IDRISSA TRAORE DIT SABOTEUR, ENTRAINEUR LES ETALONS LOCAUX : « Je suis le plus gradé de tous les entraîneurs du Burkina»
Figure légendaire du paysage footballistique burkinabè, Idrissa Traoré dit Saboteur est connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche. Et il en a donné une nouvelle foi la preuve, lors de l’interview qu’il nous a accordée le mercredi 20 septembre 2017. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y va pas de main morte. Lisez plutôt !
Le Pays : après votre brillante qualification pour le CHAN, comment préparez-vous le rendez-vous de Nairobi 2018 ?
Idrissa Traoré : d’abord, permettez-moi de remercier et de féliciter tous ceux qui ont contribué à cette qualification. Ce n’est pas le travail d’un seul individu, mais celui de tous les Burkinabè qui, de près ou de loin, nous ont aidés. Je vais commencer par les joueurs eux-mêmes, mes collaborateurs directs, mon adjoint, l’entraîneur des gardiens, le médecin, le kiné, le président de la Fédération burkinabè de football, (FBF) Sita Sangaré, et tout son staff. Je dois également remercier l’ambassadeur, le général Zagré, qui était à nos côtés, le consul du Burkina Faso à Kumasi, M. Kambiré, le chef de la communauté mossi à Kumasi ainsi que toute la colonie burkinabè résidant à Kumasi qui, depuis notre arrivée, s’est mobilisée pour nous réserver un bon accueil. Ces supporters montaient la garde à tour de rôle devant notre hôtel, pour nous sécuriser. Le jour du match, ils sont venus en grand nombre vêtus du maillot du Burkina Faso, pour soutenir leur sélection nationale. Maintenant, en ce qui concerne notre préparation, j’ai déjà soumis un programme de préparation à la Fédération. Normalement, en octobre, il est prévu un regroupement de prise de contact de quatre à cinq jours. Notre objectif est de conserver à quelque deux ou trois éléments près, la même ossature qui nous a ramené la qualification du Ghana. Je le dis parce qu’il y a certains qui sont allés faire valoir leurs talents sous d’autres cieux. Je veux parler de notre avant-centre Lassina Traoré et de Adama Barro. Sur les onze titulaires qui avaient pris part à la rencontre face au Ghana, deux ne font plus partie des nôtres. Il faut donc prévoir leur remplacement. Nous allons tourner autour du groupe qui est parti à Accra et voir dans quelle mesure nous allons le renforcer davantage. Avec l’appui de la FBF et du ministère des sports, nous comptons nous préparer dans les meilleures conditions pour aborder le plus sereinement du monde ce CHAN.
Certains ne vendaient pas cher la peau des Etalons locaux. Malgré cela, vous avez réussi un exploit. Est-ce une revanche sur vos détracteurs ?
Non, je ne le pense pas. Vous savez, il y a beaucoup de personnes qui ne savent rien du football. Du moins, ceux qui connaissent les règles de cette discipline, ne dépassent pas 10% de la population. Ce sont des gens qui ne savent pas analyser un match de football et qui se basent sur des faits subjectifs. Soit Pierre ne me plaît pas, je suis contre Paul, je ne veux pas que Paul ou Jean réussisse ou que la structure fédérale réussisse. Donc, ce sont des choses comme cela qui existent dans le milieu. Ce n’est pas uniquement dans le milieu du football. Dans la majeure partie des cas, les Burkinabè ne cherchent pas à copier les autres pour progresser. Dans certains pays, quand tu émerges, tu deviens un exemple pour les autres qui cherchent à te copier. Mais ce n’est malheureusement pas le cas chez nous où les gens sont prompts à te tirer vers le bas. C’est ce genre d’attitude qui est à la base de nos difficultés actuelles. Sinon, quand j’ai analysé le volume du jeu produit par mon équipe lors du match aller, j’étais en droit d’être optimiste quant au résultat final. J’ai communiqué cette foi à mes enfants, en leur faisant comprendre que cette équipe ghanéenne était prenable à domicile. Quand nous sommes arrivés au Ghana, j’ai procédé à des réaménagements techniques. Mon latéral gauche qui avait joué à l’aller, a été remplacé par Herman Nikiéma. Dans l’axe central, j’ai aligné Ismaël Zagré. Au milieu du terrain, j’ai opté pour Guiro et en attaque, j’ai choisi Adama Barro dit Titoff. J’ai remplacé les quatre joueurs qui ne m’avaient pas donné entièrement satisfaction lors du match aller par ces éléments-là. Cela a eu le mérite de déjouer les plans de l’équipe adverse qui, au vu du match aller, a pensé qu’on ne pouvait pas avoir des joueurs aussi forts et talentueux que ceux qui existaient déjà. Les enfants ont été préparés sur le plan mental et psychologique, pour aborder cette rencontre. C’est avec un esprit de conquérant qu’ils ont abordé tambour battant, la rencontre. Dès la 7e minute, on menait déjà au score. Après cela, nous avons marqué un second but à la 20e minute. A la mi- temps, le score était de 2 buts à 0. Le reste de la rencontre s’est déroulé sans grand dommage pour nous, parce que les joueurs avaient respecté les consignes qu’on leur avait données.
