FORUM DE DAKAR SUR LA PAIX ET LA SECURITE : L’Afrique saura-t-elle poser le bon diagnostic ?
Le 9 novembre 2015, soit aujourd’hui même, s’ouvre à Dakar la deuxième édition du Forum international sur la paix et la Sécurité en Afrique, sous le haut parrainage du président de la République du Sénégal, Macky Sall. Deux jours durant (du 9 au 10 novembre 2015), l’Union africaine (UA) ainsi que ses nombreux partenaires africains et internationaux, les représentants de la France, les organisateurs du forum que sont le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur et l’Institut panafricain de stratégies, plancheront sur les défis majeurs à relever pour instaurer et pérenniser la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique. La tenue d’une telle rencontre regroupant des personnalités de haut niveau civiles et militaires venues d’horizons divers, est d’autant plus nécessaire qu’elle permettra de faire le bilan du premier forum organisé les 15 et 16 décembre 2014, toujours à Dakar, et subséquemment, de faire de nouvelles propositions pour mieux lutter contre les problèmes sécuritaires qui plombent la croissance économique du continent. Car, avec les menaces diffuses et difficiles à cerner et donc à combattre, comme le terrorisme islamiste, le trafic des armes et de la drogue, la piraterie et les prises d’otages entre autres, on peut affirmer qu’il n’y a plus de place pour une gestion solitaire des crises, et aucune plate-forme de réflexion n’est de trop pour aider les pays du continent à développer des mécanismes nationaux et même transfrontaliers pour faire face à tous ces périls. Il reste à espérer que cette deuxième réunion informelle mette davantage l’accent sur les mécanismes de prévention et d’alerte précoce des actes terroristes et assimilés, au lieu de se limiter à l’ébauche de plans régionaux ou sous-régionaux qui sanctionnent habituellement ce genre de grand’ messes et dont les résultats sont sinon nuls, du moins mitigés.
C’est la volonté politique et les moyens de mise en œuvre des résolutions qui seront déterminants
Le Sénégal a, en tout cas, donné le ton dans la prophylaxie des menaces terroristes en procédant, de manière préventive, à l’arrestation de plusieurs imams soupçonnés de faire l’apologie du terrorisme, afin d’éviter la situation du Mali voisin qui a laissé le diable entrer dans la maison avant de chercher à l’en déloger. Certes, dans un pays où presque tout le monde est musulman, s’en prendre aux imams, même suspectés d’être de connivence avec les intégristes de sinistre réputation comme ceux du MUJAO (Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest) ou de Boko Haram, pourrait être politiquement désastreux pour Macky Sall. Mais si c’est le prix à payer pour éviter au Pays de la Téranga les attentats-suicides et la rupture du pacte religieux entre les différentes communautés, l’histoire retiendra que les autorités sénégalaises ont fait œuvre utile. Car, si le Sénégal se laisse gangréner par l’islamisme radical, ce sont tous les pays du Golfe de Guinée qui seront dans le viseur des djihadistes et autres spécialistes du crime organisé. C’est justement parce que des pays comme le Mali et dans une certaine mesure le Nigeria ont fait preuve de mollesse et de laxisme dans le traitement du péril islamiste, que l’hydre s’est incrustée dans les structures sociales de ces pays et tente de gagner, avec moins de fortune certes, mais davantage de détermination, les pays limitrophes que sont le Niger, le Tchad, le Cameroun et plus récemment le Burkina Faso. Cette poudrière religieuse qui rime généralement avec trafics de tous genres, pourrait, si l’on n’anticipe pas sur ses manifestations et ses conséquences comme semble le faire le Sénégal, annihiler tous les efforts de développement et du coup, servir de source intarissable de recrutement de kamikazes qui agiront pour le compte d’une religion dont ils ignorent tout, même de la première sourate. Et c’est peut-être pour prouver à l’Afrique et à ses partenaires internationaux qu’il mérite bien d’abriter un sommet sur la paix et la sécurité continentale, que le Sénégal a lancé cette offensive contre les prédicateurs radicaux, avec la caution tacite des chefs religieux qui, contrairement à certaines associations et à la ligue des imams et prédicateurs du Sénégal, ont gardé jusqu’ici le silence. En tout état de cause, les participants à cette rencontre devront, à la suite du premier forum organisé l’année dernière, poser le bon diagnostic afin que les solutions qui en sortiront contribuent à faire échec à tous ces crimes dont la typologie et le modus operandi évoluent de jour en jour. Car, ne nous y trompons pas, plus que la kyrielle de recommandations qui rivaliseront de hardiesse, c’est la volonté politique et les moyens de mise en œuvre de ces résolutions qui seront déterminants dans l’évaluation de la portée et de la pertinence de ce forum. Espérons que l’absence de la quasi-totalité des décideurs du continent à cette rencontre n’enlèvera rien à son intérêt, et qu’elle ne sera pas uniquement une occasion de retrouvailles annuelles entre copains ou personnalités oisives qui se satisferont d’être sous les feux des projecteurs pour parler de sujets aussi brûlants que ceux sur la paix et la sécurité en Afrique. Les organisateurs de ce forum nous apporteront la preuve du contraire, si et seulement si Iyad Aghali, Abubakar Shekau, Hamadou Koufa ou les spécialistes de la piraterie maritime, sont mis hors d’état de nuire avant la tenue de la prochaine rencontre.
Hamadou GADIAGA