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FEUILLE DE ROUTE DE LA JUNTE GUINEENNE


 

Le 5 septembre 2021, une figure jusque-là inconnue, faisait irruption sur la scène politique guinéenne. Ce jour-là, le président guinéen, Alpha Condé, était déposé par un coup d’Etat et on découvrait son successeur, le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya. Quatre mois après, le Premier ministre de la junte au pouvoir, Mohamed Béavogui, vient de présenter sa feuille de route au président Doumbouya qui lui a renouvelé sa confiance. La feuille de route se présente comme une sorte de Discours de politique générale qui trace les grands axes de la politique du gouvernement de la Transition. Vu l’ampleur des tâches à accomplir, il est permis de se poser des questions sur la volonté de la junte de respecter un quelconque calendrier de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour l’organisation des élections.

La CEDEAO avait donné un délai de six mois pour l’organisation des élections. Si quatre mois après, une ambitieuse feuille de route vient d’être déballée, ce n’est certainement pas pour quitter le pouvoir dans deux mois, pour respecter le délai de la CEDEAO. La feuille de route a d’ailleurs omis l’essentiel, c’est-à-dire la fixation de la durée de la Transition. La junte a toujours été évasive sur ce point. Elle a néanmoins laissé entendre qu’elle n’entendait pas se laisser dicter quoi que ce soit par la CEDEAO et que c’est le peuple de Guinée qui écrira son destin.

Le président Doumbouya semble savoir ce qu’il veut, mais maîtrise-t-il suffisamment tous les contours de la vie politique guinéenne ? Il dit que jusque-là, les Guinéens ont été divisés en fonction des régions, des langues et des ethnies et qu’il est temps d’y mettre un terme. Les Guinéens doivent se réconcilier avec eux-mêmes.

 

                        Le principal obstacle de la junte pourrait venir de la classe politique guinéenne

 

Sur ce point, des actes forts ont été posés avec le retour au bercail des anciens présidents, eux aussi de Transition, Moussa Dadis Camara et Sékouba Konaté. La mal gouvernance est un autre fléau qui mine la vie sociale et politique guinéenne. Des milliers de salariés et de militaires ont été mis à la retraite pour rendre l’Administration plus opérationnelle et moins coûteuse. L’affirmation de l’autorité de l’Etat est en marche. Mais est-ce suffisant pour contenter une classe politique guinéenne avide de pouvoir et d’opportunités ?

Le président Doumbouya promet l’organisation d’élections transparentes auxquelles ni lui ni aucun membre de la junte ne sera candidat. On peut l’en féliciter, mais tiendra-t-il parole ? A son avènement au pouvoir, c’est le même langage que tenait Dadis Camara avant d’être happé par le vertige du pouvoir. Doumbouya dit qu’il tiendra compte des expériences négatives du passé. On peut donc espérer qu’il ne répètera pas la même erreur que Dadis Camara. D’ailleurs, le contexte international a quelque peu évolué. On peut donc donner le Bon Dieu à Doumbouya, mais pas sans confession.

Le refus d’indiquer la durée de la Transition peut se révéler être un stratagème pour la prolonger pour le temps d’un mandat voire de deux mandats présidentiels afin de compenser la décision de ne pas se présenter aux prochaines élections. En établissant une feuille de route ambitieuse, la junte peut justifier son maintien au pouvoir pour une longue durée. Cela n’est pas mauvais en soi si c’est pour réellement servir les intérêts de la Guinée et des Guinéens. Car, il faut reconnaître que nos pays sont à un tel niveau de délabrement politique, économique et social qu’un leadership fort et éclairé est parfois nécessaire pour jeter les bases d’un processus de développement collectif et harmonieux.

Une Transition escamotée ne fera que contribuer à amplifier des problèmes déjà lancinants. D’ailleurs, la Guinée en a déjà fait l’expérience avec les pouvoirs de transition de Dadis Camara et Sékouba Konaté. Ce n’est donc pas une question de vitesse, encore moins de précipitation. La durée de la Transition ne devrait pas être un problème en soi si ce qui s’y fait, sert les intérêts des Guinéens et reçoit leur approbation.

Cela dit, il ne faut toutefois pas perdre de vue que dans une république, le pouvoir d’Etat n’est pas une prérogative propre à un individu ou à une famille, comme dans une monarchie. Tout citoyen peut légitimement y aspirer et prétendre mieux faire, car il s’agit de la gestion des affaires de tous. De ce point de vue, le principal obstacle de la junte pourrait venir de la classe politique guinéenne que l’on sait avide et impatiente, comme d’ailleurs c’est le cas un peu partout. Aura-t-elle la patience de laisser à la junte le libre choix des prochaines échéances électorales quelle que soit la durée ? On se rappelle que c’était pour protester contre la volonté du président Dadis Camara de jouer les prolongations, que le drame du 28 septembre 2009 avait eu lieu au stade de Conakry avec plus d’une centaine de morts. Souhaitons que réellement, le président Doumbouya puisse tirer toutes les leçons des expériences négatives du passé.

 

                                                                                     APOLEM

 


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