« A l’heure où je vous parle, je suis le plus gradé de tous les entraîneurs du Burkina Faso »
D’aucuns estiment qu’il est difficile de travailler avec vous. Qu’en pensez-vous ?
Très bien. Vous savez, tous ceux qui m’ont connu depuis la Haute-Volta jusqu’ au Burkina Faso aujourd’hui, savent que je suis un homme de rigueur. Je ne suis pas venu dans ce métier comme un cheveu sur la soupe. J’ai été d’abord footballeur dans toutes les catégories (cadette, junior et senior) avec l’équipe des fonctionnaires de Bobo-Dioulasso. Ensuite, je suis venu à Ouagadougou pour jouer avec l’équipe de la Jeanne d’Arc qui est aujourd’hui l’ASFA Yennenga et où j’étais le capitaine. Après, j’ai joué dans l’équipe nationale. A l’époque, notre entraîneur était le regretté Guy Favré qui avait aussi entraîné l’Asec Mimosas d’Abidjan. Avec lui, nous avons participé à beaucoup de campagnes africaines. Nous avons même joué contre l’Olympique de Marseille en avril 1967 au stade Vélodrome, contre Magnusson Skobblar. C’est pour vous dire que j’ai fait ma carrière de footballeur aussi bien en club qu’en équipe nationale. Et c’est pendant que j’étais en équipe nationale que j’ai eu mes deux premiers diplômes d’entraîneur. De nos jours, rares sont les joueurs encore en activité, qui ont pu réaliser cela. A l’époque, on appelait cela des diplômes de 1er et 2e degrés. Aujourd’hui, le diplôme de premier degré équivaut à la licence C et celui du deuxième degré à la licence B. Quand j’ai arrêté d’entraîner, j’ai bénéficié d’une bourse allemande à l’issue d’un stage qui a regroupé plusieurs entraîneurs locaux. Le président de la Fédération burkinabè de football d’alors, Bobo Adrien Tapsoba, avait donné des instructions fermes afin que cette bourse soit attribuée au plus méritant. Ayant été désigné major de cette promotion, c’est le plus naturellement du monde que cette bourse m’a été attribuée. Je profite d’ailleurs de votre micro pour rendre un vibrant hommage à ce monsieur, car il pouvait magouiller pour remettre cette bourse a un de ses parents. Il était de Saponé. Mais il ne l’a pas fait, parce que c’était un homme de rigueur. Par cet acte, il venait de transmettre un message très fort à l’endroit de tous ceux qui aimaient tremper dans la facilité et la manipulation. Depuis ce jour, j’ai été interpellé dans ma conscience. Quand je suis rentré de ma formation en Allemagne d’où je suis sorti encore une fois major, j’ai entraîné le Kadiogo FC avec lequel je suis arrivé en demi-finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions en 1978. C’est d’ailleurs avec moi qu’une équipe de la Haute-Volta à l’époque, arrivait pour la première fois en demi-finale des clubs. Et après, j’ai pris l’équipe nationale avec laquelle j’ai qualifié le Burkina Faso pour la première fois à la CAN 1996 sur le terrain. Je dis bien sur le terrain, parce que notre qualification en 1978 à Accra, n’avait pas été acquise sur le terrain. Elle était intervenue à la suite de la disqualification de la Côte d’Ivoire pour un cas de fraude. Cela s’était passé sous l’ère Kablan Sampon qui entraînait les Eléphants de Côte d’Ivoire. C’est pour vous dire que mon parcours a été linéaire. J’ai été