina de résorber considérablement son déficit énergétique. Et là, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres que le Burkina tire d’une normalisation de ses relations avec le pays de Houphouët Boigny. Et pour être complet sur la question, c’est la première fois qu’un président d’un autre pays a eu l’honneur de co-présider la cérémonie de clôture d’un FESPACO et ce, depuis qu’il a été porté sur les fonts baptismaux. Deuxièmement, ce que l’on peut retenir de ce FESPACO, c’est sa dimension pédagogique et l’hommage rendu à toutes les célébrités du 7e art. Pour une innovation, c’en est une et les principaux concernés n’ont pas manqué d’exprimer toute leur satisfaction. Le troisième et dernier élément que l’on peut relever, est que c’est le premier FESPACO de Roch Marc Christian Kaboré. Et sans occulter les failles mineures que les uns et les autres ont pu constater, l’on peut se permettre de dire que le Burkina de Roch a réussi la 25e édition du FESPACO. Non seulement les activités étaient attrayantes, riches et diversifiées, mais aussi la sécurité était au rendez-vous, du moins du côté de Ouagadougou. Malheureusement, on ne peut pas en dire de même en ce qui concerne le Nord du pays et plus particulièrement la province du Soum dont le Chef-lieu est Djibo. En effet, dans cette partie du pays, les djihadistes ont réussi le funeste exploit de frapper fort, à deux reprises en l’espace d’une semaine. La première fois, ils avaient saccagé en toute impunité deux commissariats de police.

L’heure est à l’action et aux résultats

Et rien que le vendredi 3 mars, soit la veille de la clôture du FESPACO, ils ont trucidé 2 personnes à Kourfayel. Une des victimes n’était personne d’autre que le directeur de l’école du village. Et face à ces attaques répétées et osées, l’on peut avoir l’impression que l’Etat a tout simplement abdiqué. Car, en plus du fait que les djihadistes frappent de jour comme de nuit à visage découvert, ils poussent l’outrecuidance au point de programmer publiquement leurs attaques. C’est ainsi qu’en fin janvier, des hommes armés avaient fait irruption dans une école de la zone, menaçant les enseignants de renoncer aux curricula officiels au profit de l’arabe et du Coran, sous peine d’être châtiés. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont tenu parole. Et il n’est pas exagéré de dire que la création du Califat du Soum est pratiquement actée. La preuve, parmi tant d’autres, est que tous les agents de l’Etat de la province sont en train de déserter leurs postes pour trouver refuge ailleurs. Le syndicat des enseignants a raison d’accuser l’Etat de non-assistance à personnes en danger. Au delà, l’on peut dire que c’est toute la province qui est en train d’être livrée en pâture aux djihadistes. Du coup, c’est l’intégrité du territoire qui est sérieusement menacée. En pareille situation, tout Etat digne de ce nom doit s’assumer. Et cela ne peut pas consister à disséminer quelques policiers dans des commissariats isolés et manquant manifestement d’hommes et d’armements appropriés pour faire face au péril. La riposte qui sied, pourrait être la mise en place d’un système de renseignements performant et la réorganisation de l’administration militaire. De ce point de vue, pourquoi ne pas envisager d’installer une région militaire à Dori, capitale du Sahel burkinabè ? En plus de cela, il n’est pas superflu aujourd’hui de convoquer des assises nationales sur le Sahel burkinabè. Un tel cadre pourrait permettre de collecter tous les ressentiments des populations de la zone et de leur trouver des solutions participatives. Car, il ne faut pas se voiler la face. Le prédicateur Ibrahim Malam Dicko a des relais sûrs dans le Sahel burkinabè, sur lesquels il s’appuie pour dynamiter la République, la laïcité et la démocratie. Et cela n’est pas sans rappeler les signes précurseurs de l’invasion du Nord-Mali par les djihadistes en 2012. L’heure est donc grave. Et il ne s’agit plus de s’abriter derrière l’idée chantée par tous selon laquelle c’est une guerre asymétrique, pour chercher à se justifier. Il ne s’agit pas non plus de se fendre de déclarations péremptoires pour jouer au chef de guerre à moindre frais. L’heure est à l’action et aux résultats. Sur ces 2 tableaux, le plus débonnaire professeur pourrait accorder à l’Etat la note de 2 sur 10. Et il n’y aurait personne pour crier au scandale. De tout ce qui précède, l’on peut dire que le FESPACO 2017 s’est déroulé au Burkina dans une ambiance contrastée. Pendant qu’à Ouagadougou, on a vibré au rythme de l’image et du son en dégustant le célèbre poulet “bicyclette”, au Nord du pays, les populations n’avaient que leurs yeux pour pleurer, du fait de l’œuvre satanique des amis de Malam Dicko.

« Le Pays »


Comments
  • Incontestablement, les forces de sécurité ont joué un rôle formidable dans la sécurisation du FESPACO 2017.Toute la ville de Ouagadougou était quadrillée par des forces visibles de sécurité (police, gendarmerie) mais aussi par des agents discrets de sécurité. Ce dispositif qui contrôlait minutieusement les entrées dans les salles de cinéma et autres lieux publics était à même d’appréhender toute tentative d’acte terroriste. Depuis les attentats djihadistes du Cappuccino sur l’avenue Kwamé Krumah le 15 janvier 2016, à un moment de flottement où les nouvelles autorités en charge de la sécurité et le gouvernement n’étaient pas installées dans leurs fonctions, le dispositif sécuritaire de la ville de Ouagadougou a connu actuellement une bonne organisation. Ainsi, il serait difficile à des terroristes de perpétrer des attaques à Ouagadougou et pouvoir se sauver sans que l’alerte sécuritaire ne se mette en branle pour les traquer. La preuve, les terroristes du 15 janvier ont été abattus. Cela n’est pas le cas pour la situation des incursions terroristes aux frontières de la partie nord du Burkina. Souvent, des citoyens font des confusions de rôles en parlant de forces de sécurité aux frontières. La défense des frontières contre les agressions relève des missions de l’armée, donc du ministère de la défense. Le ministère de la sécurité avec la police, la gendarmerie, s’occupe de la sécurité intérieure dans les autres superficies du territoire distinctes des zones frontalières. Félicitation donc au ministre d’Etat en charge de la sécurité, Simon Compaoré qui a réussi à travers une bonne organisation des forces de sécurité, à sécuriser 2 évènements majeurs récents (le SIAO, le FESPACO).C’est un signal fort et crédible à l’attention des touristes et de la communauté internationale, que le Burkina Faso est globalement viable au plan sécuritaire, dans un environnement mondial où aucun pays n’est totalement à l’abri de surprises terroristes. La collaboration des civils par les renseignements auprès des forces de sécurité et de défense, demeure un moyen efficient pour venir à bout des terroristes.

    6 mars 2017

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