HomeA la uneGROS NUAGES SUR LA TRANSITION : Quand le peuple burkinabè a mal à son armée

GROS NUAGES SUR LA TRANSITION : Quand le peuple burkinabè a mal à son armée


La transition politique vit aujourd’hui des moments très difficiles, à telle enseigne que son premier responsable en est arrivé à faire une adresse à la nation, le vendredi 10 juillet dernier. Celle-ci était très attendue par le peuple burkinabè. Mais elle n’a pas pour autant mis fin à l’angoisse dans laquelle se trouvent les populations, depuis que le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et la hiérarchie militaire auxquels se sont ralliés les partisans de l’ancien président, exigent le départ du gouvernement de tous les militaires, à commencer par le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida. Cette exigence sonne comme une menace sur la transition et sur le Burkina. C’est donc à juste titre que Michel Kafando parle de «tumulte des évènements». Malheureusement, la personne à qui il revient la tâche d’y mettre fin, c’est à dire le président du Faso, a avoué son impuissance à trouver une solution face à la situation. Il s’en est donc remis à un Cadre de concertation de sages qu’il a mis en place dans la foulée, dont les conclusions des travaux, qui sont attendues dès le début de cette semaine, pourront l’inspirer dans les décisions qu’il prendra pour sauver le pays d’un chaos éventuel.

Bien des Burkinabè sont dans l’ignorance des motivations réelles qui ont conduit le RSP et la hiérarchie militaire à exiger le départ de Zida

L’on peut déjà saluer le souci du président de parvenir à «un  compromis dynamique » en recourant à une large concertation pour dissiper les gros nuages qui planent sur la transition. Mais dans le même temps, l’on peut nourrir des appréhensions liées au fait que ce Cadre de concertation risque d’accoucher d’une souris et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, le recours à la formule des cadres de concertation qui n’est pas mauvais en soi, s’est toujours révélé improductif pour résoudre véritablement les problèmes politiques au Burkina. La meilleure illustration de ce constat est le Collège des sages. Cette structure, en effet, avait abattu un excellent travail pour tirer notre pays de la mauvaise passe dans laquelle il se trouvait, suite à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Une des propositions majeures de ce Collège était, entre autres, la dissolution du RSP. La suite est connue. Rien n’avait été fait dans ce sens. Ce manquement rattrape le pays aujourd’hui.

La deuxième raison qui nourrit nos appréhensions est liée au fait que chacune des deux parties en conflit, c’est-à-dire le RSP, la hiérarchie militaire et le camp de Zida semble n’être pas prête à lâcher prise. Dès lors, l’on peut se poser la question de savoir ce que peut faire Michel Kafando pour désamorcer cette bombe militaro-militaire, dont la probabilité qu’elle explose avant la fin de la transition est très forte. Cette bombe est d’autant plus préoccupante que bien des Burkinabè sont dans l’ignorance des motivations réelles qui ont conduit le RSP et la hiérarchie militaire à exiger le départ ici et maintenant de Zida et des autres militaires du gouvernement et ce, à trois mois seulement de la tenue des élections. Et pour ne pas arranger les choses, Michel Kafando n’en a pas pipé mot dans son adresse à la nation, laissant ainsi dame rumeur s’emparer de toute la cité. Mais l’on peut supposer que si Michel Kafando n’a toujours pas accédé à la requête de l’armée dont il est de par la Constitution, le premier chef, c’est qu’il pourrait n’avoir pas été convaincu par les arguments des détracteurs de son Premier ministre. Si cela est avéré, il devrait s’arracher les cheveux dans les jours à venir pour faire cohabiter la chèvre et le chou. Y parviendra-t-il ? L’on peut en douter au regard de ce qui suit : Yacouba Isaac Zida, peut-on se risquer à dire, avait été imposé à la transition, comme président du Faso, par des acteurs cachés dont l’ambition était de procéder à une révolution de palais. Il avait fallu toute la fermeté de la communauté internationale pour déjouer ce plan. Après cet échec, ces acteurs de l’ombre sont revenus à la charge en manœuvrant pour que Zida s’empare de la tête du gouvernement, à charge pour lui de jouer leur jeu. Seulement, l’on peut avoir l’impression que, chemin faisant, Zida a eu l’outrecuidance et la témérité de s’être émancipé de ses mandants, en posant certains actes et en tenant des propos susceptibles de porter atteinte à leurs intérêts. Dès lors, il était devenu un «traître» dont il faut se débarrasser au plus vite, pour qu’il ne franchisse pas la ligne rouge. Après donc l’effondrement du deal, il faut passer à l’action. Mais le faire sous l’estampille du seul RSP pourrait ne pas passer aux yeux de l’opinion nationale.

