HomeA la uneFRANCOISE TOE, candidate à l’élection  présidentielle : « Je mettrai ma sensibilité féminine à profit pour bien diriger le Burkina »

FRANCOISE TOE, candidate à l’élection  présidentielle : « Je mettrai ma sensibilité féminine à profit pour bien diriger le Burkina »


 

Notre invitée de la rédaction du 7 octobre 2015 fait partie de la dizaine de candidats à la prochaine élection présidentielle. Elle est l’une des deux femmes en lice, dans la course pour le Palais de Kosyam. Françoise Toé est une experte-comptable qui entend œuvrer pour le bien-être de tous les Burkinabè si ceux-ci lui accordent leur confiance à la présidentielle.  Issue du Mouvement de libération nationale-Burkina Faso (MLN-BF), un  regroupement majoritaire  au sein du PDP/PS, elle a,  au départ, été investie candidate du PDP/PS par ses camarades mais pour des raisons internes au parti,  elle  a préféré opter pour une candidature indépendante. Avec elle, il a été question du coup d’Etat manqué du 16 septembre dernier, du démantèlement et de la dissolution de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), des élections à venir et de bien d’autres sujets. Lisez !

 

« Le Pays » : Comment avez-vous vécu  le coup d’Etat du 16 septembre dernier ?

 

Je dois vous avouer que c’était une désagréable surprise parce que nous étions tous confiants et étions dans la dynamique de la campagne qui devait s’ouvrir le 19 septembre,  donc seulement quelques  jours après. Ce coup d’Etat est tombé comme un couperet et a cassé la dynamique qui était lancée sans oublier que nous avions tellement espéré après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 que le processus  démocratique serait bien lancé. Malheureusement, au cours de cette forfaiture,  nous avons encore perdu des vies humaines, des enfants qui sont tombés en luttant pour notre libération (ndlr : elle demande, à cet effet, une minute de silence à la mémoire des martyrs). Nous avons eu très peur, nous avons vu tout s’écrouler autour de nous avec cette situation parce qu’on ne savait pas comment les choses allaient se passer. Heureusement que le peuple burkinabè,   épris de liberté et de démocratie, s’est levé comme un seul homme  pour une nouvelle fois dire non à la forfaiture. Parce que nos martyrs des 30 et 31 octobre 2014 avaient besoin qu’on continue la lutte. J’avais la fierté d’être burkinabè, compte tenu du mouvement qui s’était encore mis en branle. Parce qu’après l’insurrection populaire réussie et la transition mise sur les rails avec les opérations qui se déroulaient dans les meilleures conditions, le Burkina était un exemple  sur le plan international. Je remercie toute la population burkinabè et notre Armée régulière qui a entendu  l’appel des populations. Nous avons été parmi  les premiers  à condamner ce coup d’Etat   sur les réseaux sociaux et avons  appelé l’Armée régulière à venir au secours pour nous libérer.

Dès l’annonce du coup d’Etat, quelle a été votre première réaction ?

Je me suis  dit  que c’était inimaginable. C’est pourquoi nous avons réagi tout de suite pour le condamner. Sans vouloir me vanter, j’ai tout de suite vu la main du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui avait laissé entendre que si ses candidatures étaient invalidées, il n’y aurait pas d’élections.  Je n’avais pas de preuves mais humainement, je me suis dit que ce sont eux qui étaient derrière le coup.

Ce putsch a-t-il porté un coup à votre parti ?

Comme  je l’ai dit dès le départ, nous étions sur le terrain pour préparer le démarrage de la campagne électorale et avec ce coup d’arrêt, nous avions tellement le cœur à l’ouvrage que la dynamique s’est rompue. Nous étions désespérés puisque nous étions sur une bonne trajectoire pour aller jusqu’au bout du processus. C’est sûr  que tous les partis ont subi un préjudice,  ne serait-ce que moral. C’est la raison pour laquelle les gens se sont spontanément organisés pour mettre fin à cette forfaiture. Nous étions tellement surpris qu’à un moment donné, nous étions complètement désemparés. Mais après réflexion, nous nous sommes dit qu’on ne pouvait faire échec  à l’insurrection populaire et à la Transition de cette manière, d’autant plus que nous étions tous derrière la Transition pour aboutir aux échéances.

Vous dites avoir été très surprise, est-ce à dire que ce coup d’Etat n’était pas prévisible ?

