KARIM KOUDOUGOU, BIOCHIMISTE « Une carence profonde en iode (…) peut aboutir à la naissance d’enfants présentant une débilité mentale »
L’iode est un micronutriment essentiel au bon fonctionnement de notre organisme ; il est présent à l’état de trace dans notre organisme.
A quoi sert l’iode ?
L’iode sert à la synthèse des hormones thyroïdiennes (la tri-iodothyronine (T3) et la tétra-iodothyronine (T4 ou thyroxine)) en étant incorporé à leur structure chimique. La thyroïde est une glande située à la partie antérieure du cou. Elle sécrète ces hormones grâce à l’iode qu’elle prélève dans le sang.
A quoi servent les hormones thyroïdiennes ?
Ce sont les hormones du métabolisme ; elles sont donc essentielles à notre organisme dès la période intra-utérine : pendant la vie fœtale, le cerveau dont la croissance est rapide, en consomme énormément. Ces hormones règlent la croissance et la maturation cellulaire. Puis, elles participent aux grandes fonctions vitales que sont la régulation de la température interne du corps, l’équilibre des sucres et des lipides ainsi que la synthèse des protéines.
Quelles sont les conséquences d’une carence en iode ?
Une carence profonde en iode pendant la vie intra-utérine aboutit à la naissance d’enfants présentant une débilité (retard) mentale irréversible appelée crétinisme. Dans une moindre mesure, les enfants sont constipés ou ont des difficultés à téter. Chez l’adulte, une carence en iode est caractérisée par un goitre. Le goitre correspond à l’augmentation de la taille de la thyroïde en rapport avec une augmentation de son activité. Les signes cliniques de l’hypothyroïdie sont liés à une baisse du métabolisme général suite à une carence en hormones thyroïdiennes : fatigue générale, constipation, frilosité, bradycardie (diminution de la fréquence cardiaque), pouvant aller jusqu’au myxœdème (gonflement diffus de la peau) et au coma.
Quelles sont les sources alimentaires d’iode ?
L’iode est largement présent dans la terre. Sa concentration dans les plantes dépend du sol sur lequel elles ont été cultivées. Cela n’a donc pas de sens de fournir la concentration en iode des aliments puisqu’elle varie considérablement. L’iode tend à être chassé des sols et, au fil des siècles, se retrouve surtout dans la mer. C’est pourquoi les fruits de mer (poissons de mer, crustacées, algues,…) et les plantes cultivées près de la mer sont de bonnes sources d’iode. Les œufs et l’eau de boisson en fournissent, mais rarement en quantité suffisante pour les besoins humains.
Dans de nombreux pays où le goitre est fréquent, les autorités ont entrepris l’iodation du sel, stratégie qui a permis de réduire les troubles liés au déficit en iode. Cet iode est ajouté au sel sous forme d’iodure de potassium, mais l’iodate de potassium s’est avéré plus stable en climat chaud (comme notre pays) et humide. Le sel iodé constitue alors la principale source d’iode alimentaire.
Au Burkina Faso, l’importation, la commercialisation et l’utilisation du sel iodé sont rendues obligatoires par arrêté interministériel N° 2013 – 1033/MS/MASA/MEF/MICA du 27 septembre 2013.
La consommation de certains aliments peut-elle réduire l’utilisation de l’iode par l’organisme ?
Ce sont les aliments contenant naturellement des thiocyanates. Ces aliments dits goitrigènes (ou goitrogènes) induisent une excrétion accrue (via l’urine) de l’iode ingéré même au sein d’une population bénéficiant d’un apport alimentaire suffisant en iodé. Ces aliments « goitrigènes » sont par exemple les crucifères (les choux, le brocoli, les feuilles de moutarde, le rutabaga, le radis, le raifort, etc.) et certaines variétés de manioc amer. Ils le sont en fait rarement dans nos pays du fait de nos pratiques culinaires qui ont tendance à débarrasser ces aliments de leurs facteurs antinutritionnels.
Comment l’iode peut-il réduire les risques nucléaires dans l’organisme ?
En cas d’accident nucléaire, l’iode radioactif pourrait être rejeté dans l’air. Respiré ou avalé, l’iode radioactif irait se fixer sur la glande thyroïde, ce qui a pour conséquence d’augmenter le risque de cancer de la thyroïde, surtout chez les enfants. La prise d’iode stable permet d’éviter la fixation de l’iode radioactif sur la thyroïde car l’iode stable se fixe en premier, ne laissant plus de place pour la fixation d’iode radioactif.
Karim KOUDOUGOU, Biochimiste
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