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FETE DE LA NATIVITE : Ce qu’il faut savoir sur les crèches  


 

« Il est né le divin enfant, jour de fête aujourd’hui sur terre, il est né le divin enfant, chantons tous son avènement ». On se rappelle bien que ce refrain est fredonné lors de la célébration de la nativité de l’enfant Jésus, dans la nuit du  24 décembre, dans les églises catholiques. L’un des décors qui marque la Noël est la crèche. Beaucoup d’enfants chrétiens et parfois non chrétiens, à l’approche de cette fête de Noël, en construisent. D’aucuns bâtissent les crèches afin de mettre en scène la nativité du fils de Dieu, mais  certains préfèrent aller  payer des crèches préfabriquées. A la veille de Noël, nous avons fait le tour de quelques quartiers de Ouagadougou pour voir comment les enfants préparent la naissance du petit Jésus à travers la construction des crèches.

Le Noël, une fête célébrée par les catholiques pour la nativité de l’enfant Jésus. L’une des images célébrant cette fête est la crèche qui est une mise en scène, dans différents arts en trois dimensions, de la nativité, c’est-à-dire de la naissance de Jésus de Nazareth sous forme de personnages immuables, avec l’enfant Jésus dans une étable. Noël est appelé la fête des enfants. Pour préparer la venue de l’enfant Jésus, les enfants construisent des crèches devant leurs domiciles parentaux. « Construire une crèche est une façon d’apprendre davantage  sur la foi chrétienne et montrer sa volonté d’accueillir l’enfant Jésus qui vient pour sauver les pécheurs ». C’est ce que nous a signifié le jeune Julien Karambiri, âgé de 12 ans, le 12 décembre dernier, alors qu’il était en pleine construction de sa crèche dans le quartier Karpala. Selon ce jeune homme, la crèche est donc la maison de l’enfant Jésus. « Depuis que je suis tout petit, j’aidais mes grands frères dans la construction des crèches. Mais depuis que j’ai eu mes 10 ans, je me débrouille chaque année pour construire la mienne. C’est une façon pour un enfant de Dieu,  d’accueillir Jésus dans la joie et faire augmenter sa foi dans la prière. Je construis ma crèche pour accueillir Jésus et je sais qu’il y dormira dans la nuit du 24 décembre », a-t-il dit. A en croire ce dernier, la crèche a une origine très divine, mais ce qu’il faut déplorer, c’est que beaucoup de jeunes ne veulent plus construire de crèche et préfèrent en payer des préfabriquées. Or, en construisant leur propre crèche, les enfants libèrent leur génie créateur, et en plus, la crèche entre dans l’éducation religieuse des enfants, à travers les différentes représentations que compose une crèche. Stéphane Zoungrana, un jeune homme de 18 ans, portant une croix de Jésus au cou, que nous avons rencontré devant la cathédrale Notre-Dame  de l’immaculée conception le 15 décembre, en train de s’acheter une crèche, nous a laissé entendre que la crèche revêt pour lui une grande importance, car c’est une manière de célébrer la venue du sauveur Jésus Christ. Dans les années antérieures, a-t-il soutenu d’un air souriant, « je construisais ma crèche devant notre porte en me faisant aider par des camarades. Mais depuis un certain temps, a-t-il poursuivi, je paye les crèches déjà fabriquées pour Noël ». « La naissance d’un enfant dans une famille met tout le monde dans la joie, et mérite l’accueil qu’il faut. Et comme la crèche est le lieu où Jésus a été couché dès sa naissance, en mémoire de cela, il est très important que chaque famille catholique puisse avoir cette représentation pour la célébration de Noël », a-t-il ajouté. Même si la crèche a une origine chrétienne et entre dans le cadre de la célébration de Noël, des enfants musulmans, même ne connaissant pas l’histoire de la crèche, ne trouvent pas d’inconvénient de la construire devant leur porte. Il s’appelle Hamed Sanou, un jeune musulman âgé de 15 ans, résidant dans le quartier Pissy à Ouagadougou. Nous l’avons rencontré devant sa crèche complètement construite le 15 décembre dernier. « Je suis musulman et mes parents le sont aussi, mais cela ne m’empêche pas de construire une crèche pour préparer la naissance de Jésus pour Noël qui est une fête des enfants. Chaque année, mes parents me donnent la permission de construire une crèche pour le petit Jésus. Même si nous ne fêtons pas Noël dans notre famille, je souhaite bonne fête à tous les enfants du monde et que cette nativité de l’enfant Jésus apporte plus de joie et de paix dans nos cœurs », a-t-il formulé comme vœu. Si d’autres enfants construisent des crèches pour célébrer la nativité du Christ sauveur, Brice Yaméogo, âgé de 10 ans, attend les cadeaux du père Noël dans sa crèche, la nuit du 24 décembre. « J’ai souvent entendu mes camarades parler du Père Noël qui fait le tour des crèches dans la nuit du 24 décembre pour y déposer des cadeaux. Donc, j’ai aussi construit ma crèche, dans le but d’avoir  les cadeaux du Père Noël », a-t-il dit.

