HomeBaromètreFORUM ECONOMIQUE MONDIAL DE KIGALI : Pour une mobilisation équitable des ressources nationales

FORUM ECONOMIQUE MONDIAL DE KIGALI : Pour une mobilisation équitable des ressources nationales


Les dirigeants régionaux et mondiaux du monde de l’entreprise, des gouvernements et de la société civile se sont réunis à l’occasion du Forum économique mondial à Kigali cette semaine, pour célébrer les progrès de l’Afrique au cours des dernières décennies en matière de croissance économique et de réduction de la pauvreté, et pour évoquer l’avenir.

 

Les conditions de vie en Afrique sont bien meilleures pour les femmes, les adolescents et les enfants qu’il y a 25 ans, lorsque les objectifs du Millénaire pour le développement ont été lancés. Mais ces progrès pourraient bien être menacés. La chute des cours des matières premières, le ralentissement de la croissance économique et l’incertitude mondiale font que beaucoup de gouvernements se demandent comment mobiliser les ressources nécessaires pour soutenir et accélérer le progrès. 

En tant que fondation pleinement engagée à établir des partenariats avec les gouvernements de tout le continent pour les aider à améliorer la vie des plus pauvres, les pays nous adressent un message clair : « la mobilisation équitable des ressources nationales et leur allocation efficace devraient se trouver au cœur des efforts de réduction de la pauvreté ». 

Déjà, la majeure partie du financement des services essentiels, comme la santé et l’éducation en Afrique, provient des pays eux-mêmes. En 2012, les recettes fiscales de l’Afrique subsaharienne ont été dix fois plus importantes que les 51,9 milliards de dollars reçus par le continent au titre de l’Aide publique au développement.

Mais les systèmes fiscaux de la plupart des pays africains sont sous-développés. Ces 15 dernières années, dans nombre de pays, les impôts ont augmenté lentement en pourcentage du PIB, et parfois même diminué.

De nouvelles recettes fiscales, mobilisées équitablement et allouées de manière efficace, peuvent améliorer la vie des citoyens africains en finançant un meilleur système de santé, des écoles, des systèmes d’assainissement et des filets de protection sociale pour les plus pauvres. Le Rwanda est un excellent exemple. Grâce à une législation appropriée, une administration renforcée, un enregistrement plus efficace des contribuables et une meilleure observance de ces derniers, le Rwanda a augmenté ses recettes de près de 50 % entre 2001 et 2013. Cela a été un facteur crucial de l’accroissement des ressources nationales consacrées à la santé : entre 2008 et 2013, les dépenses publiques de santé sont passées de 3,2 % à 6,5 % du PIB, et les dépenses de santé par habitant ont doublé, passant de 32 USD à 70 USD, tandis que le financement externe diminuait de 15 %. 

Non seulement l’utilisation des recettes fiscales pour investir dans le développement humain profite aux individus et aux familles, mais elle développe aussi le capital humain alimentant la croissance économique. À titre d’exemple, chaque dollar dépensé sur des interventions éprouvées à impact élevé en matière de santé — comme la planification familiale, la prévention et le traitement du VIH/SIDA et la vaccination — produira un gain de 9 à 20 dollars dans les pays à revenu faible ou moyen, entre 2015 et 2035.  

Le renforcement des systèmes fiscaux présente aussi d’autres avantages au-delà des recettes générées. Un système fiscal bien conçu peut renforcer la relation entre les citoyens et le gouvernement— en augmentant les enjeux des citoyens par rapport à l’action de leur gouvernement et en les encourageant à demander des comptes. Pour les gouvernements, les impôts sont un levier essentiel pour respecter leur promesse d’équité sociale et économique. Et des initiatives comme le projet d’indicateurs de prestation de services de la Banque mondiale, qui mesure la qualité des services de santé et d’éducation en Afrique, offrent aux citoyens un moyen clair et tangible d’établir un lien entre les impôts qu’ils versent et les services qu’ils reçoivent. 

Les partenaires de développement devraient jouer un rôle. Des démarches comme l’Initiative fiscale d’Addis, par laquelle plus de 30 pays ont convenu de doubler le soutien aux pays pauvres pour améliorer l’efficacité de leurs finances publiques, sont un bon début. Bien sûr, il ne s’agit pas seulement de doubler les mises de fonds mais aussi de mieux appréhender ce qui fonctionne pour améliorer ces domaines. 

La technologie peut contribuer à accélérer le progrès. L’Inde, par exemple, est en train de lier des facteurs biométriques (empreintes digitales et reconnaissance de l’iris) à des identifiants fiscaux uniques. Ces technologies peuvent faciliter la collecte des impôts ; faire en sorte que les dépenses sociales atteignent ceux qui en ont besoin ; et permettre aux personnes pauvres d’accéder pour la première fois à des services comme la banque mobile. 

Toutefois, l’innovation n’est pas une panacée. En fin de compte, les pays et les partenaires de développement doivent accomplir la tâche difficile d’investir dans les besoins à long terme (et connus de longue date) de renforcement des institutions ordinaires pour des systèmes fiscaux efficaces. Comment les pays peuvent-ils renforcer l’observance de contribuables difficiles à imposer ? Comment peuvent-ils renforcer l’administration fiscale, accroître le moral des contribuables, lutter contre la corruption, et mettre en place des fonctions d’audit interne solides ? Leadership et volonté politique s’avéreront nécessaires pour répondre à ces questions. 

Des finances publiques efficaces n’apparaîtront pas du jour au lendemain, mais c’est possible ! À un moment où les pays et les partenaires de développement continuent à travailler ensemble pour construire un avenir plus prospère et plus équitable, la question concernant la façon de mobiliser équitablement les ressources nationales pour soutenir le développement humain et la prospérité en Afrique est peut-être l’une des plus importantes auxquelles nous devons répondre.    

 

Alexandre Cougoulic

 

Junior Account Executive

 


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