INVESTITURE DU PRESIDENT TCHADIEN : Déby fils face à une montagne de défis
Ça y est ! Le Tchad n’est plus un pays en transition. En effet, le premier président de la Ve République, Mahamat Idriss Déby Itno, élu le 6 mai dernier au suffrage universel, a été investi le 23 du même mois, au cours d’une cérémonie grandiose qui s’est tenue dans la capitale, Ndjamena. Une investiture qui consacre le retour du pays à l’ordre constitutionnel et qui tourne définitivement la page d’une transition de trois ans, entamée en avril 2021, au lendemain de la disparition tragique de Déby- père qui a été tué au combat dans des conditions qui restent encore à être élucidées. Toujours est-il qu’avec cette prestation de serment du fils qui a pris le relais de son père qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant plus de trente ans, c’est la dynastie des Deby qui continue au Tchad. Et le fait est d’autant plus marquant que la cérémonie du 23 mai dernier s’est déroulée en présence d’une pléthore de hautes personnalités venues d’Afrique et d’ailleurs, au nombre desquelles le président en exercice de l’Union africaine, le Mauritanien Mohamed Ould Cheikh el Ghazouani, mais aussi de représentants des présidents français, Emmanuel Macron, et russe, Vladimir Poutine qui font partie des rares chefs d’Etat occidentaux à avoir félicité le nouvel homme fort du Tchad.
Le nouveau président devra travailler à faire taire les armes entre frères tchadiens
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en se faisant élire au premier tour avec plus de 60% des voix, le Général Mahamat Idriss Deby Itno est parvenu à ses fins, en légitimant son pouvoir par la voie des urnes. Et c’est déjà cela de gagné pour le Tchad qui renoue avec un ordre constitutionnel qui, on l’espère, rimera désormais avec respect des règles de l’Etat de droit au regard de la chape de plomb qui s’est abattue sur les contempteurs de la junte tout au long d’une transition qui aura surtout brillé par la restriction des espaces de libertés et la répression des voix discordantes. Et l’on attend de voir si avec le changement de statut, Deby-fils, du haut de la légitimité tirée des urnes, changera son fusil d’épaule dans la perspective d’une vraie transition démocratique dans son pays. C’est en cela que le Tchad connaîtra une avancée dans sa marche vers le progrès. C’est pour cela aussi que l’on scrutera à la loupe les premiers pas du prestataire de serment frais émoulu, pour savoir s’il fera dans la rupture ou s’il s’inscrira dans la continuité d’une politique qui a beaucoup de quoi à redire. C’est pour cela enfin que la configuration de l’équipe gouvernementale à venir pourrait en dire long sur l’orientation du pouvoir du fils de l’autre, selon qu’elle fera la part belle aux civils ou aux militaires. Pour le reste, les défis ne manquent pas pour le quadragénaire Général-président qui ne se fait pas d’illusions sur la nécessité de consolider la légitimité de son pouvoir acquis au terme d’une élection contestée par l’opposition et jugée peu « crédible » par des observateurs internationaux. A commencer par la réconciliation nationale au regard de la déchirure du tissu social et des rébellions armées toujours en cours.
Avec cette prestation de serment de Deby-fils, c’est une nouvelle page de l’histoire du Tchad qui s’ouvre
C’est dire combien le nouveau président devra travailler à faire taire les armes d’abord entre frères tchadiens dans un contexte sécuritaire régional globalement marqué par la lutte contre l’hydre terroriste. On n’oublie pas les exilés politiques encore dispersés dans la nature et qui n’attendent que des conditions favorables pour signer leur retour au bercail. Il y a aussi la question de la revitalisation de l’économie nationale ruinée par la guerre et la cherté de la vie, qui reste, avec la lutte contre la corruption et le chômage de la jeunesse, l’une des fortes attentes de ses compatriotes. Last but not least, il y a la question de la gestion transparente et efficiente des revenus du pétrole, qui conditionne largement le développement économique et social d’un pays qui dépend fortement de la manne de l’or noir. Ainsi que le choix des partenaires internationaux en vue de consolider la place et l’image du Tchad en tant qu’acteur politique majeur dans cette partie centrale de l’Afrique. En tout état de cause, de la stabilité politique du pays, dépendra son attractivité pour les investisseurs étrangers. Et avec cette prestation de serment de Deby-fils, c’est une nouvelle page de l’histoire du Tchad qui s’ouvre. En tous cas, tout le mal qu’on lui souhaite, c’est de savoir combler les attentes de ses compatriotes et que son action à la tête de son pays, s’inscrive dans la logique de conduire le Tchad vers des lendemains meilleurs.
« Le Pays »