La crèche, depuis son origine, était construite par les jeunes catholiques devant leurs concessions, mais depuis un certain temps, les fidèles chrétiens préfèrent les crèches préfabriquées. Pour  comprendre davantage si celles-ci sont plus convoitées que celles construites, nous avons fait un tour chez quelques vendeurs de crèches, le 19 décembre, dans la ville de Ouagadougou.

Seydou Sawadogo, âgé d’une trentaine d’années, installé sur l’avenue Kwamé N’Krumah et vendeur de crèches, nous a déclaré qu’il est dans le commerce de crèches il y a 10 ans. Foi de ce dernier, n’eut été  la situation socioéconomique du pays qui ne leur permet pas de faire assez de revenus comme les années antérieures, la commercialisation des crèches pendant Noël leur permet de faire de bons chiffres d’affaires. Les prix des crèches varient selon la matière qui est utilisée pour sa construction, la composante  de cette crèche et sa grandeur. Plus loin, devant la cathédrale Notre Dame de l’immaculée conception, le constat que le commerce est florissant saute à l’œil, car les vendeurs de crèches ont envahi les abords des routes de cette zone. Cependant, Adama Kabré  va nous signifier que ses comptes ne sont pas bons, car le marché de crèche de ce Noël 2015 n’est pas fructueux. « Les années antérieures, à cette date, nous vendions beaucoup de crèches, mais cette année les choses tournent au ralenti. Nous n’arrivons pas à vendre ne serait-ce qu’une crèche par jour. Les clients viennent et ils  trouvent que les prix sont exorbitants, mais tout cela est dû à la Transition », a-t-il martelé. Mme Ouédraogo qui payait une crèche pour ses enfants, nous a signifié ceci : « Chaque chrétien doit avoir une crèche pour mettre en scène la venue de notre sauveur qu’est l’enfant Jésus. La crèche a un sens éducatif pour les enfants, en particulier sur leur vie religieuse à travers les représentations que compose cette crèche notamment l’enfant Jésus, la vierge Marie, Joseph le Père, quelques animaux et les anges », a-t-il souligné.

Valérie TIANHOUN

ENCADRE

ph- A.O

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 Abbé mathieu Koala, ” Le mot crèche provient du francique Krippia qui désigne une mangeoire”

L’Abbé Nicolas Mathieu Koala, aumônier principal des lycées et collèges du diocèse de Ouagadougou et directeur diocésain de la pastorale liturgique, dans une interview qu’il nous a accordée le 9 décembre dernier à Ouagadougou, nous signifie le sens de la crèche, son historique et son opinion sur la proposition de loi en France pour la suspension de la crèche dans ce pays. Lisez plutôt !

Le Pays : Quel sens revêt la crèche dans le catholicisme ?

Le sens c’est d’amener à contempler d’une façon visible ce qui s’est passé dans l’histoire des hommes, Dieu qui s’est fait homme et le fils de l’Homme qui naît dans le monde et tel que cela est apporté dans l’évangile de l’enfance qui parle de la naissance de Jésus, dans l’évangile selon Saint Luc. C’est une contemplation qui permet au chrétien de vivre le mystère de la naissance de Jésus et d’actualiser ce mystère de salut dans son vécu et dans son expérience de foi. Il n’y a aucune obligation à construire et à reproduire des crèches, mais c’est une tradition vivante qui comporte une richesse réelle de la foi chrétienne, notamment chez les enfants. Car la crèche entre dans l’éducation religieuse des enfants à travers les représentations. Tout comme dans nos traditions nous avons les contes, les légendes et les fables qui participent de la socialisation et de l’éducation des enfants. Dans la crèche, comme tout tourne autour de la naissance d’un bébé, cela intéresse davantage les enfants qui, à l’occasion, se voient témoigner l’affection de leurs parents  et toute la communauté à travers les cadeaux qu’on met dans ces crèches  pour les inviter à poser des actes pour le bon plaisir de l’enfant Jésus, en leur montrant que la meilleure crèche est leur cœur.

