INVESTITURE DE TOUADERA : Des démocrates et des satrapes à la grand’messe de la démocratie
Le président centrafricain nouvellement élu, Faustin- Archange Touadera, a solennellement prêté serment hier, 30 mars 2016, au grand stade de Bangui, devant un parterre d’invités et une foule en liesse. Quand on sait d’où vient la RCA, l’on comprend toute l’attention dont ce pays, qui doit réapprendre à marcher comme un bébé, est entouré par la communauté internationale. A ce titre, l’on n’est donc pas étonné que les émissaires du locataire de l’Elysée, aient été aux premières loges de cette cérémonie haute en couleurs et en émotions, en raison du rôle de l’ancienne puissance coloniale dans la stabilisation du pays à travers l’opération Sangaris. Et c’est certainement avec le sentiment du devoir accompli que le ministre français de la Défense, Jean Yves Le Dryan, a annoncé, à la faveur de cette cérémonie, la fin prochaine de la mission française qui, l’on se rappelle, était venue en urgence en décembre 2013, pour essayer de mettre fin aux affrontements. Aussi surprenant qu’une telle mesure puisse paraître, elle constitue, en tout cas, une épine en moins dans le pied de la France qui est engagée sur plusieurs fronts sur le continent africain. Toutefois, l’on aura aussi remarqué la présence en bonne place, des présidents équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema et congolais Denis Sassou Nguesso, pendant que leur homologue tchadien se faisait représenter par son ministre des Affaires étrangères. Des présences justifiées, en raison des rôles que ces derniers ont pu jouer à des degrés divers, dans le retour de la paix en RCA. Le Tchad, par exemple, avait engagé ses troupes dans la Minusca avant de les retirer pour les raisons que l’on sait. De son côté, le Congolais Denis Sassou Nguesso n’est pas resté les bras croisés. Il avait offert ses services et entrepris des actions de médiation pour essayer de rapprocher les frères ennemis centrafricains. C’est dire si à cette grand’messe de la renaissance de la RCA à la paix et à la démocratie, il y avait un peu de tout : ceux qui apparaissent à la face du monde comme des démocrates bon teint et ceux qui passent aux yeux des démocrates africains pour être des satrapes, en raison de leurs actes aux antipodes de la démocratie et de leur attitude réfractaire aux règles de l’alternance dans leur propre pays. De quoi a priori mettre mal à l’aise ces derniers, dans un contexte africain global où la tendance est au renouvellement des personnels politiques, comme c’était le cas, hier, en Centrafrique.
Touadera a du pain sur la planche
Toutefois, pour être positif, l’on retiendra que cette solidarité agissante a toute son importance pour un pays comme la Centrafrique qui a, en ce moment, besoin de tous les soutiens possibles pour l’aider à franchir une étape cruciale de son existence et envisager l’avenir avec plus de sérénité. D’autant plus que la passation de charges entre la présidente intérimaire Catherine Samba-Panza et le président élu Faustin- Archange Touadera, ressemble au transbordement d’un navire en temps de marée basse, qui n’a pas encore fini son odyssée. Le pays n’est donc pas encore complètement sorti de l’auberge. Et quand on connaît la profondeur de la fracture sociale et la capacité de nuisance de certains protagonistes de la scène politique centrafricaine, l’on peut même craindre que l’absence des ex-présidents Bozizé et Djotodia ne soit vue comme une mise à l’écart qui pourrait réveiller la vieille opposition entre Séléka et anti-Balaka, dans une RCA qui peine toujours à se réconcilier véritablement avec elle-même, tant les rancœurs sont recuites. Touadera a donc du pain sur la planche pour recoller tous les morceaux.
Outélé KEITA