Nous étions confiants puisque même après les déclarations incendiaires des candidats recalés, on s’est dit qu’avec le peuple qui veut aller vraiment à la démocratie, quelques individus ne pouvaient pas  arrêter cette marche.  Ce n’est pas parce que nous n’avons pas évoqué cette éventualité mais  on s’est dit que le peuple était toujours fort.  C’est ce qui nous a poussés à aller en précampagne, sinon nous aurions pu nous dire qu’on va attendre  pour voir si les choses iront jusqu’au bout, pour pouvoir démarrer réellement la campagne le 20 septembre. Le peuple burkinabè est battant et il a démontré qu’en ce qui concerne sa liberté, sa démocratie, il sait comment s’y prendre. C’est ce qui nous a redonné l’énergie pour  continuer la précampagne.

Pensez-vous que l’invalidation de certaines candidatures pourrait être une des causes du coup d’Etat ?

 

Pour moi, cela ne devrait pas être une cause. Mais  à partir des déclarations de certains candidats recalés  qui, à mon avis, avaient  dû se préparer puisqu’ils avaient affirmé que si leurs candidatures étaient rejetées, il n’y aurait pas d’élections, on est amené à établir un lien de causalité entre ce coup de force et leurs déclarations.

Lors du putsch, des exactions ont été commises contre certains hommes politiques. Vous  avez appelé à la résistance et aviez même condamné le coup d’Etat. Avez-vous reçu des menaces ?

Personnellement, je n’ai pas reçu de menaces pour la simple raison que nos locaux sont des bureaux. Donc, ils n’ont pas pu s’informer pour savoir s’ils pouvaient nous attaquer  sur tel ou tel plan. Bien que des proches nous aient dit de nous mettre à l’abri parce que les principaux candidats étaient recherchés. Je n’ai pas reçu de menaces particulières, je n’ai pas été agressée  et notre parti  n’a pas fait l’objet d’attaque.

« Quand on est candidat à l’élection présidentielle, il ne faut pas fuir à la moindre difficulté »

 

Etes-vous restée à Ouagadougou où aviez-vous quitté la ville ?

 

Je suis restée à Ouagadougou. J’habite à Ouaga 2000 qui était l’épi- centre même des risques. La famille me disait de partir parce que l’attaque était imminente, mais j’ai refusé. L’armée régulière étant arrivée et  le peuple étant derrière l’armée, même si l’ex-Régiment de sécurité présidentielle avait la réputation d’être une armée d’élite,  bien équipée et bien formée,  je me suis dit qu’il y aurait peut-être moins de risques  d’autant qu’eux-mêmes  avaient déclaré qu’ils n’avaient pas pour objectif de se tirer dessus entre frères d’armes. Ils ont tout fait pour éviter l’affrontement. Cela a rassuré et on s’est dit que les uns et les autres allaient revenir à la raison pour éviter un carnage. Par ailleurs, quand on est candidat à l’élection présidentielle, il ne faut pas fuir à la moindre difficulté, même si certains diront que je ne suis qu’une femme. J’ai suffisamment de courage pour dire  qu’il faut que le capitaine reste dans le bateau après que les passagers ou l’équipage aient été sauvés.

Que pensez-vous de certains de vos concurrents   qui ont dû se cacher pour  fuir la furie des putschistes ?

 

C’est humain, c’est l’instinct de survie et moi je ne porte pas de jugement sur cela. Il y a ceux qui s’estimaient  plus importants  ou plus menacés que d’autres, et  moi je n’ai pas d’avis là-dessus.  C’est normal, car il fallait qu’ils se préservent pour justement continuer la lutte. Il ne faut pas non plus s’exposer, car on dit souvent que les héros dorment au cimetière. Si on veut mener la lutte jusqu’à la victoire, il faut rester raisonnable et préserver sa vie.

« La seule chose que je regrette au niveau des politiques, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de cohésion entre nous pour  qu’on puisse mettre en commun une stratégie de lutte »

 

Quel a été  le rôle particulier joué par les hommes politiques au cours de cette période pour faire échec au coup d’Etat ?

Nous avons été derrière les populations et je pense que tous les partis,  sans exception,  ont condamné le coup d’Etat. La seule chose que je regrette au niveau des politiques, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de cohésion entre nous pour  qu’on puisse mettre en commun une stratégie de lutte. On est parti séparément,  et chacun de son côté a fait ses déclarations. Dès l’avènement de ce putsch, j’ai d’ailleurs passé  des messages à certains pour demander ce que nous allions faire et voir s’il n’était pas judicieux qu’on se retrouve ensemble pour arrêter la conduite  à tenir face à la situation. Mais comme certains  se considèrent plus  « importants »  ou « grand parti », ils pensent que ….