footballeur et ensuite j’ai obtenu tous les diplômes. Après ma licence A en 1980, j’ai passé le diplôme d’instructeur FIFA /CAF avec l’Ivoirien Yéo Martial. Aujourd’hui, j’ai non seulement la licence allemande, mais également la licence CAF de la Confédération africaine de football. Je suis titulaire du diplôme d’instructeur de la FIFA/CAF, et j’ai la licence professionnelle de la FBF. Je vous informe par ailleurs que je suis le seul entraîneur au Burkina, à avoir le diplôme de la licence professionnelle. A l’heure où je vous parle, je suis le plus gradé de tous les entraîneurs du Burkina Faso. En plus de cela, j’ai entraîné de grands clubs comme l’Asec d’Abidjan. Et vous êtes d’accord avec moi que ce n’est pas n’importe qui qui peut entraîner l’Asec. Mais moi, je l’ai fait de 1986 à 1988. Et une seconde fois en 2002. J’avais sous ma responsabilité, des joueurs comme Mamadou Zaré, Aboubacar Ndiaye, Kassy Kouadio Lucien et autres. Après cela, j’entraînais le Djoliba de Bamako quand Me Roger Ouegnin, le président de l’Asec, m’a encore rappelé pour venir entraîner le groupe des Baky, Romaric etc. Avec cette bande de gamins, nous sommes arrivés jusqu’ en demi-finale de la ligue des champions. J’insiste encore une fois pour vous dire que ce n’est pas n’importe qui qui peut entraîner l’Asec d’Abidjan, deux fois de suite. Après l’Asec, j’ai aussi entraîné le stade d’Abidjan, le Sporting club de Gagnoa. J’ai été désigné meilleur entraîneur de Côte D’Ivoire. J’ai entraîné en Tunisie. J’ai aussi entraîné le Djoliba de Bamako, la JS Ténéré du Niger où j’ai fait le triplé. J’ai entraîné l’équipe nationale du Niger et celle de la Centrafrique. J’ai entraîné deux fois au Gabon où j’ai remporté la coupe du Gabon. J’ai aussi été le directeur de l’académie de football du Gabon, qui appartient à la famille Bongo, jusqu’en 2012. Si vous regardez mon cursus, d’abord en tant que footballeur et ensuite en tant qu’entraîneur sur les plans national et international, vous ne pouvez pas affirmer que c’est difficile de travailler avec moi. Ce sont les incompétents qui ne peuvent pas travailler avec moi. Vous savez, celui qui est compétent veut toujours travailler avec ceux qui excellent. Si tu ne t’inscris pas dans cette dynamique, tu ne peux pas travailler avec moi. Par exemple, si vous êtes professeur et que vous avez des assistants qui ne sont pas compétents ou qui sont paresseux, vous allez les mettre de côté pour avancer avec ceux qui répondent à vos attentes. Moi, je suis un homme de rigueur et j’aime les gens qui sont compétents, qui aiment le travail. Je ne suis pas dans les magouilles ni les combines. Je ne suis pas non plus le type d’entraîneur à qui on fait de petits cadeaux dans l’optique de prendre son cousin, son frère, son beau-frère dans l’équipe nationale. Et vous savez que chez nous au Burkina Faso, si tu ne fais pas cela, on dit que tu es difficile et compliqué. Voilà le problème. Sinon, depuis que j’exerce ce métier, j’ai toujours obtenu de bons résultats. Tant sur le plan national qu’à l’international. Cela est dû à ma rigueur dans le travail. Tous ceux qui m’ont abordé dans le cadre du travail, savent que je suis un professionnel.
