HomeA la uneHOLLANDE CHEZ BOUTEFLIKA : Alger vaut bien plusieurs virées élyséennes

HOLLANDE CHEZ BOUTEFLIKA : Alger vaut bien plusieurs virées élyséennes


 

« Les relations entre la France et l’Algérie peuvent être bonnes ou mauvaises. En aucun cas, elles ne peuvent être banales ». Ce constat fait par Abdelaziz Bouteflika, l’actuel chef de l’Etat algérien, remonte à 1974 et tient encore la route en 2015. A l’époque,  Bouteflika était un jeune ministre des Affaires étrangères d’une Algérie qui se voulait le fer de lance du tiers-mondialisme.  Aujourd’hui, devenu président et ce, depuis 1999, Bouteflika est à son quatrième mandat.

C’est dans ce contexte qu’il a invité le président français, François Hollande, pour une visite « éclair» à Alger, le lundi 15 juin 2015. Une visite éclair que la diplomatie a considérée comme étant fondamentalement politique. En prélude à cette visite, les proches de Hollande sont très lyriques dans l’appréciation de la relation franco-algérienne : « Exceptionnelle », « elle n’a jamais été aussi sereine et confiante ».

Au fait, qu’est-ce qui fait courir tant François Hollande depuis son arrivée à l’Elysée en 2012 ? Depuis cette année-là, le ballet diplomatique entre Paris et Alger est intense : deux visites d’Etat ; quatre visites ministérielles. Avant de répondre à cette question, il semble utile de rappeler certaines réalités. Chaque président français a toujours eu sa méthode, ses initiatives, ses choix sur les relations avec l’Algérie. Le général de Gaulle, au lendemain de l’indépendance algérienne, avait donné le ton avec son envie de faire de la relation franco-algérienne, “le symbole d’une nouvelle forme de coopération post-coloniale exemplaire”.

Depuis l’indépendance, les relations entre la France et l’Algérie poursuivent une histoire compliquée. Elles sont faites d’attraction et de répulsion, de crise et de progrès, de passion et d’agacement. Entre la France et l’Algérie, c’est une histoire de couple marquée par trop de traumatismes, de nombreuses blessures, de cadavres  et de rixes, mais aussi de profondes interpénétrations de populations et cela, parce que les deux pays n’ont pas pu régler au mieux leur contentieux colonial. Aujourd’hui, l’Algérie apparaît comme la mauvaise conscience de la France, si fait que cette dernière ferme les yeux sur certains sujets qui fâchent ; notamment les problèmes de démocratie qui marquent encore certains pans de leur histoire commune tumultueuse. Ceci explique-t-il cela ? Il faut simplement retenir que, malgré tout, les liens entre les « frères ennemis » se maintiennent vaille que vaille. Ces deux pays ont-ils le choix, quand on connaît leurs liens séculaires, leurs relations basées sur des fondements historiques très forts ?

L’Algérie est un partenaire de premier plan pour la France

Dans les faits, la France ne peut pas se passer de l’Algérie ; et de toutes les anciennes colonies, l’Algérie est la seule que l’Elysée traite avec beaucoup de respect et de considération. De façon caricaturale, le président français  ne parle pas aux autorités algériennes comme il le ferait avec celles des pays comme la République démocratique du Congo ou la Centrafrique. Autrement dit, la France tourne sa langue soixante-dix-sept fois sept fois avant de parler à l’Algérie.

Maintenant, que dire de la visite éclair de Hollande à Alger ? Selon la présidence algérienne, les deux chefs d’Etat devraient aborder des questions « relatives à la sécurité et à la paix en Afrique et au Moyen-Orient, ainsi qu’à la coopération multilatérale mondiale». Les sujets abordés sont, entre autres, l’économie, la sécurité, la lutte contre le terrorisme. Les deux pays y ont fortement intérêt. Aujourd’hui, il est plus que jamais question de renforcer les échanges commerciaux entre Alger et Paris. Sur le plan économique, la France est en train de perdre (si ce n’est déjà le cas) la bataille de la concurrence face à un nouvel arrivant comme la Chine, en Algérie. Concrètement « la France veut récupérer le rang de premier fournisseur de l’Algérie, perdu en 2013 au profit de la Chine. Paris, qui exporte notamment des céréales, des médicaments et des voitures, est actuellement le deuxième partenaire de l’Algérie avec des échanges s’élevant à 10,5 milliards d’euros en 2014 ».

Sur le plan sécuritaire, l’Algérie est un partenaire de premier plan pour la France. Car non seulement elle est le carrefour de plusieurs situations chaotiques (Mali, déstabilisation du Sahel par la crise libyenne notamment), mais encore parce qu’elle dispose de réseaux et de capacités politiques, stratégico-militaires indispensables dans la croisade contre les islamistes de tout  acabit.  Quant à la France, elle sait que l’Algérie est d’un secours très important dans la lutte contre l’islam radical. Au menu des débats, Français et Algériens ont dû aborder la mort éventuelle du chef jihadiste, Mokhtar Belmokhtar, lors d’un raid aérien mené par l’armée américaine.

Si la mort de ce redoutable islamiste se confirmait, ce serait une victoire importante pour Paris et Alger. Français et Algériens ont tout à gagner dans une coopération toute spéciale, en dépit des susceptibilités créées par l’histoire coloniale.

Michel NANA


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