Vous pensez à qui ?

Suivez mon regard… Ils s’estiment en  mesure de prendre des décisions au nom de tout le monde. C’est ce que j’ai regretté et  jusqu’à ce que la médiation arrive pour rencontrer les différents acteurs, je n’ai pas été informée alors que la veille, après mon message aux autres, on était ensemble quand on s’est réuni pour sortir un communiqué commun condamnant le putsch. Je m’attendais à ce que je sois approchée et qu’on me dise que la médiation est là, qu’on a rendez-vous tel jour et  à telle heure. Mais bon, ils ont préféré aller seuls et on les a présentés comme les héros de la résistance. Je crois que c’est votre journal qui a publié les photos des uns et des autres comme étant les héros de la résistance.

Comment avez-vous ressenti  cela ?

 

J’ai trouvé que ce n’était pas indiqué parce que les héros de la résistance sont ceux qui sont tombés ce jour-là.

Quelle appréciation faites-vous du dénouement de cette crise ?

 

C’est un grand soulagement et un sentiment de fierté pour le Burkina Faso, le peuple burkinabè et les forces loyalistes. La jeunesse a beaucoup fait, encore une fois, surtout dans les provinces où les jeunes étaient impatients que l’armée régulière vienne nous délivrer. Ils étaient régulièrement devant les camps militaires, demandant à l’armée de sortir ou alors qu’elle leur donne les armes pour qu’ils descendent sur Ouagadougou.  Les populations étaient déterminées à en découdre avec  les putschistes. Et lorsqu’on suit l’actualité au niveau africain, quand il y a un président qui cherche à tripatouiller la Constitution, c’est l’exemple burkinabè qui est vite cité. Donc, nous avons des motifs d’être fiers.

Par rapport à ce que vous venez de dire, êtes-vous  pour la condamnation systématique des coups d’Etat, même quand  des potentats  s’accrochent au pouvoir ?

Je fais un rapprochement entre les 30 et 31 octobre 2014 et le 3 janvier 1966. C’est la population qui s’est soulevée pour dire non à une gestion catastrophique. N’ayant pas de civil prêt à assurer la présidence,  on a dû faire appel à l’Armée, mais c’était pour une transition très courte. Lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre,  il n’y a pas eu de condamnation ferme de la communauté internationale parce que ce n’était pas un vrai coup d’Etat et c’est pourquoi elle a demandé que la Transition soit courte. Au départ, c’est Isaac Zida qui était le président de la Transition et la même communauté internationale a exigé que ce soit les civils qui assurent la présidence de cette Transition. Donc, il peut y avoir un mouvement populaire qui amène à changer un régime et si les civils sont en  mesure d’assurer la transition, c’est bon…

« Nous avons comme projet de société  l’intérêt général qui est de servir la population »

Pour aller au-delà du Burkina, quand la population aux mains nues n’est plus en mesure de déboulonner  un potentat comme on l’a vu au Burundi, et que l’Armée prend ses responsabilités en dégommant  ce dernier, n’êtes-vous  pas d’avis qu’on peut considérer cela comme un coup d’Etat béni ? Autrement dit, êtes-vous pour ou contre la condamnation  systématique des  coups  d’Etat quand il n’y a plus rien à faire ?

Un coup d’Etat peut  être «salutaire ». Quand le colonel Saye Zerbo  a fait son coup d’Etat, celui-ci avait été considéré comme salutaire. Mais il faut que cela soit dans l’intérêt des populations. Il faut que les politiques sachent que quand on veut diriger un pays, c’est dans l’intérêt du peuple ; ils ne doivent pas oublier qu’ils sont là pour servir le peuple. C’est cela qui crée certaines situations que nous déplorons  parce que les gens oublient parfois que c’est le peuple qui les a élus. Nous,  nous avons comme projet de société  l’intérêt général qui est de servir la population pour qu’on amorce un développement inclusif…

Pensez-vous, comme certains, que le démantèlement et la dissolution de l’ex-RSP ont permis au Burkina de parachever  son insurrection entamée les 30 et 31 octobre 2014 ?

 

Il était indispensable de restructurer cette élite. Le RSP n’était pas mauvais en lui-même mais, c’est son utilisation qu’il fallait revoir. Pour la tranquillité des populations et leur sécurité, il fallait le restructurer. Il faut  utiliser  les éléments pour d’autres missions  de protection du pays et des populations.

