HomeA la uneJAMMEH A MALABO : De la dopamine pour le dictateur Obiang

JAMMEH A MALABO : De la dopamine pour le dictateur Obiang


 

Réjeté par son propre pays, Yahya Jammeh a-t-il à peine déposé  ses valises à Malabo en Guinée Equatoriale, que l’opposition à commencé à donner de la voix.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un colis encombrant qui a été débarqué sur le tarmac de l’aéroport de Malabo. Le plus à plaindre n’est cependant pas le président Teodoro Obiang Nguema qui n’en a cure des cris  de son opposition, mais plutôt Jammeh qui n’aura pas échappé au destin de nombreux autres dictateurs contraints à errer sur les chemins de l’exil et conspués de toutes parts. Il ne fait pas joli, en effet, pour lui qui, pendant plus de 2 décennies,  a régné en souverain absolu en Gambie, d’arpenter ces sentiers de la honte frayés par Idi Amin Dada, Jean Bedel Bokassa, Hissène Habré, Mobutu Sese Seko, Charles Taylor et plus proches de nous, Ben Ali, François Bozizé et Blaise Compaoré. Mais il y a longtemps que la honte ne tue plus sous les tropiques. Car, ces manifestations de l’opposition équato-guinéenne ne sont qu’éphémères et ne sont donc qu’une tempête dans un verre d’eau.

L’exutoire que s’est choisi le satrape est hautement stratégique

Yahya Jammeh va se la couler douce auprès de son hôte. Et pour causes. D’abord, parce que l’opposition équato-guinéenne étouffée par une longue dictature, n’est pas en mesure de troubler le sommeil du maître de logis. La Guinée équatoriale est une féroce dictature qui n’a d’égale que celle que Jammeh lui-même avait établie sur les rives de la Gambie avec pour différence cependant, le caractère lunatique de ce dernier. C’est donc l’histoire de la grenouille jetée en représailles dans une mare.  Il retrouve bien son milieu. Il faut même craindre que le monstre ne reprenne du poil de la bête et ne serve de conseiller en occultisme auprès du président Obiang. Ensuite, solidarité oblige entre dictateurs voués tous à l’incertitude des lendemains, ce n’est certainement pas Teodoro Obiang et encore moins son fils pressenti pour lui succéder et qui est déjà dans le collimateur de la Justice internationale à propos de « l’affaire des biens mal acquis », qui livreront le dictateur gambien à la géhenne.  C’est dire que l’exutoire que s’est choisi le satrape est hautement stratégique et l’on ne voit pas comment il pouvait en être autrement, surtout qu’il avait refusé l’exil  nigérian ou marocain aux motifs que ces deux Etats sont signataires du Traité de Rôme. Finalement, sans risque de se tromper, on peut affirmer qu’en dehors de la mauvaise conscience qui peut le hanter, Yahya Jammeh se tire de 23 ans de gestion chaotique sans se soumettre au devoir de reddition des comptes devant ses compatriotes. L’on peut même être amené à se demander si son exil équato-guinéen n’est finalement pas  plus nuisible à la Gambie. La question n’est pas si saugrenue que cela, lorsqu’on sait que l’homme « s’est barré » avec la bagatelle de près de 11 millions d’euros, laissant vides les caisses de l’Etat gambien. Ce trésor, dans l’antre de la dictature de Teodoro Obiang, semble définitivement à l’abri de tout rapatriement. Il faut même craindre que ce magot ne vienne alimenter l’économie atypique de la Gambie qui se nourrit de toutes les contrebandes et de tous les trafics illicites et ne vienne à déstabiliser le nouveau pouvoir. C’est donc dans un contexte qui s’annonce difficile, que s’installe le nouveau pouvoir avec la nomination comme vice-présidente, d’une dame de poigne qui semble engagée résolument dans la lutte contre la corruption. C’est donc maintenant que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté internationale qui ont fait la pression pour que la bête batte en retraite, doivent se montrer conséquentes avec cette posture, en venant au secours de la Gambie par des appuis financiers conséquents.

Les Gambiens peuvent déjà se réjouir du vent de la liberté qui souffle sur leur pays

Du reste, la fin de la dictature de Yahya Jammeh devrait créer un climat propice aux investissements. Une tout autre attitude confinerait à la posture du dicton africain selon lequel « il ne faut pas enterrer le cadavre en laissant ses pieds dehors ». Mais en agissant au profit de la Gambie, les partenaires techniques et financiers doivent se convaincre qu’il n’y a pas de place pour un optimisme facile. Il faudrait d’abord réussir le pari de dessoucher l’économie gambienne des racines du système Jammeh, et cela n’est guère une sinécure dans un contexte où l’abdication du tyran n’a été obtenue que contre la promesse de ne pas ouvrir une chasse aux sorcières et où la structure de l’économie reste sur des bases tout aussi opaques qu’incertaines. Nonobstant, en effet, le fait que cette économie s’alimente de tous les trafics illicites, elle était, aux derniers instants du pouvoir Jammeh, orientée vers le monde arabe qui fait fi de la démocratie et des droits de l’Homme. C’est dire que c’est avec urgence et célérité que la nouvelle équipe dirigeante doit se mettre en place et prendre à bras-le-corps les défis immenses qui se dressent face à elle. Les Gambiens, eux, doivent savoir prendre leur mal en patience car comme le dit le proverbe, il est parfois difficile d’« obtenir le beurre et l’argent du beurre ». Après tout, ils peuvent déjà se réjouir du vent de la liberté qui souffle sur leur pays. Et c’est précisément là qu’est attendu Adama Barrow qui doit rendre douce «  l’amère saveur de la liberté » de Birago Diop, au risque de faire regretter le dictateur.

« Le Pays »


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