INVESTITURE DU PRESIDENT MAURITANIEN
Ça y est, il a empoigné son naam (1) ! Enfin, dans ses nouveaux et prestigieux atours de chef d’Etat. Jour mémorable que ce 1er août 2019 non seulement pour la Mauritanie, mais aussi et surtout pour Mohamed Ould Ghazouani investi, à Nouakchott, la capitale, comme président de la République islamique de Mauritanie. C’était en présence de nombreux chefs d’Etat africains dont il reçoit, de fait, officiellement l’onction. Après donc être montée aux barricades pour contester l’élection du candidat de l’autre Mohamed, sur fond de tensions exacerbées et d’arrestations, l’Opposition n’a plus d’autre choix que de mettre en berne ses récriminations et de constater les nouveaux dégâts : game is over ! Qu’elle l’accepte ou non, désormais, c’est bien Ghazouani qui tient les commandes de l’Etat ! Pour cette opposition, toute remise en cause de l’élection du nouveau dirigeant élu, s’apparenterait à un combat d’arrière-garde, avec à la clé, le risque d’être considérée comme une ennemie de la République et donc, d’être traitée comme telle. Investi de ses nouvelles charges, reste, à présent, à savoir si l’allié du président sortant, qui avait été présenté comme le dauphin de ce dernier, rompra les ponts avec son prédécesseur ou s’il s’inscrira dans la continuité. En attendant de le savoir, on peut, d’ores et déjà, être sûr d’une chose : pour Ghazouani, tout est accompli ! Il voulait le pouvoir, eh bien, il l’a désormais entre ses mains. Mais au-delà de sa personne, s’il est une chose dont la Mauritanie peut se réjouir, c’est de connaître sa deuxième alternance démocratique pacifique, à travers l’élection, dans les urnes, du natif d’Assaba. Quant aux circonstances dans lesquelles l’ancien chef d’Etat-major d’Abdel Aziz s’est imposé comme le candidat de choix du président sortant, cela relève d’une autre affaire qui aurait alimenté les conversations de gargotes.
Une nouvelle page s’ouvre pour la Mauritanie
Cela dit, maintenant qu’il accède officiellement au sommet de l’Etat, comme premier défi, le président Ghazouani devrait avoir à cœur de rassembler tous les Mauritaniens. Il lui faudra se mettre rapidement à la tâche pour répondre aux nombreuses aspirations du peuple, certes. Mais dans l’intérêt de ce même peuple, il se doit également de tracer les sillons d’une véritable démocratie dans son pays. Il nous souviendra qu’alors que les résultats de la présidentielle dernière à laquelle il a été candidat, n’avaient pas encore été proclamés, il s’auto-proclamait déjà président ; toute chose qui avait provoqué un grand tollé, mettant d’ailleurs mal à l’aise la France qui s’était, on s’en souvient, empressée de féliciter le nouveau président qu’il était devenu. Toute chose qui est caractéristique des limites de la démocratie dans ce pays, qui gagnerait à être renforcée. Ceci étant, la prestation de serment de Mohamed Ould Ghazouani intervient au lendemain de l’élargissement – sans qu’il ait toutefois retrouvé son entière liberté de mouvement – du blogueur mauritanien, Mohamed Cheick Ould Mkheïtir. L’homme purgeait une peine d’emprisonnement de 5 ans pour un article jugé blasphématoire envers le prophète Mohamed. Il s’était ensuite publiquement repenti, une condition posée par les chefs religieux pour sa libération. Faut-il voir en cette libération, une volonté d’apaisement ? C’est fort probable. En tous les cas, une nouvelle page s’ouvre pour la Mauritanie à travers cette alternance démocratique pacifique pour laquelle il faut tirer son chapeau au président sortant qui aura finalement renoncé à faire le grand saut dans l’inconnu en s’accrochant à son fauteuil. Quant au nouvel occupant du palais, il ferait mieux de travailler à imprimer sa marque et d’avoir le souci permanent de ce qu’il laissera à la postérité. C’est en cela que l’on reconnaît les Grands hommes.
« Le Pays »
(1)Naam : pouvoir en langue moré