Est-ce à dire que pour vous, tant que le RSP était là, il constituait une menace pour le président qui allait venir ?

Oui, la preuve est qu’ils ont dévoilé leur vraie intention …  Voilà qu’ils ont fait ce coup d’Etat que tout le monde a  qualifié de bête. Ce qui n’est pas normal pour des officiers supérieurs de cette trempe.

 

Pensez-vous comme certains, que le jugement de Diendéré pourrait éclabousser certains candidats à la présidentielle ?

 

Si c’est le cas, pourquoi pas ? Chacun est responsable de ses actes présents ou passés. Surtout, dès lors  que c’est suffisamment grave pour mettre en péril la démocratie. Je pense qu’il faut aller jusqu’au bout mais le problème est qu’on a une échéance à respecter et la question est de savoir  s’il y aura suffisamment de temps pour mener des enquêtes qui permettront de situer les responsabilités.  Si on a les moyens de le faire, il faut aller jusqu’au bout. Et si cela éclabousse untel ou tel autre, qu’il reconnaisse sa responsabilité et se soumette à la Justice. Nul n’est au-dessus de la loi.

Connaissez-vous personnellement le général Gilbert Diendéré ?

 

Je ne le connais pas mais il est mon voisin parce qu’il a   un chantier  à côté de chez moi.  Et entre voisins, quand on se rencontrait, on se disait bonjour. Sinon,  je n’ai pas eu de relations particulières avec le couple Diendéré.

« Je mettrai cette sensibilité féminine à profit pour bien diriger le Burkina et instaurer une bonne gouvernance »

 

Quels sont vos atouts en tant que candidate ?

Mon atout est le projet de société dont nous avons hérité du MLN créé par le Pr Ki-Zerbo et ses compagnons de lutte.  C’est un vieux parti et les valeurs qui nous ont  été léguées sont toujours d’actualité. Sans le savoir, nous avons pu contourner certains obstacles.  Opter pour un regroupement d’indépendants  sous la dénomination de  Mouvement  de libération nationale (MLN) a été mûrement réfléchi.  Cela collait à l’actualité. On sortait de l’insurrection populaire qui  devait  rester une dynamique permanente, même après les élections. Nous nous sommes dit que nous sommes en train de nous battre pour une libération. Par conséquent, ce mouvement tombait à pic et nous n’avons pas hésité à  reprendre cette dénomination pour aller aux élections législatives et présidentielle.   Notre projet de société est progressiste. C’est un projet de société socialiste qui a  comme préoccupation, le bien-être du citoyen.  Partant de cela, nous nous engageons à travailler  pour la réalisation de ce bien-être.  C’est ce que j’aurai comme livre de chevet ou comme Bible si les Burkinabè m’accordent leur confiance à  la présidentielle.   L’autre atout est que je suis une femme. La  femme, c’est celle qui gère le foyer.  C’est elle qui connaît les problèmes des enfants,  qui sait quelles solutions prendre pour leur donner  le maximum de chances de réussir dans la vie.  Le Burkina,  pour moi,  est comme une famille  qu’il faut gérer.  Les femmes  sont de bonnes gestionnaires.  Je mettrai cette sensibilité féminine à profit pour bien diriger le Burkina et instaurer une bonne gouvernance. Parce que c’est ce qui a manqué jusque-là.  Nous avons suffisamment de ressources internes, propres, que nous pouvons  utiliser  de façon efficace.  Si cela ne suffit pas, il y a aussi l’international.  Le plus important, c’est d’avoir une bonne gestion de ce dont nous disposons et de fixer les priorités en ayant toujours  à l’esprit l’intérêt général, le développement de ce pays. Ne pas privilégier certaines zones par rapport à d’autres.  Le développement que nous prônons est un développement inclusif.  Nous allons amorcer la croissance et cette croissance,   nous la voulons inclusive.   Voilà le résumé de notre atout, et il sera diffusé au moment de la campagne électorale.

« Nous avons confiance que nous  serons au 2e tour »

 

Vous avez dit que votre parti est un vieux parti. Comment travaillez-vous à casser cette image de parti de « papys » qui lui collait ?

