HomeA la uneLA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO ET L’AFFAIRE MAINASSARA : Aller au-delà du dédommagement financier

LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO ET L’AFFAIRE MAINASSARA : Aller au-delà du dédommagement financier


 

« Chaque chose a son temps », dit l’Ecclésiaste dans chapitre 3. En effet, ceux qui se réjouissaient de l’omerta faite par la Justice nigérienne sur l’affaire Baré Maïnassara, ignoraient certainement cette vérité biblique. La Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), saisie le 12 décembre 2013, vient de rendre son verdict condamnant l’Etat nigérien à payer 435 millions de F CFA à la famille de l’ancien président, le général Ibrahim Baré Maïnassara, assassiné le 9 avril 1999 lors d’un coup d’Etat. Cette réparation judiciaire émanant de la CEDEAO, laisse transparaître une lueur d’espoir tout en soulageant un tant soit peu la veuve Clémence Maïnassara d’autant que le combat pour la justice qu’elle mène, depuis 16 ans, s’apparentait à une course après le vent. Le tombeur de son mari, le patron de sa garde personnelle d’alors, Daouda Mallam Wanké – qui l’avait occis en 1996 lors d’un putsch sanglant – avait, pendant sa transition de 9 mois, élaboré en juillet 1999, une nouvelle Constitution taillée sur mesure et amnistiant les auteurs des coups d’Etat de 1996 et 1999. Le général-président Maïnassara n’avait-il donc pas raison de dire en 1997 dans Jeuneafrique : « S’il ne tenait qu’à moi, j’irais partout sans ma garde rapprochée »? En vertu donc de ladite Constitution, toutes les plaintes déposées contre X par la famille Maïnassara, furent rejetées par l’Etat nigérien. Certes, le combat de la famille, de la société civile et des compagnons politiques de Maïnassara a permis la suppression de la disposition constitutionnelle portant sur l’amnistie des assassins. Mais la loi du 24 janvier 2010, restait toiujours comme une chape de plomb, empêchant la manifestation de la vérité dans cette affaire Maïnassara. Ce qui a donc obligé la veuve Maïnassara à nouer son pagne et à aller au combat. Et l’on peut dire qu’elle n’a pas eu tort. Car,  heureusement, avec le mécanisme des juridictions communautaires et supranationales, l’on peut arriver à dépoussiérer de telles affaires et mettre ipso facto en exergue l’utilité de la Cour de justice de la CEDEAO.

Il faut attendre de voir quelle suite le président Mahamadou Issoufou donnera à ce verdict

En effet, après s’être prononcée sur les affaires «Karim Wade» et « code électoral au Burkina » en passant par sa condamnation de l’Etat nigérien en octobre 2008 à verser 10 millions de F CFA à une Nigérienne de 24 ans, Hadijatou Mani Koraou, pour défaut de protection contre l’esclavage, cette Cour a montré qu’elle est garante des libertés individuelles tout en constituant un contrepoids aux tenants de pouvoir. Mais quand on sait que Niamey n’avait pas apprécié la saisine de la Cour de justice de la CEDEAO par la veuve Maïnassara, il faut attendre de voir quelle suite le président Mahamadou Issoufou donnera à ce verdict.Toutefois, il faut déplorer que dans cette affaire Maïnassara, la Cour de justice de la CEDEAO se soit limitée à demander une indemnisation de la famille éplorée, dans une affaire où le premier droit d’un être humain, le droit à la vie, a été violé, comme le reconnaît la Cour elle-même. Elle aurait dû aller plus loin en s’érigeant en héraut contre les assassinats des dirigeants africains, fussent-ils des contre-exemples de démocratie. Avec ce type de condamnation qui a un goût d’inachevé, les coups d’Etat sanglants que la CEDEAO réprouve risquent de ne pas connaître un terme en Afrique. Alors, il faudra aller au-delà du dédommagement financier et mobiliser les moyens pour mener des investigations aux fins d’identifier toutes les connexions africaines et étrangères et tous les assassins de Maïnassara qui doivent être punis. Même si son tombeur Wanké est décédé en 2004, il est de notoriété publique que ce dernier a longtemps séjourné au Burkina. Et certains de ses co-présumés responsables sont encore en vie pour témoigner pour la manifestation de la vérité. Car comme le dit un proverbe africain, «les hautes herbes n’étouffent pas le cri des pintades ».

Adama KABORE


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