Ce qui préoccupe aujourd’hui, est de savoir comment sauver le Burkina d’un éventuel chaos

La trouvaille ingénieuse est de faire porter le dossier par l’ensemble de l’armée. Là aussi, l’on peut dire que même si l’emballage est plus présentable, il n’en demeure pas moins que l’exigence qu’il renferme peut être perçue comme un coup d’Etat qui ne dit pas son nom. Mais, même la République la plus digne du Gondwana ne peut accepter cela. Ce n’est donc pas le Burkina post-insurrection, qui a payé un lourd tribut pour se débarrasser de l’un des hommes les plus forts des Républiques bananières d’Afrique, qui va l’accepter « sans murmure ni plainte ». En réalité, cette exigence politisée de l’armée montre à souhait que le peuple burkinabè a mal à sa Grande muette. Et ce mal date de depuis 1966. Au fil des années, il s’est empiré. Seul un remède de type républicain peut le soigner. Tout le reste n’est que du saupoudrage. C’est pourquoi l’on peut parier que le renvoi éventuel de Zida et des autres militaires du gouvernement n’est pas une garantie que l’armée va désormais se consacrer à ses tâches, telles que définies dans la Constitution. Il le faut pourtant, si l’ambition des uns et des autres est de substituer au système Compaoré une démocratie forte. En attendant que cela se réalise un jour, l’on peut dire que pour le moment, c’est le RSP qui se frotte les mains, pour avoir réussi à faire en sorte que la question de sa dissolution ne soit plus à l’ordre du jour. Ce qui préoccupe, en effet, aujourd’hui, est de savoir comment sauver le Burkina d’un éventuel chaos. Cette éventualité pourrait être le fait « d’aventuriers mus par les forces du mal » pour reprendre les termes de Michel Kafando. Ce dernier a donc raison de dire « qu’ils en répondront devant l’histoire et devant les juridictions internationales ». Mais cet avertissement solennel pourrait ne pas les dissuader de passer à l’acte. C’est pourquoi l’on peut avoir envie de dire au président que le plus sûr moyen de conjurer cette éventualité est le peuple burkinabè. C’est le seul qui puisse apporter la réplique qui sied à tous ceux qui, pour préserver leurs intérêts, n’auront aucun scrupule à brûler le pays.

« Le Pays »


Comments
  • Je voudrais rappeler au Journaliste que le President n’a pas avoue son aveu d’impuissance pour prendre une decision. Il a seulement decide de donner une chance a la concertation. C’est donc une forme diplomatique qu’il a entrepris etant entendu qu’il est diplomate de carriere.

    Il l’a lui meme dit qu’il prendra sa decision en debut de semaine prochaine apres avoir recu le rapport. Attendons donc son adresse a la nation.

    Outre cela, vous avez aborde dans le sens que le peuple constitue le seul rempart contre les forces du mal afin d’empecher un retour de l’ancien systeme dont nous savons tous qu’il est a l’origine de cette sale manoeuvre. Ceci est net mais vous n’appelez pas de maniere explicite le peuple a etre debut pour barrer la route aux ennemis de notre peuple.