L’insurrection a suscité  une prise de conscience.  Les messages que nous passons  correspondent  aux  messages  que les gens attendent.  La population burkinabè est fatiguée de la gestion faite par le régime précédent. Les gens veulent le changement.  Dans les villages où on arrive, c’est ce qu’ils disent.  Qu’ils ne veulent  même pas faire du neuf avec du vieux.  Tous ces gens que vous voyez autour de nous ont été dans le système, mais ils  n’ont rien fait pour nous.  Nous n’avons jamais accepté de compromission.  Nous n’avons jamais participé à un gouvernement du régime antérieur. Donc, nous avons des compétences pour réaliser ce que nous disons.  Nous sommes un parti  propre.  Je n’ai rien à me reprocher. Je ne me suis jamais compromise dans quoi que ce soit. Je n’ai jamais profité  d’avantages particuliers, de quelque manière que ce soit.   L’équipe qui sera à mes côtés connaît ma rigueur.  Je  suis tellement exigeante envers moi-même que,  parfois,  les membres de mon équipe disent qu’ils  ont  intérêt à faire les choses  comme je  le demande. Je suis experte-comptable, donc je connais la gestion des entreprises.  L’équipe que je vais former sera informée des exigences  que  je veux pour que nous ayons une bonne gouvernance  afin  que ce que  nous reprochons aux autres, nous ne nous livrions pas à ces mêmes travers.  En clair, je veux travailler pour le Burkina.

On reproche  à votre parti d’être un parti de vieux. Travaillez-vous à corriger cela ?

 

Le parti a rajeuni.  C’est l’aile jeune qui a d’ailleurs  fait de la résistance à l’autre aile qui voulait  fusionner avec un autre parti politique. Ce sont les jeunes qui se sont levés  pour s’opposer à la  disparition du   parti. Au PDP/PS, nous avons fait l’insurrection avant les 30 et 31 octobre 2014 parce que sa jeunesse a  refusé toute fusion avec un autre parti. Ils ont dit que les aînés ont légué un héritage colossal, et ce faisant, fusionner avec des gens qui disent être de la même idéologie, recommande un peu de recul.   Pour eux, la prudence veut qu’on patiente  pour les voir à l’œuvre et s’ils  vont  dans le  même sens que  les  valeurs que nous prônons,  on peut à ce moment,  envisager un rapprochement…   Nous avons des textes. Ce n’est ni un  bureau, ni un individu, encore moins  un président  qui décide d’aller fusionner avec un parti.   C’est le bureau qui examine la faisabilité de la chose,  ensuite la soumet à un conseil et si le projet avance, on convoque un congrès  qui  décide de l’opportunité ou non de la fusion. Mais compte tenu de la pression qui  a été faite sur nos dirigeants, cette aile ancienne par rapport aux jeunes qui ont résisté,  a  pensé qu’il fallait signer un accord,  ce qui a occasionné la crise à l’interne. Nous voulons poursuivre l’héritage de Joseph Ki-Zerbo et ses compagnons.

Suivant l’idéologie de votre parti, seriez- vous  prête à faire alliance avec un parti comme le CDP, le MPP  en cas de 2e tour à  la présidentielle ?

Nous avons confiance que nous  serons au 2e tour.  Les électeurs, dans nos pays, ne tiennent pas  forcément compte  d’une idéologie.   Si nous sommes au 2e tour, nous sommes candidat pour l’ensemble des Burkinabè. On appellera tous les électeurs à faire la différence avec celui qui sera face à nous.  C’est un projet de société qu’il faut voter et pas  uniquement  une idéologie.  Ceux qui sont progressistes seront naturellement approchés…  Si je suis présidente, je serai la présidente de tous les Burkinabè, pas uniquement des partis progressistes car ceux qui vont suivre l’idéologie libérale,  sont aussi des Burkinabè.  Ils ont les mêmes besoins que tous les Burkinabè.

Quelles sont les raisons qui ont poussé votre parti à vous présenter comme candidate  indépendante?

 

