IRREGULARITES DANS LA REALISATION D’INFRASTRUCTURES PUBLIQUES : Enquêter c’est bien, mais sanctionner c’est mieux
Mise sur pied le 23 mai 2017, la Commission d’enquête parlementaire sur la réalisation d’infrastructures publiques et l’acquisition d’équipements par les maîtrises d’ouvrages déléguées, a rendu ses conclusions le 7 décembre 2017. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles illustrent le fait que le pays des Hommes intègres a très mal à sa gouvernance et que si rien de concret n’est entrepris pour inverser les tendances, le Burkina court le risque de s’enfoncer dans le sous-développement. En effet, au terme de leurs investigations, les parlementaires, toutes obédiences confondues, ont abouti à ceci : 502 chantiers en souffrance ont été enregistrés et sur un échantillon de seulement 11 ouvrages, l’Etat a subi un préjudice de plus de 5 milliards de nos francs et 2,5 milliards sous-forme de pénalités liées à la mauvaise réalisation des infrastructures, soit un total de plus de 7 milliards de F CFA. Dans la foulée, la Commission a pointé du doigt la responsabilité des acteurs dont ceux intervenant dans le cadre des maîtrises d’ouvrage déléguées. La commission a, à juste titre, tiré la sonnette d’alarme en ces termes : « Cette situation illustre à souhait l’irresponsabilité et l’inconséquence des acteurs qui interviennent dans le processus de réalisation des ouvrages publics. Elle interpelle au plus haut point non seulement la représentation nationale, mais aussi la communauté entière à une prise de conscience collective afin qu’il soit légué non seulement à la génération présente mais aussi à celle future, des infrastructures de qualité ». Les choses sont claires. Il y a péril en la demeure. Mais l’essentiel n’est pas d’enquêter pour mettre en relief les insuffisances en matière de réalisation d’infrastructures publiques. Car, les députés n’ont fait qu’enfoncer une porte déjà ouverte. Les médias et les organisations de la société civile, en effet, ont toujours mis le doigt sur cette plaie. Et certaines populations bénéficiaires de ces ouvrages bâclés ont très souvent élevé la voix à ce propos. Seulement, ces cris de détresse et d’interpellation n’ont pas suffi pour mettre fin aux mauvaises pratiques.
Il faudrait légiférer en vue d’éradiquer le phénomène
Les aboiements du chien, peut-on dire, n’ont donc pas empêché la caravane de passer et cela, pour le plus grand malheur du pays. De ce point de vue, l’ont peut bien se poser la question de savoir si ce travail d’investigation des députés, qu’il faut saluer au passage, produira les effets escomptés. L’on est en droit d’en douter et cela tient à deux raisons essentielles. La première est que le Burkina est coutumier des rapports d’investigation dont les conclusions dorment dans les tiroirs. A l’analyse, l’on peut avoir l’impression que de telles opérations visent deux objectifs : divertir l’opinion publique et signifier aux bailleurs de fonds qu’au Burkina, on ne badine pas avec les mauvaises manières de servir. Et lorsque l’on fait preuve de naïveté , l’on peut effectivement se laisser abuser par les apparences. La deuxième raison essentielle qui peut conduire à être sceptique quant à la volonté des députés d’assainir le milieu de réalisation des infrastructures publiques, pourrait tenir au fait que derrière chaque maîtrise d’ouvrage déléguée et chaque entreprise chargée d’exécuter les ouvrages publics, pourraient se cacher des hommes politiques et non des moindres. Sous Blaise Compaoré, en tout cas, cela était de notoriété publique. « Le Burkina des affaires », comme l’avait si bien souligné Norbert Zongo, « était aux affaires du Burkina ». Et personne ne peut mettre sa main au feu que le requiem de ce Burkina-là a été dit. Bien au contraire, l’on peut avoir l’impression qu’il se porte comme un charme. Il revient donc aux députés qui ont eu l’initiative de créer la Commission d’enquête parlementaire sur la réalisation d’infrastructures publiques et l’acquisition d’équipements par les maîtrises d’ouvrage déléguées, d’apporter la preuve qu’ils sont à la hauteur des attentes exprimées par les Burkinabè les 30 et 31 octobre 2014. Et la meilleure façon de le faire serait de ne pas s’arrêter à la publication des conclusions de leurs investigations. Il faudrait ici et maintenant, légiférer en vue d’éradiquer le phénomène, et même envisager la possibilité de faire rendre gorge à tous ceux qui ont été épinglés dans le cadre de cette enquête parlementaire. Par là, ils apporteront la preuve qu’avant d’être des députés élus sous la bannière de tel ou tel parti politique, ils sont avant tout des députés du peuple burkinabè. C’est par là également que le peuple burkinabè pourrait accorder du crédit à l’avalanche de Commissions d’enquêtes qu’ils ont mises en place depuis le début de leur législature. De tout ce qui précède, l’on peut suggérer aux honorables députés qu’enquêter c’est bien, mais y donner une suite de manière à punir les indélicats et à dissuader tous ceux qui pourraient être tentés de marcher sur leurs pas est mieux.
Sidzabda