    12 juillet 2015
  • Il faut se resoudre a accepter l’evidence. le RSP n’a aucune charge valable contre Zida. Aucune. Pour cette raison meme Michel Kafando ne peut savoir ce qui se pase car il n y a pas de raison qui objectivement peut expliquer le desir du RSP, de la hierarchie militaire et du CDP et allies a demander le depart de Zida et des militaires du gouvernement.
    Pour cela, ce qu’il faut retenir est le fait que Zida et Barry sont les seuls empecheurs de tourner en rond du CDP et du RSP. le RSP et le CDP auraient aime rester comme avant avec la meme impunite, la meme gouvernance biaisee, les enveloppes garnis a tout vent et a toute occasion, et surtout le fait de se sentir rois. Zida et les militaires etaient ceux qui pouvaient garantir ce type de gouvernance. Malheureusement ils se sont montrer tres vite indisponibles. une autre chose est que le RSP ne peut tenter un coup de force a cause de ces militaires qui pourraient eux aussi avoir des soutiens militaires caches qui ne se sont pas exprimes jusque la mais qui rassurent Zida et Barry. au nombre de ceux-la, il y a toute la gendarmerie qui n’hesiterait pas a en decoudre avec le RSP.
    Zida et Barry sont donc l’impossibilite d’un coup d’Etat. il faut donc les affaiblir pour pouvoir augmenter la chance de succes du coup d’Etat qui pourrait survenir. de nombreux observateurs pensent a la volonte du CDP-Hierarchie militaire-RSP a travailler pour le CDP en vue du report des election. cela n’est pas en fait le cas. nous sommes en politique et l’explicite n’est pas ce qui doit etre retenu. le fait est la volonte de conduire a une prise en force du pouvoir par le RSP, soutenu par la hierarchie militaire, pouvoir qu’ils vont gentiment retransferer au CDP. Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent.

    13 juillet 2015
  • Très belle analyse, seul le peuple peut apporter une réplique cinglante aux pêcheurs en eaux trouble. Aujourd’hui le peuple et même l’armée sont des otages du RSP. Souvenez-vous de la manière dont le chef d’état major général des armées a été évincé par le RSP suivi comme des moutons de panurge par les autres corps de l’armée au profit d’un lieutenant colonel. Dans la stratégie militaire, Zida devait défendre des intérêts inavoués et inavouables et il l’a bel et bien fait au départ mais entretemps, l’infiltré a été retourné. Dès lors, on a juré sa perte! Lorsqu’on dit que l’armée exige le départ de Zida cela me fait rire; il s’agit du seul RSP car aucun officier des autres corps de l’armée ne peut oser contester la volonté du RSP. Sinon, il y a un chef d’état major général des armées qui seul doit être le porte voix de l’armée. Le RSP apparaît à nos yeux comme un monstre incontrôlé et incontrôlable qui dévore tous ceux qu’il est sensé protéger. On peut affirmer qu’il est même l’institution la plus importante de la république sinon comment comprendre que l’assemblée nationale ait été dissoute, le président destitué etc. et en ce qui concerne la dissolution du RSP on dit d’attendre les prochaines élections. C’est comme si un gardien devient plus important que son patron. normalement, si Blaise a été destitué, on devrait pourvoir dissoudre le RSP avait plus de facilité. L’appel au secours du président Kafando doit être entendu et le peuple doit se lever pour achever la révolution des 30 et 31 octobre!

    13 juillet 2015
  • Le président Michel ne peut que s’en prendre qu’à lui-même. En février, le RSP a déjà demandé la démission du PM et Kafando n’a rien fait. Pire, il demande une évaluation du RSP aux responsables même du RSP. Conclusion, le RSP doit demeurer et mieux, les moyens doivent augmenter.

    C’est qui la hiérarchie militaire dans tout ça? Diendéré, le chef d’état major des armées, le patron du RSP ne constituent pas la hiérarchie militaire au Burkina Faso. On veut nous faire croire que les militaires sont pour la démission du PM et pourtant, c’est faux. En réalité, notre armée est profondément divisé.