Il y a  une frange ancienne  qui voulait la fusion du parti avec un autre. Donc, le parti devait disparaître.  Le groupe majoritaire qui est la partie jeune, a résisté pour éviter  cette fusion.   Compte tenu du fait que l’autre aile qui voulait la fusion  est  minoritaire,  il y a  eu un conseil qui l’a suspendue parce que ses partisans ont posé des actes contraires à nos textes.  Au lieu de s’amender, de reconnaître  qu’ils ont commis une erreur, ce qui est d’ailleurs normal quand on est censé être progressiste,  ils ont au contraire, durci leur position   parce que détenteurs du récépissé de reconnaissance. Quand la Transition a été ouverte, bien que suspendu, l’ancien président s’est précipité  pour déposer son dossier  parce qu’on voulait un représentant pour chaque  parti politique.    Normalement, nos textes disent que c’est le bureau qui doit se réunir et designer la personne qui va représenter le parti.   Notre ancien président a constitué son dossier et est allé le déposer,  aggravant du même coup son cas. Si on est suspendu d’un parti, on n’a plus   le droit de  poser des actes politiques au nom du parti.  Il y  a eu un congrès pour renouveler le bureau parce qu’il fallait un bureau pour continuer les activités  du parti. A cette occasion, l’ancien président et d’autres camarades ont été exclus du parti.  Néanmoins, il a été accepté comme représentant  du parti au CNT bien que depuis un an et demi, il n’y a jamais eu de réunion.  Cela aussi est  contraire à nos textes. On a eu affaire à un président qui ne convoque jamais de réunion pour donner des instructions  pour la marche du parti. Cela n’est pas normal.  Face à cette crise, si l’autre groupe n’avait pas réagi, c’aurait été la mort du parti.  Ne pas aller aux élections  était pour nous signer l’arrêt de mort du  parti.  Nous avons réfléchi et nous avons estimé qu’il fallait y aller, bien que certaines personnes aient dit  que le parti était très affaibli.  Nous avons repris le travail depuis deux ans  pour reconstruire le parti.  Nous avons travaillé sur le terrain auprès des militants et nous avons eu des listes pour les législatives.  Certains ont dit  que les gens ne vont pas nous prendre au sérieux  si on allait aux législatives sans aller à la présidentielle.  Nous avons  donc cherché  une candidature pour aller à l’élection présidentielle.

Avez-vous le soutien de madame Ki- Zerbo ?

 

Elle est informée régulièrement de l’évolution  des choses.  Elle est  la  présidente d’honneur du PDP/PS et nous y sommes toujours. Le MLN est  une composante du PDP/PS. Étant la présidente d’honneur, on ne peut pas ne pas l’informer de ce qui se passe.

Comment avez-vous réuni la caution de 25 millions de francs CFA ?

 

J’ai vendu une parcelle pour payer la caution.   Si je ne le faisais pas, on n’y serait pas allé.  Du coup, je n’ai plus de parcelle, mais j’espère que je serai à Kosyam. (Rires)

Vous n’avez pas de soutien extérieur quelconque?

 

Le problème est que rien n’était sûr avec cette crise à l’interne. La campagne devait commencer le 19 septembre,  mais elle a été interrompue par le coup d’Etat manqué. Sinon, nous avons reçu des engagements et nous  attendons qu’ils se concrétisent.

Etes-vous pour ou contre  la prolongation  du mandat de la transition ?

 

Non.  Dès le départ, j’ai,  dans les communiqués,  appelé les autorités   à communiquer sans plus attendre de nouvelles dates pour les élections.   La CENI est prête, la communauté internationale a fait des efforts pour nous appuyer.  On a perdu  des êtres chers,  on est souvent dans la douleur, mais il faut  continuer à avancer.  Comme la CEDEAO l’a recommandé, je ne vois pas ce qui va empêcher les élections   d’ici  le mois de novembre.

Quelles appréciations faites- vous de la Transition  telle qu’elle est menée jusqu’à présent ?

 

La Transition avait une mission bien précise : gérer la continuité de l’Etat,  assurer la gestion courante de l’Etat et préparer les  élections.  On était bien parti pour réussir  l’organisation des élections.   Bien qu’il y ait des difficultés, je peux dire qu’elle s’en sort honorablement.  Elle a hérité d’une situation financière difficile mais globalement, on peut dire qu’elle s’en sort honorablement.  Quant aux  dossiers judiciaires, je crois qu’il  y a eu des amorces.  Il y a certains dossiers qui ont été remis.  On peut dire que cela aussi est positif.

Avez-vous  quelque  chose à dire que nous n’avons pas abordé  ici ?

 

Je voudrais vous  féliciter  et vous exprimer  notre compassion par rapport à ce qui est arrivé à votre journal pendant le putsch.  Je voudrais aussi vous féliciter pour le travail que vous faites avec professionnalisme.  Vos journalistes ont été exemplaires pendant cette période de putsch.  Je vous encourage à  continuer ainsi.    Vous êtes l’un des organes qui nous consacrent assez de place dans vos parutions, tandis qu’il y a d’autres qui nous boycottent. Je souhaite que pendant la campagne électorale, on traite tous les partis politiques  de la même manière.

Propos recueillis par la rédaction et retranscrits par

 

Issa SIGUIRE


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