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INVESTITURE DU NOUVEAU PRESIDENT BURUNDAIS


Costume noir sur tapis rouge ! Tel était le décor de l’investiture du président Evariste Ndayishimiye dans un stade archicomble de Gitega, au détriment des règles de distanciation sociale en cette période de coronavirus. C’était hier, 18 juin 2020, quand le successeur de Pierre Nkurunziza est devenu officiellement le dixième président du Burundi. Le nouveau président, élu au premier tour d’une présidentielle qu’il aura dominée de la tête et des épaules devant son principal challenger, l’opposant Aghaton Rwasa qui n’a récolté que 20% des suffrages, a prêté serment dans une ambiance qui se voulait de recueillement et de sobriété dictée par l’atmosphère de deuil qui frappe le pays. Un pays qui est dans l’attente des funérailles du pasteur-président, décédé subitement le 8 juin dernier, à quelque deux mois du passage de témoin à son successeur. Une cérémonie avancée de prise du pouvoir, qui vient clore le débat de la vacance du pouvoir qui était source de divergences entre les acteurs de la classe politique, sur le cadavre encore frais du défunt président et mettre fin aux incertitudes d’une éventuelle transition.

Les défis sont multiples et nombreux

Avec cette investiture qui vient tourner définitivement la page Nkurunziza, c’est une aube nouvelle qui se lève sur le Burundi. Il faut espérer que ce soit l’occasion d’un nouveau départ pour ce pays meurtri par de longues années de tensions, et qui a même presque touché le fond avec la grave crise sociopolitique née du troisième mandat du défunt président, qui a occasionné près d’un demi-millier de morts et mis sur le chemin de l’exil, pas moins de quatre cent mille Burundais. C’est pourquoi, s’il veut entrer positivement dans l’histoire, Evariste Ndayishimiye a l’obligation de faire mieux que son prédécesseur, Pierre Nkurunziza, qui n’aura pas laissé à ses compatriotes et à bien des observateurs, l’image de bon dirigeant qui soit. C’est dire si le nouveau président burundais peut et doit surprendre agréablement. Car, les défis qui l’attendent sont multiples et nombreux. A commencer par celui de la réconciliation, au regard de l’état de déchirement et de profonde division dans lequel Nkurunziza a laissé le pays. Un chantier qui va de pair avec le retour des nombreux exilés qui n’ont jamais perdu l’espoir d’un retour au bercail, et qui comptent sur ce vent du changement pour pouvoir rentrer au pays sans être inquiétés. Au passage, une mesure allant dans le sens de la dissolution des milices armées que constituent les Imbonerakure, serait un signal fort de la volonté du nouveau président, d’un retour à l’Etat de droit. Car, ces milices ont fait beaucoup de mal au pays et leur éventuelle survivance dans ce contexte post-Nkurunziza, constituera, à coup sûr, une menace permanente sur le respect des droits humains. Au-delà, Evariste Ndayishimiye doit œuvrer à tirer le pays de son isolement sur le plan international. Pour cela, il est impératif, pour lui, de travailler à assainir ses relations avec ses voisins et à remettre sur les rails, le pays qui a été mis au ban de la communauté internationale du fait des mauvais agissements de son prédécesseur.

On ose espérer que Evariste Ndayishimiye saura se mettre du bon côté de l’histoire

Il reste entendu que la question de la relance économique reste aussi une priorité pour ce pays contraint, à un moment donné, de compter sur ses propres forces en raison des sanctions financières qui le frappent et qui ont vu la fermeture des robinets de bien des partenaires stratégiques occidentaux. Sans oublier la récente crise sanitaire du Covid-19 dont l’opacité dans la gestion, fait craindre une situation beaucoup plus dramatique qu’elle n’a été jusque-là présentée.  En tout état de cause, tout changement est source d’espoir et le Burundi est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Et comme l’enseigne une sagesse africaine, « quand le repas sera bon, on peut le sentir dès la coupe du bois ». C’est dire si les premiers pas du nouveau président seront scrupuleusement scrutés à la loupe aussi bien par ses compatriotes que par les observateurs car, ils pourraient annoncer la couleur de son mandat. En tout cas, on ose espérer que Evariste Ndayishimiye saura se mettre du bon côté de l’histoire, même s’il se promet de marcher dans les pas de son prédécesseur à qui il n’a pas manqué, du reste, de rendre un hommage appuyé. Mais encore faudrait-il qu’il puisse s’émanciper de la tutelle des généraux qui ont imposé sa candidature au parti au pouvoir, et avoir les coudées franches dans son action. En tout cas, s’il veut véritablement imprimer sa marque à la tête du Burundi, il a les cartes en main pour réussir le pari. On ne lui demande pas d’aller au suicide politique en voulant tout changer d’un coup de baguette magique, mais en homme du sérail et en stratège militaire, il n’a pas de raison de nourrir de complexe de légitimité auprès de ses frères d’armes. A lui d’écrire son histoire et celle du Burundi, mais pas en ces lettres de sang et de larmes qui paraissent, à bien des égards, comme le plus grand legs de son prédécesseur.

 « Le Pays »


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