JOURNEE INTERNATIONALE DE LA FEMME Aller au-delà du folklore !
vibre aux rythmes, sons et couleurs de la Journée internationale de la femme qui est à sa 162e édition cette année. Une fois de plus, la tradition est respectée, laquelle vient rappeler à ceux qui le savent déjà, que c’est un certain 28 février 1909 à New York, que l’aventure débuta, à l’initiative du Parti socialiste d’Amérique. Une idée lumineuse, s’il en fut, puisqu’elle sera soutenue plus tard, en 1977 exactement, par l’Organisation des Nations unies qui officialisera cette Journée, invitant tous les pays de la planète à célébrer une journée en faveur des droits des femmes et notamment en faveur de la réduction des inégalités par rapport aux hommes. Pour cette année, la célèbre Maison de verre new-yorkaise a retenu comme thème mondial : « Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement ». Il s’agit, en fait, de susciter la réflexion autour de « moyens innovants permettant de faire progresser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, notamment dans les systèmes de protection sociale, l’accès aux services publics et la construction d’infrastructures durables ». Mais puisque chaque pays peut se choisir un thème pour l’adapter à son contexte et aux réalités du moment, vécues par ses filles et femmes, le thème retenu cette année, au plan domestique, est le suivant : «Contribution de la femme à l’édification d’un Burkina de sécurité, de paix et de cohésion sociale ». Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce thème ne pouvait pas mieux tomber compte tenu du contexte sécuritaire qui est le nôtre en ce moment. Cette thématique soumise à la réflexion de nos mères, tantes, sœurs et autres, vivant en villes ou en campagnes, les invite à prendre leur bâton de pèlerin pour jouer les rôles d’intermédiaires dans les situations de conflits en facilitant la communication et la négociation. Et Dieu seul sait si elles peuvent apporter une contribution inestimable à la résolution du fléau de l’insécurité, à la promotion de la paix et de la cohésion sociale. Car, après tout, n’est-ce pas la femme qui donne la vie ? Mieux, son rôle dans la préparation de son enfant à entrer dans l’âge adulte, n’est-il pas déterminant ?
La lutte doit continuer sur bien des fronts où la victoire se fait toujours attendre comme Godot
Au demeurant, si, comme le dit l’adage, « l’éducation, c’est la famille qui la donne », il est indéniable que l’influence d’une mère sur son enfant peut impacter son futur ; faire de lui un ange ou un démon. C’est dire si les femmes peuvent et doivent également avoir leur mot à dire dans ce contexte burkinabè fort inquiétant. En somme, elles devraient avoir leur place sous l’arbre à palabres d’autant que ce sont elles, ainsi que leurs enfants, qui sont généralement les premières victimes quand survient un conflit. Le thème est d’autant plus à propos qu’on n’a nullement besoin d’être grand clerc pour savoir qu’il n’y a pas de développement sans sécurité. Tous les acquis durement engrangés par les femmes dans leur espace économique, courent le risque d’être compromis face à un climat d’insécurité ambiant et l’on comprend donc toutes leurs craintes. Si le thème paraît donc pertinent et judicieux, il faut, à présent, espérer que les réflexions autour de la présente thématique, soient fécondes et porteuses de nouveaux espoirs pour la femme burkinabè. Evidemment, on n’avancerait pas à grand-chose si l’aspect folklorique, comme cela a été bien souvent le cas lors de précédentes éditions, venait encore à prendre le pas sur la réflexion. Mais d’ores et déjà, on peut se féliciter de la récente sortie médiatique de la ministre burkinabè de la Femme, de la solidarité nationale, de la famille et de l’Action humanitaire, Laurence Hélène Marshall/ Ilboudo, qui, au cours d’une conférence de presse tenue le 28 février dernier à Ouagadougou, faisait savoir que le côté festif de la commémoration serait, cette fois-ci, laissé de côté. Si cette mesure peut contribuer à faire avancer la lutte des femmes en faveur de la réduction des inégalités par rapport aux hommes, ce sera tant mieux. Il faut aller au-delà du folklore. Attendons de voir si ce sera le cas. En tous les cas, ce serait pendre des libertés avec la vérité que d’affirmer que le combat mené par les femmes burkinabè durant toutes ces décennies, aura été vain. Des avancées, il y en a eu certainement sur le terrain, avec l’appui des gouvernants. Mais la lutte doit continuer dans la mesure où, sur bien des fronts où nos braves et vaillantes femmes ont noué leur pagne, le courage et la détermination en bandoulière, la victoire se fait toujours attendre comme Godot. C’est notamment le cas pour la représentativité des femmes aux instances de décisions, qui reste toujours en deçà des attentes. Comme quoi, la route menant à l’équité et à l’égalité entre l’homme et la femme, au Burkina comme ailleurs, est encore longue ! Toute chose qui devrait amener nos gouvernants à s’engager davantage aux côtés de la femme dans sa quête pour un mieux-être économique et social. Mais une telle perspective commande que nos dirigeants travaillent à faire en sorte que cette Journée commémorative ne soit plus perçue comme étant beaucoup plus la « chasse gardée » des femmes « intellectuelles » des villes, les autres, en milieu rural, passant pratiquement pour des femmes de seconde zone. Cela n’est pas tolérable. Les réflexions à l’occasion de cette Journée, devraient plutôt beaucoup plus concerner la femme rurale dont nul n’ignore l’apport au développement et les dures conditions d’existence. Confrontée, comme on le sait, à bien des urgences sociales longues comme le bras, la femme rurale doit mériter une attention plus particulière d’autant qu’elle est un acteur incontournable du développement. A défaut de pouvoir faire la part belle à celle-ci, les gouvernants devraient, à tout le moins, travailler à rechercher le juste milieu dans la prise en compte des préoccupations de ces femmes de milieux différents. Mais il est vrai que ce genre d’événements n’est jamais totalement dénué de relents politiques. La récupération est vite arrivée ! C’est pourquoi les femmes burkinabè, où qu’elles soient, devraient toujours se montrer vigilantes et ne s’accrocher qu’à l’essentiel à savoir ce qui peut les pousser davantage dans leur marche vers leur autonomisation en tous domaines, notamment dans celui du foncier.
Cheick Beldh’or SIGUE