INVESTITURE DE L’ANCIEN PRESIDENT CENTRAFRICAIN PAR LE KNK : Bozizé peut-il encore constituer une solution pour la RCA ?
Alors que l’on croyait que la page de l’ancien président était définitivement tournée en RCA, celui-ci rêve encore d’un destin présidentiel dans son pays. En effet, son parti, le KNK, l’a investi ce vendredi, bien qu’il soit en exil, comme candidat pour la présidentielle d’octobre prochain et ce, en dépit du fait que le nouveau pouvoir à Bangui l’accuse notamment de crimes contre l’humanité et d’incitation au génocide. Cela lui avait valu, on se rappelle, en début mai 2013, un mandat d’arrêt émis par la justice centrafricaine, transmis à Interpol et aux autorités judiciaires camerounaises, pour son extradition. L’investiture donc de Bozizé par son parti, le KNK, pour défendre ses couleurs à l’occasion de la présidentielle prochaine, sonne à la fois comme une défiance des lois de la République et comme une pure provocation. La question est de savoir maintenant si le principal concerné aura le courage de rentrer en Centrafrique. Le doute n’est pas permis du côté de ses partisans puisque, pour Levy Yakété, son porte-parole, le mandat d’arrêt contre son mentor est «une fuite en avant des nouvelles autorités». Et il justifie son point de vue en se fondant sur ceci : «Bozizé n’a rien à se reprocher». Cette posture qui, de toute évidence, se nourrit de la dénégation et de la mauvaise foi des anciens dignitaires du régime déchu de Bozizé, n’est pas propre à la RCA. Elle est généralement observable sous nos tropiques. En effet, que ce soit en RCA ou ailleurs en Afrique, les thuriféraires des régimes déchus font toujours preuve d’une amnésie individuelle et collective en ce qui concerne les excès objectivement imputables à leurs champions pendant que ceux-ci étaient aux affaires.
Bozizé a marqué d’une pierre noire son passage à la tête de la RCA
Pire, ils s’évertuent, sans aucun scrupule, à vouloir inverser les rôles pour se faire passer aujourd’hui pour les victimes. Ce comportement dont le cynisme le dispute à la mauvaise foi et à l’indécence morale, devrait choquer toutes les consciences. Malheureusement, ce genre de complaintes finit parfois par susciter un regain de sympathie au sein des populations, à l’endroit des dictateurs déchus à qui il faut pourtant demander la reddition des comptes. C’est ce à quoi l’on semble assister aujourd’hui en RCA où bien des personnes donnent l’impression de regretter la chute de François Bozizé. Et pourtant, il est difficile de justifier ce sentiment. En effet, François Bozizé, comme d’ailleurs tous ses prédécesseurs, a marqué d’une pierre noire son passage à la tête de la RCA. Et pour preuves. Arrivé au pouvoir par la force des armes, en mars 2003, il s’était employé depuis lors à instaurer une dictature dans son pays et à organiser régulièrement des mascarades électorales qui, invariablement, l’avaient toujours plébiscité. Non content de cela, il s’était aussi employé, vers la fin de son règne, à installer la RCA dans une logique manichéenne, en dressant ses compatriotes les uns contre les autres sur des bases ethniques et religieuses. La suite, on la connaît. La Centrafrique a pratiquement vécu un génocide. C’est cet héritage nauséeux qu’il a laissé à la postérité, lorsque, contraint par la rébellion de la coalition de la Séléka dirigée par Michel Djotodia, il a fui le pays en mars 2013 pour se retrouver en exil au Cameroun, puis en Ouganda d’où il continue à attiser les braises de la haine en RCA. C’est pourquoi l’on est en droit de se poser la question de savoir, à propos de son investiture par le KNK, si la RCA a encore besoin de lui comme président. Le bon sens voudrait que l’on y réponde par la négative. Mais comme l’on est au «Gondwana» où le vote des populations a plus un contenu tribal que politique et où les pratiques politiques sont le plus souvent aux antipodes de l’éthique et de la morale, l’on ne devrait pas être étonné de voir Bozizé, un jour, en toute impunité, au nom d’une prétendue réconciliation nationale, solliciter les suffrages des Centrafricains pour satisfaire ses pulsions pouvoiristes. Une telle hypothèse marquerait selon toute vraisemblance, le retour aussi sur la scène politique centrafricaine, de Michel Djotodia qui forme aujourd’hui avec Bozizé, les deux éléments majeurs du drame centrafricain. Les écarter donc du jeu politique serait une décision sage des nouvelles autorités du pays. Et avec lui, tous ceux qui ont apporté du bois pour allumer le brasier centrafricain. Mais pour cela, elles ne doivent pas craindre d’affronter les personnes de mauvaise foi, qui n’ont que faire de l’intérêt supérieur de la RCA et qui ne manqueront pas de crier comme des orfraies, à l’exclusion. Elles peuvent d’autant plus le faire que la RCA est actuellement dans un contexte de neutralité institutionnelle. Et même si une telle mesure pouvait s’apparenter à une exclusion politique, il faut avoir le courage de reconnaître que Bozizé et Michel Djotodia l’auraient méritée. L’éventualité de la candidature de ces deux hommes à la présidentielle prochaine, doit être ressentie par les Centrafricains épris de justice et de démocratie, comme un véritable malheur.
Le sinistre coup d’éclat du soldat rwandais
A celui-ci est venu s’ajouter un autre malheur ce samedi. En effet, ce jour-là, un soldat du contingent rwandais de la MINUSCA, a ouvert le feu sur ses compagnons d’armes, faisant 4 morts et 8 blessés avant d’être abattu. Le gouvernement rwandais évoque un acte terroriste, sans pour autant écarter l’hypothèse d’un soldat mentalement fragile. En attendant qu’une enquête vienne déterminer les tenants et les aboutissants de ce malheur, l’on peut déjà s’attarder sur les propos du porte-parole de la MINUSCA, Hamadoun Touré. Ce dernier pointe du doigt non seulement les conditions difficiles dans lesquelles évoluent les Casques bleus en RCA, mais aussi l’âge des soldats déployés. Ces deux éléments pourraient expliquer l’acte du soldat rwandais. En effet, le risque est grand pour n’importe quel soldat jeune et qui, de surcroît, évolue dans un environnement difficile, de peter les plombs. Ce phénomène a été vu sur bien des théâtres de guerre où interviennent les forces de l’ONU. C’est pourquoi il se pose la nécessité, en plus de leur aptitude physique, de se pencher sur leurs conditions de vie et de travail et surtout sur un encadrement psychologique adéquat, si l’on veut que les Casques bleus soient pleinement opérationnels.
« Le Pays »