HomeBaromètreGOUVERNANCE DU MPP : « Il y a un sentiment de désenchantement et de déception », selon Olivier Kam

GOUVERNANCE DU MPP : « Il y a un sentiment de désenchantement et de déception », selon Olivier Kam


 

 

Ceci est le point de vue de Olivier Kam, étudiant de son état. Il dresse un sévère réquisitoire contre la gouvernance du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et en conclut qu’il y a « un sentiment de désenchantement et de déception ». Lisez plutôt pour en savoir davantage !

 

Le 31 octobre 2014, en plein milieu du jour, les Burkinabè ouvraient une nouvelle page de leur histoire, de manière presque inattendue et imprévisible, avec le départ forcé de Blaise Compaoré qui a passé 27 ans de sa vie à conduire la destinée de tout un peuple épris de justice et de paix.

Dès lors, la brise de démocratie qui soufflait désormais sur le pays des Hommes intègres, augurait, pour tous ses filles et fils, d’une ère nouvelle de liberté, de justice, de paix, d’équité et d’égalité pour un bien-être social qui eut fait l’objet d’hypothèque pour de nombreuses générations, sous le régime défunt.

Par conséquent, les premières lettres d’or qu’on aurait pu lire sur cette nouvelle page historique, devraient incarner tous les espoirs que l’insurrection populaire a suscités. Certes, on peut retenir le dictum du « Plus rien ne sera comme avant » qui, contrairement à ce qu’il pouvait représenter, a plutôt permis, l’euphorie populaire aidant, de couvrir une Transition qui se serait illustrée de la plus emblématique des manières dans l’art d’embastiller les espoirs naissants. Nul besoin d’épiloguer sur cette parenthèse de notre histoire, qui, à notre humble avis, n’était que de la poudre aux yeux. En effet, le populisme, la manipulation, le complot, la duperie, le clientélisme, les règlements de comptes n’ont pas permis de construire le socle d’un vrai nouveau départ au grand bonheur de tous les Burkinabè.

Pourtant, la Transition aurait pu poser des bases démocratiques solides, de sorte que « même si le diable en personne arrivait au pouvoir un jour, qu’il lui soit impossible de faire ce qu’il veut ». C’est la mission que s’était assignée le président ghanéen John Jerry Rawlings, à sa prise du pouvoir en 1979, faisant ainsi du Ghana un exemple de démocratie qui suscite l’admiration et force le respect au bénéfice du peuple ghanéen tout entier.

Mais si aujourd’hui, le régime du MPP semble être en manque d’inspiration face aux fortes aspirations sociales, il faut se douter que les raisons d’un tel échec résident dans le faux départ amorcé par la Transition dont certains acteurs incontournables étaient membres de cette formation politique.

Comment le président Roch Marc Christian Kaboré  est-il arrivé au pouvoir ?

Sous la Transition, il était coutume d’entendre dire qu’elle travaillait pour le MPP. Ce n’était, en effet, qu’une simple lapalissade. Sinon, tout observateur avisé ou tout analyste politique averti, à moins de souffrir de schizophrénie ou d’être frappé d’une cécité congénitale aiguë, comprenait aisément que tout était mis en œuvre pour favoriser un camp. Nous en voulons pour preuve, l’adoption d’un nouveau Code électoral, le 7 avril 2015 par le CNT, qui, avec le recul, traduit aux yeux de bon nombre de gens, l’expression évidente de la loi de la jungle qui est loin d’être démocratique. Le ressentiment, l’esprit de vengeance, la rancœur conjuguée avec le complot et la manipulation, ont conduit les apprentis sorciers de la transition à nous sortir de leur officine ténébreuse, une loi qui excluait nombre de Burkinabè de la course à la magistrature suprême, à l’occasion des élections couplées de novembre 2015. En ses articles 135, 242 et 166, la nouvelle loi excluait de la présidentielle, des législatives et des municipales, «toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement ». Curieusement, ceux qui ont conceptualisé et défendu vaillamment ce changement anticonstitutionnel dès les premières heures, n’ont pas été concernés par ces dispositions.

De plus, on se rappelle encore comme si c’était hier, que sous le régime du président Blaise Compaoré, la prise en compte du vote des Burkinabè de l’étranger pour les élections de la même période, ne souffrait d’aucun doute. En effet, le 2 novembre 2013, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Yipénè Djibrill Bassolé, procédait à Abidjan, au lancement de la carte consulaire biométrique qui devrait permettre à notre diaspora d’apporter sa contribution à l’édification et à la consolidation de notre jeune démocratie. Mais encore une fois, les envahisseurs de la caverne d’Ali Baba, ont fait le boulot pour que ce projet démocratique ne voie pas le jour. Ceci avait d’ailleurs suscité l’indignation de nos compatriotes en Côte d’Ivoire, à l’occasion de la mission du ministre de l’Administration territoriale sous la Transition, Auguste Denise Barry pour tenter de faire passer la pilule de l’impossibilité de prendre en compte leur participation aux échéances électorales de 2015. Ainsi, on a travaillé à écarter les adversaires sérieux de même que l’électorat “imprévisible et incontrôlable” pour ouvrir le boulevard qui a permis au président Roch Kaboré d’être porté au pouvoir par 1,6 millions de Burkinabè sur un potentiel électoral de près de 8 millions. Au regard de tous ces faits, on pourrait être partagé sur les attributs de ces élections qu’on a qualifiées, à tort ou à raison, de démocratiques, voire historiques.