    Le président Michel est inconséquent envers lui et manque de fermeté. Il a intérêt à refaire un autre discours pour nous annoncer des mesures courageuses, mais pour cela, c’est la rue qui doit reprendre le dessus.

    En effet, dans son message à la nation, il demande à la population de se réapproprier son insurrection. Il demande aux partis politiques de remobiliser leurs troupes pour marches meeting.

    13 juillet 2015
  • Ne trouvez-vous pas louche que le RSP et l’armée soient unanimes sur un sujet unique ? Cela ne mê dit rien qui vaille !

    13 juillet 2015
  • Belle analyse de la situation. L’alliance RSP- Ancienne majorité et sa galaxie pour exiger la démission du PM et ce à trois de la fin de la transition, indique que cette dernière est véritablement en danger. Ça ressemble à un plan B, le plan A qui devait contrôler la transition avec à sa tête comme président Zida ayant échoué.

    13 juillet 2015
  • A être trop sage on devient stupide et lâche. Si les politiciens pensent qu’en ménageant Séjan et la garde prétorienne, ils garantissent leur sécurité, ils se leurrent. Séjan et sa garde prétorienne toujours là, c’est eux qui vont décider de qui a eu les élections ou pas.Il suffit qu’ils contestent les résultats si ça ne les arrangent pas et nous voici partis pour des crises sans fin.Il faut que le peuple se soulève cette fois contre Séjan et sa garde prétorienne et qu’on règle le problème une fois pour toute.Si Séjan et la garde prétorienne gagnent le combat, alors qu’ils gouvernent comme bon leur semblera, mais si c’est le peule qui gagne, qu’ils disparaissent à jamais de notre univers! Femmes à vos spatules!

    13 juillet 2015
  • Lepays, on n’a pas d’armée.C’est une bande d’affairistes en armes et de trafiquants de tous ordres.Heureusement qu’on est assez loin des base de Boko Haram sinon il y a longtemps que Aboubakar Shakau logeait à Kosyam avec un harem de 1000 femmes burkinabè.

    13 juillet 2015
  • Le RSP dit avoir des preuves contre zida après avoir arreter des elements RSP et actuellement sont en detention au camp naabakoom pourquoi ne pas les livrés à la gendarmerie pour un interrogatoire.

    13 juillet 2015
    • Très belle analyse de la situation burkinabè. Je salue sincèrement le professionnalisme de votre Groupe de presse. Sans défendre le Premier Ministre, personnellement moi je trouve très incompréhensible et même problématique et la position actuelle de la Haute Hiérarchie de notre Armée que je respectait. Dites-moi, y a t-il une différence entre l’Armée et le RSP. Aussi, la Haute Hiérarchie de l’Armée est t-elle obligée vaille que vaille d’épouser les positions mêmes fatales du RSP.

      14 juillet 2015
  • Très belle analyse de la situation burkinabè. Je salue sincèrement le professionnalisme de votre Groupe de presse. Sans défendre le Premier Ministre, personnellement moi je trouve très incompréhensible et même problématique et la position actuelle de la Haute Hiérarchie de notre Armée que je respectait. Dites-moi, y a t-il une différence entre l’Armée et le RSP. Aussi, la Haute Hiérarchie de l’Armée est t-elle obligée vaille que vaille d’épouser les positions mêmes fatales du RSP.

    14 juillet 2015
  • Il n’appartient pas à quelques responsables militaires de dicter ce que le gouvernement doit faire. Ces responsables savent bien qu’en fonction de leurs passés, ils devront bientôt faire face à la justice, et c’est ce qu’ils veulent éviter même s’il faut déstabiliser tout le pays. Les hommes politiques sont préoccupés par la campagne électorale si bien qu’ils ne se soucient même pas des problèmes du pays. Il faut qu’ils sachent que s’ils ne s’impliquent pas pour résoudre le problème du RSP, il risque même de ne pas y avoir d’élections. Il suffirait d’un mouvement d’humeur du RSP pour remettre tout à zéro.

    14 juillet 2015

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