Est-ce que vous pensez souvent à la retraite ?
(Il s’énerve). Ce n’est pas une question que vous devriez me poser. Est-ce que ce que je fais présentement est bien pour le pays ou non ? Répondez moi ! Ne me posez pas ce genre de question.
Que pensez-vous de la décision de la FIFA de faire rejouer le match Sénégal/Afrique du Sud ?
Dans la forme, je peux dire que c’est une décision qui n’est pas élégante. Surtout après la double confrontation Sénégal /Burkina Faso. C’est comme s’il y a quelque chose qu’on nous cache. C’est un acte prémédité. Ces personnes pensaient que le Sénégal allait nous battre. Mais comme cela n’a pas été le cas, elles ont dû revoir leur stratégie. Maintenant, dans le fond, du point de vue du droit, la commission qui a tranché n’était pas habilitée à le faire. C’est une autre commission qui devait le faire en lieu et place de celle-ci, selon les textes de la FIFA. Compte tenu de toutes ces irrégularités, cette décision, de mon point de vue, est sans effet. Le tribunal administratif du sport doit normalement annuler cette décision qui ne relève pas de la compétence de ceux qui l’ont prise. Ce n’est même pas valable du point de vue du droit.
Que pensez-vous du travail des journalistes sportifs burkinabè ?
Bon, d’une manière générale, je pense que vous travaillez avec les moyens de bord. C’est-à-dire que sur le plan matériel, il faut reconnaître que vous faites de gros efforts parce que beaucoup d’organes n’ont pas assez de moyens. Cela, il faut le reconnaître. On doit vous encourager pour cela, car vous faites plus qu’il n’en faut. D’abord, vous ne disposez pas de moyens adéquats pour faire le travail de façon professionnelle, comme on le constate dans certains pays. Mais malgré la précarité des moyens, vous réussissez à faire plus que ceux qui disposent de gros moyens. Il faut que les journalistes sportifs soient mis dans de bonnes conditions sociales. C’est-à- dire que vous devez avoir un bon salaire de sorte à ce que vous puissiez faire votre travail sans tremper dans la compromission et les combines. Parce que quand une personne n’est pas à l’aise dans ce qu’elle fait, elle devient vulnérable et peut succomber à la tentation. Cela dit, il faut aussi que vous soyez objectifs dans vos écrits. C’est ça le rôle de la presse. Etre objectif, donner l’information sans parti pris. Vous êtes comme des magistrats. Car, tout comme le magistrat qui ne doit pas prendre de décision de façon légère, la presse ne doit pas non plus publier des informations tendant à nuire une tierce personne sans avoir vérifié au préalable si l’information est juste. Vous devez comprendre que vous avez un rôle sacré dans l’éducation, l’information et la formation du peuple. Ce sont ces conseils que je peux vous donner parce que si la presse n’est pas objective, cela peut conduire à des incompréhensions, des frustrations, des conflits sociaux voire régionaux dans un pays. Sinon, quand je compare la presse d’aujourd’hui à celle de notre époque, je me rends compte que vous avez énormément évolué. Mais cela ne doit pas vous empêcher de toujours chercher l’excellence. Pour cela, il va falloir que vous fassiez des recherches pour vous améliorer. Moi-même, en tant qu’universitaire, je continue toujours à faire des recherches. Vous le constatez vous-même à travers mes différentes publications. Alors que depuis 1975, j’ai soutenu avec brio ma thèse de doctorat. Pour me résumer, je dirais encore une fois que je suis un homme de rigueur et de défis. Vous savez, quand vous faites le pourcentage, vous constaterez que sur 100 personnes, celles qui travaillent avec objectivité et rigueur, n’atteignent pas cinq. Le reste qui est majoritaire, n’est qu’une bande d’incompétents. C’est ce qu’on appelle la loi du milieu en criminologie. Ce sont des personnes qui parlent, mais qui ne savent rien ou qui savent mais sont de mauvaise foi. Dans le domaine du football en particulier, si vous faites un sondage dans toutes les grandes villes du pays, vous remarquerez qu’il y a des comités qui me soutiennent. C’est aussi pareil dans tous les quartiers de Ouagadougou. Si je suis toujours en activité, c’est grâce au soutien de toutes ces personnes qui continuent de me témoigner leur amour.
