INCERTITUDES AUTOUR DE LA FETE DU FOOTBALL AFRICAIN AU CAMEROUN
A quelque trois semaines de l’ouverture de la compétition prévue pour se dérouler du 9 janvier au 6 février 2022, soit un an après sa date initiale, l’incertitude plane sur la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) Cameroun 2021. Et selon plusieurs sources, une réflexion est menée depuis quelques jours au sein de la faîtière du football africain pour évoquer un éventuel report voire une annulation. Mais avant, la Confédération africaine de football (CAF) a dû passer par maints démentis pour rassurer de la tenue de cette biennale de ballon rond africain au pays des Lions indomptables, qui n’en finissait pas de se faire attendre dans la livraison de certaines infrastructures. Certains faisaient même cas d’une éventuelle délocalisation de la compétition. Et au moment où cette difficulté semblait totalement levée, voilà que la pandémie du Covid-19 qui avait déjà prévalu comme argument au premier report en plus de chantiers inachevés à l’époque, se présente à nouveau comme une menace sérieuse sur la compétition en raison de la propagation du variant Omicron.
Le Covid-19 a bon dos
Dans ce cadre, le président de la Confédération africaine de football (CAF), le Sud-africain Patrice Motsepe, est en visite depuis le 20 décembre dernier à Yaoundé, la capitale camerounaise, pour des consultations avec les autorités politiques et sportives. Mais s’il ne fait pas de doute que la question sanitaire est une préoccupation majeure de l’heure, la façon, pour les clubs européens, de s’engouffrer dans la brèche en faisant planer la menace bien connue de ne pas libérer les professionnels africains évoluant dans leurs championnats respectifs, a de quoi interroger. D’autant que comparaison étant ici raison, selon les chiffres officiels de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pandémie du Covid-19 sévit plus en Europe où l’on compte beaucoup plus de morts qu’en Afrique où les prévisions les plus apocalyptiques ne se sont pas réalisées, près de deux ans après l’apparition de la maladie en Chine. Et si malgré tout, les compétitions nationales et continentales continuent de se dérouler en Europe, pourquoi en irait-il autrement pour la CAN sur le continent noir qui présente de loin le meilleur visage de résistance à la pandémie, déjouant au passage tous les pronostics ? Est-il besoin de rappeler que la Copa America qui a vu le sacre de l’Argentine de Lionel Messi en terre brésilienne en juillet dernier, s’est tenue en pleine pandémie du Covid-19 dans un pays des pays les plus touchés de la planète ? Et que dire des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 qui se sont tenus au pays du Soleil levant en juillet-août dernier dans les conditions que l’on sait ? Loin de nous l’idée de minimiser la question sanitaire qui est aujourd’hui une préoccupation mondiale mais dans le cas d’espèce, il y a lieu de croire que le Covid-19 a bon dos. Car, ce n’est pas la première fois que les clubs européens se montrent réticents à libérer les internationaux africains pour défendre les couleurs de leurs pays respectifs à la CAN. Même en dehors de toute pandémie, c’est une pratique qui a régulièrement cours depuis des années.
Il faut que le chantage sur le retour des joueurs africains en sélection nationale cesse
Et certains clubs n’hésitent même pas à user de pressions en tous genres pour décourager les joueurs de venir en sélections nationales. Poussant le cynisme jusqu’à faire croire que c’est en toute liberté que ces derniers refusent de répondre à l’appel de la patrie. Il reste entendu qu’en temps qu’employeurs de ces joueurs, c’est une réticence qui se comprend à bien des égards. D’autant que ces joueurs sont généralement des éléments essentiels dans leurs équipes respectives. Mais est-ce pour autant qu’ils doivent être privés du droit de défendre leurs couleurs nationales là où leurs homologues européens et sud-américains n’ont pas les mêmes difficultés ? Disons-le tout net : il faut que le chantage sur le retour des joueurs africains en sélection nationale cesse. Car, s’ils sont des pièces maîtresses dans ces clubs de haut niveau, que dire alors de leur apport dans les sélections nationales qui cherchent à décrocher le Saint Graal ? Quel soldat ne sera-t-il pas fier de chanter l’hymne national et de défendre les couleurs de son pays ? Et puis, que serait la Coupe d’Afrique des Nations sans ses stars ? Une compétition au rabais qui finirait par tout perdre de son intérêt non seulement aux yeux des sponsors dans ce monde de football business, mais aussi aux yeux du public africain lui-même qui a pourtant besoin de vibrer avec ses étoiles et de célébrer ses héros. Si ce n’est pas une volonté de tuer le football africain, cela y ressemble fort. Avec le risque, pour la CAN, d’être totalement éclipsée au profit d’autres compétitions majeures comme l’Euro, la Copa America et la Coupe du monde qui veut déjà lui retirer sa périodicité de biennale, pour lui refiler la sienne tous les quatre ans. Alors oui, osons la question : qui veut tuer la CAN ? La question est encore plus justifiée si à la difficulté de la participation des internationaux africains à la CAN, devait s’ajouter celle de la modification de sa périodicité de biennale à quadriennale. Dans ce cas, la CAN pourrait être condamnée à une mort certaine parce qu’elle perdrait beaucoup de sa visibilité. C’est le lieu d’interpeller les dirigeants africains sur leurs responsabilités dans la défense des intérêts du football africain, à l’image des dirigeants de la FIFA et de l’Euro qui ne reculent devant aucun obstacle pour faire valoir leurs droits, quitte à marcher sur les pieds des plus faibles. Cela dit, aussi justifiée que puisse être la menace de l’Association européenne des clubs (ECA), de ne pas libérer les joueurs en cas de manque de certitudes sur les protocoles sanitaires, elle paraît indécente. Et il est permis de mettre en doute sa sincérité dans la coopération avec les sélections africaines ; tant cela frise parfois le manque de respect voire de considération.
« Le Pays »