HomeA la uneFUITE DU PRESIDENT DE LA CENI GAMBIENNE : Pain bénit pour le dictateur Jammeh

FUITE DU PRESIDENT DE LA CENI GAMBIENNE : Pain bénit pour le dictateur Jammeh


 

La première bourrasque politique de la nouvelle année a de fortes chances d’être enregistrée du côté de la Gambie. Et si l’on n’y prend garde, elle risque de tout dévaster sur son passage. Et pour cause. Le lunatique et sulfureux Yahya Jammeh ne fait plus mystère de sa volonté de s’accrocher à son fauteuil et ce, bien que le peuple souverain de la Gambie ait décidé, le 1er décembre 2016, d’opter pour l’alternance démocratique en accordant son suffrage à l’opposant Adama Barrow. Le dictateur avait surpris le monde entier en reconnaissant non seulement sa défaite, mais aussi en félicitant son rival. Mais cette période d’embellie démocratique, qui avait laissé croire qu’un dictateur de la trempe de Jammeh pouvait être contrarié par les urnes, est en passe d’être démentie par les faits. En effet, le président sortant, par une volte-face dont seuls les satrapes ont le secret, est revenu sur sa position en contestant la victoire d’Adama Barrow.

Jammeh est en train de préparer la plus grande imposture politique de ce début d’année

Ce faisant, il a déposé un recours en annulation devant la Cour suprême, des résultats de la présidentielle, prenant pour prétexte le fait que les chiffres ont été purement et simplement manipulés par des gens qui, selon lui, « ne craignent pas Dieu ». Il faut entendre par là naturellement les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) avec à sa tête le téméraire octogénaire, Alieu Momar Njai. Le deuxième acte, qui en dit long sur le projet funeste de Jammeh, est lié à ce qu’on pourrait qualifier de mise sous scellé du siège de la présidence de la Commission nationale électorale par des barbouzes fidèles au dictateur, empêchant ainsi le patron des lieux d’accéder à son bureau. Dans la foulée, on se rappelle aussi la sortie fracassante du chef d’état-major de l’armée, dans laquelle il n’avait eu aucune gêne à marteler qu’il roulait pour Jammeh parce que c’est lui qui assurait sa solde. Le troisième acte du même registre est le message que Jammeh a adressé à la nation à l’occasion du nouvel an. Dans celui-ci, en effet, il a bandé les muscles contre la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), allant jusqu’à affirmer qu’il se tenait prêt à faire mordre la poussière à cette organisation ouest-africaine, au cas où elle s’aventurerait dans une opération militaire contre son pays. Et pour ne pas arranger les choses, l’on a appris que le président de la CENI, qui avait mis un point d’honneur à ne pas changer de position à propos de l’identité du vainqueur du scrutin, a traversé la frontière pour trouver refuge au Sénégal, sous la pression et les menaces des sbires du satrape. A l’analyse, on peut dire que cette fuite est pain bénit pour le dictateur. D’abord, Jammeh pourrait interpréter cela comme un aveu de culpabilité de la part du patron de la Commission électorale. Et l’argument qu’il pourrait invoquer pour appuyer cette thèse, est que Momar Njai a préféré prendre la tangente pour éviter d’être confondu par le verdict que la Cour suprême prononcera, en principe, le 10 janvier prochain, suite au recours en annulation des résultats du scrutin qu’il avait déposé devant cette juridiction. Qui fuit donc son pays sans attendre le délibéré de l’instance en charge d’examiner les contentieux électoraux, s’accuse. Le dictateur pourrait se fendre d’une telle déclaration. Le deuxième argument auquel le dictateur pourrait recourir pour défendre sa thèse, est lié au pays où le patron de la CENI a trouvé refuge. A ce que l’on dit, il pourrait s’agir du Sénégal. Si cela est confirmé, Jammeh pourrait bondir comme s’il eût marché sur une dalle incandescente, pour dire ceci : « Voyez-vous bonnes gens, je vous avais dit que le président de la CENI ne craignait pas Dieu. La preuve, s’il en est encore besoin, est qu’il vient de trouver son salut dans un pays dont les dirigeants ne cachent plus leur intention de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Gambie ». Dans la foulée, il pourrait en appeler au nationalisme de ses compatriotes pour défendre par tous les moyens, la patrie menacée par une invasion de connivence avec des Gambiens appartenant à la 5e colonne. Et Jammeh n’aura pas innové en cela. Car tous les dictateurs, pour sauver leur trône, sont friands de ce genre d’arguments pour semer la diversion. De ce qui précède, l’on peut affirmer que le dictateur Jammeh est en train de préparer méthodiquement la plus grande imposture politique de ce début d’année. Et il a toutes les chances de la réussir.

Si Jammeh réussit son imposture, ce serait le requiem de la démocratie

En effet, l’on voit difficilement les membres de la Cour suprême gambienne contrarier la volonté du prince régnant. Cela est d’autant plus vrai que ces genres d’institutions, sous nos tropiques, dansent selon la cadence des dictateurs qui, d’ailleurs, les ont mises en place pour les accompagner dans leur vaste comédie. La reproduction du syndrome Paul Yao N’Dré, du nom du président du Conseil constitutionnel ivoirien sous Laurent Gbagbo, qui, on se rappelle, s’était assis sur les résultats de la CENI pour déclarer son mentor vainqueur, n’est pas loin d’être expérimentée en Gambie. Il revient donc à tous les démocrates d’Afrique, à la communauté internationale et plus particulièrement à la CEDEAO, de ne pas laisser triompher l’innommable et l’inqualifiable qui sont en gestation en Gambie. Car si Jammeh réussit son imposture, l’on peut craindre deux choses. La première pourrait être une répression tous azimuts et féroce du dictateur contre tous ceux qui ont porté la candidature de l’opposant Adama Barrow au point de lui permettre de réaliser le crime de lèse-majesté en humiliant le roi Jammeh par le suffrage universel. La deuxième chose pourrait être une démotivation et une désaffection totale des populations africaines vis-à- vis de la chose politique, surtout dans son volet électoral. En un mot comme en mille, ce serait le requiem de la démocratie et par voie de conséquence, le triomphe de l’arbitraire et de la barbarie. Tout le monde est donc prévenu. Et chacun doit jouer sa partition pour arrêter les choses pendant qu’il est encore temps, ne serait-ce que par compassion pour le malheureux peuple gambien ; lui qui, pendant plus de 2 décennies, a goûté à toutes les sauces de la dictature du clan Jammeh. Il ne faudrait surtout pas faire comme l’Union européenne qui a donné tout le temps à Bongo fils pour sécuriser le butin de son hold-up électoral, et ensuite sortir du bois pour verser des larmes de crocodile en mettant en cause la régularité du dernier scrutin présidentiel gabonais.

« Le Pays »


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