Ce sont les incompétents qui ne peuvent pas travailler avec moi.
Les dernières élections à la FBF se sont déroulées dans une atmosphère très tendue. Pensez-vous que cela est propice au rayonnement du football burkinabè ?
Je vous remercie pour la question. Non, je ne le pense pas. Nous sommes en démocratie. Même le président actuel, Roch Marc Christian Kaboré, n’a pas obtenu le suffrage de tous les Burkinabè. Mais cela ne l’empêche pas d’être le président de tous les Burkinabè. C’est cette notion de démocratie que nous devons cultiver. Dès lors que le président Sita Sangaré a été élu comme le président de la FBF, tous ses adversaires doivent se soumettre à la loi de la démocratie et suivre le mouvement sportif afin qu’ on puisse aller de l’avant. Mais quand ceux qui ont perdu les élections se rétractent et crient au loup avec souvent la complicité de la presse qu’ils manipulent à souhait pour dire que ça ne va pas, je dis que c’est bien dommage. Dans l’histoire de notre pays, le président Sita Sangaré est le premier président de fédération à conduire les Etalons à une finale de la CAN. C’était en 2013. Tout récemment, il a occupé la troisième place à la CAN au Gabon. Il y a d’autres faits qui sont à mettre à son actif. C’est la preuve que son bilan parle pour lui. Sans oublier qu’il a révolutionné le football féminin dans notre pays. Pareil pour le championnat des jeunes. Depuis son avènement à la tête de cette institution, les formations au niveau des entraîneurs, des arbitres, de la médecine sportive sont monnaie courante. Il a même organisé des séminaires à l’intention de la presse. Des conventions ont été aussi signées avec certains pays, notamment le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Gabon, etc. Je suis dans le milieu du football depuis 1959. Donc, le témoin oculaire de tous ceux qui sont passés comme président à la tête de la fédération. Mais je vous avoue que personne n’a atteint cette performance. Comment voulez-vous qu’un monsieur qui a atteint un tel niveau de performance ne soit pas soutenu par des hommes de rigueur comme nous ? C’est pour toutes ces raisons que je suis combattu par les partisans de la médiocrité. Je pense que nous devons faire bloc autour de ce monsieur pour l’aider à rehausser l’image de notre pays à travers le football.
Nous allons vous citer le nom de deux personnalités et vous allez nous dire de façon succincte, ce que vous pensez d’elles.
Que pensez-vous de Roger Ouegnin ?
J’ai connu Me Roger Ouegnin quand il était membre du comité directeur de l’Asec sous le président Touré. A cette époque, il y avait 25 ministres du gouvernement d’Houphouët Boigny qui faisaient partie du comité d’honneur de l’Asec présidé par l’ancien ministre de la Fonction publique, Jean Jacques Bechio. L’Asec avait des comités de supporters dans toutes les villes et les Administrations de la Côte d’Ivoire. Et quand je suis arrivé, on m’a nommé directeur de l’Académie de l’Asec Mimosas. Et Roger Ouegnin était membre du comité directeur, chargé de la formation des jeunes. Et c’est dans ce cadre que nous nous sommes côtoyés. Pendant que j’étais au centre de formation, l’Asec occupait le 7e rang dans le championnat national. Une place peu honorable pour le standing de ce club prestigieux. Il fallait donc faire quelque chose pour sauver le navire avant qu’il ne chavire. C’est ainsi que j’ai vu débarquer chez moi, tard dans la nuit, l’ambassadeur Georges Ouegnin, accompagné de son frère Roger Ouegnin. Et sans autre forme de procès, ils m’ont intimé l’ordre de prendre en main, dès le lendemain, l’équipe première qui était dirigée par Gabo Gérard. Ils m’ont fait comprendre que compte tenu de la gravité de la situation, ils avaient décidé de porter leur choix sur moi pour sauver la maison. Et c’est