Le pouvoir ayant ainsi été conquis, il faut maintenant le gérer

 

En deux ans de gestion du pouvoir par le régime du président Roch Kaboré, un certain nombre de constats peuvent être relevés.

Primo, le dictum du « plus rien ne sera comme avant » qui a servi d’opium pour endormir les consciences sous la Transition, semble avoir fait place à l’expression du « tout est pire qu’avant » que professent à raison certains de nos concitoyens. Il y a un sentiment de désenchantement et de déception assez perceptible à tous les niveaux, traduisant du même coup le regret. La théorie du « Pil n Panbé » semble se confirmer avec le sentiment d’avoir été dupé. On peut alors facilement se laisser gagner par la thèse de ceux qui estiment que le MPP s’est contenté de conquérir le pouvoir d’Etat, sans se donner les moyens de le gérer.

Secundo, un régime qui arrive après le contexte politique qui fut le nôtre pendant les 27 ans de règne de Blaise Compaoré balayé par l’insurrection populaire, doit savoir ce à quoi s’en tenir avec toutes les espérances que le soulèvement populaire a suscitées en termes de bien-être économique et social. Dans ces conditions, la machine gouvernementale qui doit porter les espoirs de tout le peuple, devrait être composée d’hommes d’expérience avertis, capables d’aller vite et bien. Mais au contraire, on s’est retrouvé avec un gouvernement composé en majorité d’apprentis qui n’ont pas encore fini, après deux ans de gestion, d’assimiler les règles élémentaires de l’Administration, voire de la gouvernance. On a l’impression que le devenir du pays a été scellé sur l’autel de considérations partisanes, de compromissions inutiles et d’intérêts claniques qui sont loin de canaliser toutes les énergies positives dans l’intérêt de toutes et de tous. Il ne faut donc pas s’étonner que nous soyons dans un immobilisme ambiant, faisant regretter à beaucoup un passé qui n’est pas loin.

Tertio, les tentacules des mauvaises pratiques qui ont constitué le ferment de l’insurrection populaire d’octobre 2014, sont en train de refaire surface de manière insidieuse et pernicieuse faisant en sorte que la désillusion nous renvoie à nos propres turpitudes. En effet, les comportements, les habitudes, les manières de faire et d’agir n’ont guère changé. Ce faisant, la corruption, le clientélisme, le favoritisme, le clanisme, l’exaltation du faux, la dévotion à la médiocrité, les attentats aux valeurs démocratiques, ont davantage plus de contenu dans un contexte où ils ne devraient guère avoir droit de cité. Le recul des libertés démocratiques (musèlement des adversaires politiques, interdictions de manifestations, tentatives de restriction de libertés syndicales et de déstabilisation de partis d’opposition) et la culture de la haine politique seraient devenus caractéristiques de la gouvernance actuelle. Par conséquent, il y a plus d’efforts qui sont faits en vue de conserver le pouvoir d’Etat en 2020 que de répondre aux nombreuses préoccupations de millions de Burkinabè. Dans un tel contexte, il devient difficile de sortir la tête de l’eau.

Du reste, ce constat établi nous impose l’urgence de sortir de l’impasse, si nous voulons donner une chance aux Burkinabè d’oser encore rêver que l’espoir suscité au lendemain du mouvement populaire d’octobre 2014, n’est pas définitivement ruiné, car il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Pour ce faire, les tenants du pouvoir actuel doivent franchir un nouveau pas, s’ils veulent faire mentir les prophètes de malheurs qui nous prédisent la géhenne de feu de l’enfer promise aux mécréants.

Cela s’entend d’une gouvernance vertueuse débarrassée de tout calcul politique, des pratiques moyenâgeuses fondées sur la justice sociale, le droit, l’équité et l’égalité. La paix sociale, l’unité nationale et la réconciliation n’auraient point de contenu si la justice des vainqueurs doit continuer à rythmer notre marche vers le progrès.

Le sursaut patriotique dont il est question aujourd’hui, implique que tous les Burkinabè, d’où qu’ils soient, se sentent acteurs, solidaires et bénéficiaires du progrès social et du développement économique que nous appelons de tous nos vœux. Sans cette nécessaire implication de tous à l’édification du projet de développement commun, nous serons tous punis du châtiment de Sisyphe.

C’est en cela que le premier magistrat de notre pays, du haut de sa tempérance, doit résolument engager notre destinée sur les sentiers d’une gouvernance fondée sur le respect des valeurs démocratiques, en vue de permettre à toutes les filles et à tous les fils du pays des Hommes intègres, de l’intérieur comme de l’extérieur, d’envisager l’avenir avec beaucoup plus de sérénité.

Olivier KAM

Etudiant en faculté de Lettres Modernes

[email protected]

 

 

 


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