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INVESTITURE DE ADO


Le président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara (ADO), a prêté officiellement serment hier 14 décembre 2020 au palais de la présidence. Cet acte marque officiellement l’entrée en fonction de l’Enfant de Kong pour un 3e mandat jugé inconstitutionnel par presque l’ensemble de l’opposition ivoirienne. Le président du PDCI-RDA (Parti démocratique de Côte d’Ivoire), Henri Konan Bédié, par ailleurs chef de file de l’opposition, n’était pas de la partie. En tout cas, une carte d’invitation lui a été adressée par les services de la présidence. L’absence du  Sphinx de Daoukro à cet événement  n’a rien de surprenant puisqu’il n’a pas encore reconnu la victoire de Alassane Ouattara. Et cela est en cohérence avec le fait que lui et ses camarades de l’opposition, avaient jugé inconstitutionnel son troisième mandat. Au plan endogène donc, on  peut s’attendre logiquement à ce que de grands noms de l’opposition brillent par leur absence à l’investiture de la personne qu’ils ne souhaitent pas voir même en peinture, c’est-à-dire Alassane Ouattara. A contrario, ils sont nombreux, les chefs d’Etat et de gouvernement du continent noir qui n’entendent pas se faire conter l’événement.

 

Au plan diplomatique, Alassane Ouattara peut se frotter les mains

 

En effet, tous les présidents des pays membres de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) seront aux côtés de leur homologue ivoirien. Et l’on peut comprendre pourquoi. Ils ont tous, toutes affaires cessantes, fait le déplacement d’Abidjan, peut-on  dire, parce que personne ne veut être compté parmi ceux qui ne voient pas d’un bon œil, le 3e mandat du président d’un pays qui compte parmi les plus puissants de cet espace. En tout cas, le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, ne peut pas s’offrir le luxe de ne pas y être ; lui dont le pays compte des millions de ressortissants en Eburnie. A ces présidents des pays de l’UEMOA doivent s’ajouter quelques chefs d’Etat de pays de la CEDEAO (Communauté économique des Etats Ouest africains). Le Mauritanien Mohamed Ould El-Ghazouani ainsi que le Congolais Denis Sassou Nguesso et le Rwandais Paul Kagamé sont également annoncés. La France sera représentée par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Et quand on connaît ce que représente la France pour la Côte d’Ivoire et vice-versa, l’Enfant de Kong peut se permettre d’esquisser des pas de djanjoba* pour traduire son « enjaillement », c’est-à-dire sa joie en nouchi ivoirien. En effet, quand la France valide une élection au pays de Houphouët Boigny, cela correspond pratiquement à un satisfécit de l’ensemble de la communauté internationale. Au plan diplomatique donc, Alassane Ouattara peut se frotter les mains. Et son « enjaillement » peut être partagé par les présidents qui ont honoré de leur présence à la cérémonie. Pour la 3e  fois consécutive et vraisemblablement pour la dernière fois, ADO se verra remettre  le « Grand collier de l’Ordre ».

 

Alassane Ouattara a l’obligation de mettre à profit ce 3e mandat pour véritablement désarmer les cœurs des Ivoiriens

 

Avant ce grand moment, ADO prêtera serment sur la Constitution. Et cela est une innovation majeure dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Seulement, on peut se demander ce que vaut cet acte. En tout cas, sous nos tropiques, bien des présidents ne se sentent pas liés par cet acte ; eux qui n’hésitent pas, par moments, à charcuter la loi fondamentale de leurs pays respectifs de sorte à ce qu’elle soit congruente avec leurs intérêts.  C’est ce que Alpha Condé vient de faire en Guinée, en briguant la présidentielle pour la 3e fois. Et si, comme prévu, il fait le déplacement d’Abidjan, il ne devra pas raser les murs. Car, quoi qu’on dise, l’hôte du jour n’a pas eu de scrupule comme en goûtant au  fruit interdit du 3e mandat. L’histoire ne peut pas ne pas retenir cela. C’est pourquoi Alassane Ouattara a l’obligation morale et politique, pour autant qu’il veuille que l’histoire soit indulgente avec lui, de mettre à profit ce 3e mandat pour véritablement désarmer les cœurs des Ivoiriens. Le discours solennel qu’il doit prononcer dans le cadre de cette investiture, devra aller dans ce sens. Et les mots seuls, même s’ils sont importants, ne suffisent pas. Ils doivent être traduits en actes concrets et observables d’apaisement. L’un d’eux pourrait être l’élargissement de personnalités politiques, comme Pascal Afi Nguessan et Maurice Kakou   Guikahué. ADO aura-t-il la grandeur d’esprit de pardonner à tous ses compatriotes qui sont aujourd’hui derrière les barreaux dans le cadre de la contestation de son 3e mandat ? De la réponse à cette question dépendra l ‘avenir de la Côte d’Ivoire. Et le fait que l’opposition ait renoncé à l’organe de transition qu’elle avait mis en place et à la désobéissance civile, est une opportunité de paix sur laquelle ADO peut se baser pour enfin amorcer le chantier de la réconciliation. Et les va-t-en- guerre des deux camps, et Dieu seul sait s’ils sont nombreux, n’y ont pas leur place.

 

« Le Pays »

 

*Djanjoba : danse populaire chez les Dioula

 


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