FRANCOPHONIE : Une femme au confluent de trois continents
“Veni, vidi, vici”. “Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu”. Michaëlle Jean aurait pu se sentir le droit de s’approprier cette phrase célèbre, mais sa modestie et son empathie l’ont plutôt poussée à proclamer sa disponibilité immédiate et son engagement tout entier au service de la grande famille francophone dont le ciment et le viatique sont la langue française. Ainsi, les lampions du 15e sommet de la francophonie se sont éteints en ce jour mémorable du 30 novembre 2014, non sans avoir projeté une lumière crue et forte sur cette dame qui, du haut de ses 57 ans, se dresse au confluent de trois continents : l’Amérique, pour avoir été gouverneure du Canada, l’Afrique où elle a profondément plongé les racines de ses origines, et l’Europe dont, par l’entregent de la langue française, elle a la culture.
Le décryptage de la désignation de Mme Jean se décline en plusieurs points : d’abord, elle vient mettre d’accord, dans une certaine mesure, tous les prétendants africains. Ils dansaient tous autour du trône, chacun nourrissant ce ferme espoir de s’y asseoir grâce au soutien de son mentor de président. Ce fut un combat épique, où toutes les armes étaient des plus discrètes aux plus grotesques permises, qui ne laissaient aucune place à la courtoisie. Mme Jean avait en face d’elle des gladiateurs presque tous aussi redoutables les uns que les autres, et elle savait que dans ce combat, c’est le mérite et non le genre qui est déterminant.
Mme Jean a fortement conscience que sa désignation est aussi un grand défi lancé à elle-même et à tout le genre féminin
La désignation et non l’élection de cette dame vient consacrer la cohérence et la cohésion des pays membres de la francophonie. En en prenant le gouvernail par la voie consensuelle, celle-ci fût-elle vraie ou factice, Mme Jean peut ne plus se sentir gênée aux entournures, du fait précisément de cet esprit œcuménique qui l’a portée au devant de la francophonie. Tout vote aurait laissé des traces indélébiles dans les cœurs. Parce que, dans l’histoire de la francophonie, c’est plutôt la culture du consensus qui rassemble et fortifie, et non celle du vote qui crée la césure et les frustrations.
Enfin, c’est assurément une grande première, de voir une représentante de l’autre moitié du ciel présider aux destinées de cet espace francophone qui compte 274 millions de locuteurs. De part son âge, la nouvelle secrétaire générale de la francophonie apporte de la fraîcheur à cette francophonie qui a besoin de se débarrasser d’une rouille de plus de quatre décennies. Sous cette angle, il faut espérer que Michaëlle Jean ne succède pas à Abdou Diouf qui a merveilleusement fait ce qu’il avait à faire, mais remplace le baobab sénégalais, pour le plus grand bien de notre langue commune. Mme Jean a le profil de l’emploi et elle peut réussir, parce qu’elle a fortement conscience que sa désignation est aussi un grand défi lancé à elle-même et à tout le genre féminin. A défaut d’être Antigone ou Jeanne d’Arc, saura-t-elle être l’amazone qui débarrassera l’organisation de toutes ses scories et résorber ses manquements et insuffisances ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
“Le Pays”
Mechtilde Guirma
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Un Kilililililili du Canada à Michael Jean. Le proverbe moagha le dit bien : «Quand ta mère est dans le groupe de partage de la nourriture dans une fête, cesse de t’inquiéter, car le gros morçeau sans os-là c’est pour toi» ({ef ma sân bé pwibin, bif vê lik toogo, ti néon bugrâ y’a fo n’so}» :
L’élection de Michael Jean représente plusieurs symboles pour nous africains-africaines et diaspora noire. D’abord, grâce à ces entités, la langue française survivra aux défis de ces temps. Ensuite les géniteurs de L’Organisation de l’Unité Africaine (devenue UA) sont des africains et ceux des Îles. J’ai nommé Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Cheick Anta Diop, Joseph-Ki-Zerbo, Théophile Obenga, le père Engleberg M’veng, le père Éla, pour ne citer que ceux-là. Quelle qu’elle fut leur adversité politique, ils laissent à la postérité un travail uniforme, cohérent qui nous permet, nous africains tant en histoire qu’en théologie, de nous redécouvrir.
Dans le deuxième symbole, nous n’oublions pas que les caraïbes faisaient parti de l’Afrique avant les dérives des Continents, de nos jours, elles sont un trait d’union entre l’Afrique et les Amériques. Donc Haïti, quand bien même elle semble plus américaine qu’africaine, elle a toujours ses pénates africains. Le proverbe moagha le dit bien : même si le buffle sauvage n’est pas un bœuf, sa trophée trône toujours et en premier lieu au panthéon des bovidés (wil péolog sân pa naf mé, à zug bé kimsê.
Troisièmement, au vu du thème de l’OIF cette année, Michaël Jean, est une figure emblématique du monde noir (Africain et diaspora confondu.). Elle répond donc de la généalogie (Roogho) des ancêtres de ce monde au sein de l’institution.
Enfin quatrièmement, (c’est le chiffre de la femme, je rappelle), on dit souvent, que derrière un grand homme, il y a une…Oh excusez-moi : «Derrière une grande Dame, il y a un grand Homme» : Merci à Monsieur Jean Daniel Lafond, qui toujours derrière son épouse, l’assiste en toute circonstance et en complémentarité, afin que les souhaits, les nobles objectifs visés par elle soient atteints.
À son Excellence Abdou Diouf, Guerguef boubarg. Peut-on s’étonner qu’il ait mené cette Organisation à son apogée ? Non, Dakar était la capitale du Français. Nos premiers manuels, nos premiers romans, poésies, cinémas africains viennent des Sénégalais. Par ces informations ici au Burkina (autrefois Haute-Volta), nous ne nous sentions pas du tout différents de ce peuple sénégalais. C’était comme si on avait toujours vécu ensemble. Excellence, vous ne vous êtes pas départi de cette accointance, de cette proximité. Merci pour tout Excellence : Né I tiingré la I bark zamé.
1 décembre 2014Mais nos attentes sont, certes, encore nombreuses, mais nous espérons qu’avec l’aide de Dieu, Madame Jean s’acquittera également de cette lourde tâche qui lui incombe, mais qui, sommes toutes, avec le soutient de tous, elle sera la plus légère possible et que les doléances des pays africains déjà esquissées par ses prédécesseurs trouvent enfin leur accomplissement.