FISSURE DU FRONT DE L’OPPOSITION IVOIRIENNE : C’est le contraire qui aurait étonné
Il n’aura pas tenu longtemps puisque les dissensions n’ont pas tardé à apparaître au grand jour. Le front de l’opposition ivoirienne lancé avant la présidentielle du 31 octobre dernier, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est au bord de l’implosion, si ce n’est déjà fait. En effet, alors que la Coalition pour la démocratie, la réconciliation et la paix (CDRP), plateforme constituée autour du PDCI/RDA et la plateforme pro-Gbogbo EDS (Ensemble pour la démocratie et la souveraineté), annoncent leur intention de prendre part aux législatives du 6 mars prochain, plusieurs petits partis de l’opposition ne l’entendent pas de cette oreille. Pour ces derniers, tout comme à la présidentielle, le mot d’ordre doit être au boycott des législatives au risque de légitimer le troisième mandat du président Alassane Dramane Ouattara (ADO). Est de ceux-là, la Génération peuples solidaires (GPS) de Guillaume Soro qui, pourtant, dispose de députés sortants.
Le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (COJEP) de Charles Blé Goudé, quant à lui, a déjà pris ses distances vis-à-vis de la CDRP, estimant que les législatives qui se profilent à l’horizon ont « mis au grand jour les appétits et autres guerres de positionnement entre des entités pourtant supposées être des partenaires ». Pendant ce temps, le Front populaire ivoirien (FPI) tendance Pascal Affi Nguessan, ne fait pas mystère de son agacement face à l’attitude « dirigiste » du PDCI et EDS. C’est donc clair : l’opposition ivoirienne n’ira plus en rangs serrés aux prochaines législatives. Cela n’a rien de surprenant. Bien au contraire, c’était d’ailleurs trop beau pour être réalisable sur le terrain. Car, comme on le sait, les élections législatives constituent une belle occasion pour chaque parti politique de mesurer sa cote de popularité et de ce fait, marquer son ancrage dans ses fiefs électoraux. Qu’un parti, à l’occasion, accepte de s’éclipser au profit d’un autre, cela s’appelle une aliénation qui peut conduire au suicide politique.
Chacun préfère être tête de rat que queue de lion
L’enjeu est tel que très souvent, l’on voit même des alliés au pouvoir, s’entredéchirer à l’occasion des élections de proximité ; chacun voulant occuper politiquement le terrain. C’est dire si les dissensions au sein du front de l’opposition ivoirienne, étaient prévisibles à l’orée des législatives qui avancent à grands pas. Certes, d’aucuns ont vite fait de pointer un doigt accusateur sur le parti au pouvoir qui aurait souterrainement travaillé à faire voler en éclats le front. Mais n’oublions pas qu’en politique, c’est comme à la guerre où tous les moyens sont bons pour porter l’estocade à l’adversaire. Surtout que dans le cas d’espèce, le pouvoir sait que l’opposition, si elle est unie, peut lui tailler des croupières ; il faut à tout prix éviter que cette dernière en vienne à remporter la majorité des sièges à l’Assemblée nationale. Cela dit, on ne peut que déplorer l’attitude de l’opposition ivoirienne qui, une fois de plus, étale ses divergences au grand jour. En le faisant, elle oublie qu’elle joue le jeu du président ADO qui en profite pour s’offrir un bol d’air ; lui dont le troisième mandat a été très contesté. Car, au lieu de tous unis contre ADO, les leaders de l’opposition sont en train de se jeter des peaux de bananes. Pouvait-il d’ailleurs en être autrement quand on sait que chacun d’entre eux préfère être tête de rat que queue de lion ?
Boundi OUOBA