ce qui fut fait dès le lendemain, lorsque j’ai été présenté à l’ensemble des joueurs et au staff technique sortant. Ma prise de fonction a coincidé avec le derby qui déchaîne toutes les passions en Côte d’Ivoire. C’était le match Asec /Africa. L’Asec se devait de mettre fin à la suprématie de l’Africa qu’elle n’avait pas battu depuis une dizaine d’années. Par la grâce de Dieu, j’ai pu briser ce mythe grâce à notre victoire sur l’éternelle rivale que nous avons battue par le score de 2 buts à 1. Sékou Bamba et un certain Diabaté avaient été les bourreaux de l’Africa ce jour-là. Après notre victoire, le père de Roger Ouegnin qui avait un problème de cœur, a appelé son fils pour lui dire qu’il se sentait nettement mieux depuis notre victoire sur l’Africa. Roger Ouegnin est un grand monsieur qui connaît le football. ll est membre de la CAF. Durant tout le temps que j’ai passé à l’Asec, il ne s’est jamais impliqué dans mon travail. Pour lui, les aspects techniques ne relèvent que de la seule compétence du technicien. Souvent, à la veille de certains matchs, je le
taquinais en faisant semblant de lui dévoiler la liste des joueurs susceptibles de débuter le match. Mais il refusait de m’écouter en me disant ceci : « on fera le bilan à la fin de la saison ». Effectivement, à la fin de la saison, j’ai été champion de Côte d’Ivoire avec l’Asec Mimosas et mieux, j’ai atteint la demi-finale de la ligue des clubs champions d’Afrique. Dans mon contrat, il était stipulé que si je remportais le titre de champion, le club s’engageait à me donner la prime de 25 millions de F CFA. Les dirigeants ont tenu parole. Roger Ouegnin m’a remis à la fin de la saison, un chèque de 25 millions de F CFA que j’ai fait virer dans mon compte à Ouagadougou. Nous continuons d’entretenir de très bons rapports. Il m’appelle régulièrement pour avoir de mes nouvelles.
Et que pensez-vous de Hamado Traoré ?
Vous parlez de quel Hamado ?
L’ancien président du RCK.
Je n’ai jamais travaillé avec lui.
Mais qu’en est-il de vos rapports ?
(Il hausse le ton). Je te répète que je n’ai jamais travaillé avec lui. Donc, je n’ai aucun élément d’appréciation le concernant.
Avez-vous un vœu à formuler ?
Je souhaiterais que les gens cherchent à avoir l’information réelle avant de dire certaines choses. Il ne faut pas se baser sur les rumeurs, même si vous êtes contre Pierre ou Paul. Je vais vous donner un exemple pour illustrer mon propos. Avant notre départ pour le Ghana, il y a certaines informations qui se sont répandues dans la presse, disant que j’ai chassé 11 titulaires de l’équipe. Alors qu’il n’en était rien. Nous étions 32 joueurs pour la mise au vert. Pourquoi 32 joueurs ? C’est parce que le championnat était arrivé à son terme. Par ailleurs, le match contre le Ghana devait se jouer en aller/retour, dans un intervalle d’une semaine. Ma stratégie, dès lors, a consisté à prendre le maximum de joueurs qui étaient susceptibles d’être appelés. Cela, dans le but de pallier certaines défections (blessure ou maladie) qui pourraient se présenter la dernière minute. C’était cela l’objectif. La preuve, la veille de notre départ, nous avons libéré 11 joueurs puisque j’avais déjà en tête la configuration de l’équipe qui devait être alignée au Ghana. Pour terminer, j’aimerais traduire mes remerciements à tous ceux qui continuent de croire en nous et à tous ceux qui œuvrent pour le développement du football dans notre pays. Je vous remercie.
Propos recueillis et retranscris par Seydou TRAORE
Biographie –express
1977 : Titulaire de la licence A en Allemagne
1980 : Diplôme d’instructeur FIFA/CAF
2013 : Titulaire de la licence A de la CAF
2013 : Titulaire de la licence professionnelle de la Fédération burkinabè de football (FBF)
Ancien joueur de l’équipe nationale (les Etalons)