Faites-nous l’historique de la crèche de Noël

Pour l’origine de la crèche, il faut dire qu’elle provient de l’étable de Bethléem dans l’évangile de Saint Luc au chapitre 2. L’enfant Jésus, à sa naissance, a été couché dans une mangeoire. Donc, le mot crèche provient du francique Krippia qui désigne une mangeoire. Et Jésus est né dans une étable et sa maman l’a couché dans une mangeoire comme le dit le passage de Saint Luc chapitre 2, verset 7 : « elle enfanta son fils premier né, l’emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie ». A partir de là, quelques siècles plus tard, il y a eu l’institution de la fête de Noël qui a été fixée au 25 décembre de chaque année. La date importante et incontournable est la représentation vivante de la crèche par Saint François d’Assise qui est le fondateur de la famille religieuse des franciscains. La 1re représentation est faite en  Greccio en Italie, la nuit de Noël de l’an 1223. Au fur et à mesure, elle s’est propagée. On place généralement l’enfant Jésus au centre à minuit, le 24 décembre, pour symboliser sa naissance, encadré par Marie et Joseph. Ils sont accompagnés d’un âne, ayant transporté Marie enceinte et d’un bœuf qui, selon la tradition, aurait réchauffé le nouveau-né de son souffle. La vierge Marie est souvent représentée à genoux devant son fils et dans ses habits ordinaires alors qu’elle vient d’accoucher, signifiant ainsi qu’elle n’a pas subi l’épuisement habituellement lié à l’enfantement. On place également dans la crèche des bergers accompagnés de leurs agneaux. La crèche diffère d’une région, d’une culture à une autre, mais le message le plus important étant de dire que Dieu est venu dans l’histoire des hommes et dans toutes les cultures.

De nos jours, on a tendance à voir que les crèches qui étaient autrefois construites devant les portes, sont en voie de disparition. Qu’en pensez-vous ?

 

Je ne parle pas de disparition de la crèche, car c’est une reproduction que l’on fait pour la préparation de la fête de Noël, mais elle ne se produit plus de la même manière que dans un passé récent. Dans le temps, un enfant qui ne construisait pas une crèche ratait une occasion car elle contribue à l’éducation de la foi chrétienne de l’enfant. Je pense que la disparition de cette crèche procède plutôt de la crise de l’éducation dans les familles. Car, les familles préfèrent maintenant le prêt- à-porter que de faire construire les crèches par les enfants. Donc, c’est l’avenir de la culture qui est en jeu, parce qu’on assiste à des productions industrielles, mais l’art n’est pas industriel. Tant que l’on ne développera pas cela, nous nous fierons toujours à l’inspiration de quelques-uns qui feront des reproductions en séries, en masse et qui manquent d’originalité. La crèche n’est pas en voie de disparition, mais plutôt la culture.

Quel commentaire faites-vous par rapport à l’interdiction de la crèche en France ?

Il s’agit d’abord d’une proposition  de loi faite par l’association des maires de France qui entend par là, favoriser le respect de la laïcité par tous. Il s’agit ensuite d’une proposition qui vise à bannir de l’espace public tel que les mairies et autres, la présence des crèches. L’histoire dit que quand on ne sait pas d’où l’on vient, on ne sait pas où l’on va. Cela signifie que quand vous reniez vos racines, à un moment donné, vous vous retrouverez avec plein d’interrogations et d’angoisses. Malheureusement, une telle proposition peut basculer dans ce sens. Il y a des réactions qui tendent à dire que la France est de tradition catholique. Sans le christianisme, la France ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Donc, de ce point de vue, l’on peut toujours prendre le tournant que l’on veut. Mais est-ce que l’on mesure le dommage que cela peut causer ? Je pense que parfois, on s’agite à la place du citoyen en pensant lui rendre service. Si cette décision devrait être prise comme loi, ce serait vraiment regrettable. Pour ce qui nous concerne ici, nous essayons de vivre en bonne intelligence avec nos lois. Même si nous sommes de différentes confessions religieuses, c’est une richesse et cela ne doit pas nous empêcher de vivre dans la fraternité. Donc, ce n’est pas la construction d’une crèche qui pourrait être source de division. Si quelque chose existe depuis longtemps dans l’histoire des peuples et que par une décision comme celle-ci, on veut l’enlever, cela est dommage, car la crèche, en elle-même, porte un message. Quels que soient les barbaries et le cycle de violence, les hommes restent toujours sensibles. Et celui qui est au centre de la crèche est un tout petit enfant. Donc, si l’on trouve des terroristes qui tirent sur une crèche, cela signifie que ces derniers ne peuvent plus compter parmi les humains. En plus, si l’innocence d’un enfant n’est pas à mesure de désarmer même les cœurs les plus endurcis, ce n’est pas la prise d’une décision légale qui pourrait rompre le cycle de la violence.

Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter dont nous n’avons pas fait cas ?

Je souhaite un joyeux Noël au monde entier, sans distinction de religion. Que chacun accueille cette grâce de Dieu pour lui-même et pour tous ses frères et que l’année de la miséricorde dans laquelle nous sommes, apporte beaucoup de grâces, de bénédictions et de paix dans nos familles. Bonne fête à tous les élèves et que Jésus qui est le prince de la paix nous éduque tous à la paix.

Propos recueillis et retranscrits par V.T.


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