LA FATWA DE DEBY CONTRE LE HARAM DE SHEKAU : La réponse du berger à la bergère

L’étau se resserre de plus en plus autour du leader de la secte islamiste Boko Haram, Abubakar Shekau. En effet, après avoir plié l’échine face à l’armée tchadienne dans la ville de Dikwa où il aurait perdu 117 combattants, il vient d’être sommé de se rendre au risque de subir le même sort que ses combattants qui ont été envoyés ad patres. Cet ultimatum lui a été lancé par le président tchadien, Idriss Déby Itno, qui dit savoir où il se cache. Ruse de guerre ou vérité ? Bien malin qui saura répondre à cette question. En tous les cas, Shekau doit avoir du souci à se faire, car la réputation des soldats de Déby dépasse les frontières tchadiennes. Qui ne se rappelle les hauts faits d’arme de ces soldats dans les Ifoghas au Nord-Mali? Toujours est-il que cet ultimatum est à prendre au sérieux, d’autant que Déby a promis de gagner non pas seulement la bataille, mais la guerre totale en anéantissant la secte islamiste. L’impressionnant arsenal de guerre déployé par Déby sur le terrain, est la preuve qu’il peut porter le coup de grâce à l’ennemi. D’ailleurs, comme par enchantement, Abubakar Shekau qui excellait dans les diatribes et fanfaronnades en tout genre, se fait de moins en moins visible et audible. La peur a-t-elle changé de camp? On peut le penser. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : la reddition de Shekau comme le veut Idriss Déby, ne sera pas chose aisée. Car, disons-le, Abubakar Shekau n’est visiblement pas homme à capituler. Il y a fort à parier que même s’il se sentait acculé dans ses derniers retranchements, il ne donnerait pas ce plaisir à ses adversaires de le prendre vivant. L’histoire nous enseigne que des terroristes de sa trempe n’abdiquent jamais. Dans bien des cas, ils préfèrent s’offrir en martyr que de se rendre à l’adversaire.

 

La fatwa de Déby pourrait plutôt radicaliser Boko Haram

 

Cela dit, si le grand lion du désert tchadien tient à mettre fin à l’appétit glouton du chacal de Maiduguri, et surtout à empêcher la secte islamiste de continuer à dévorer les pauvres populations nigérianes, camerounaises et nigériennes, il devra faire très attention car l’élimination physique de Abubakar Shekau pourrait ne pas être la solution. On le sait, généralement, les organisations terroristes sont bien structurées. Telle une hydre, elles ont l’art de déployer leurs tentacules partout. Si bien que même quand on réussit à en décapiter une, une autre tête apparaît automatiquement. Et puis, il ne faut pas oublier que Shekau a eu le temps de construire une sorte de mythe autour de lui. C’est justement ce qui fait que ses combattants ont la témérité chevillée au corps. Mais au-delà du mythe Shekau, ces fous d’Allah croient fermement en leur devise : le paradis est à l’ombre de l’épée. Autrement dit, pour eux, la mort ouvre la porte du paradis. Quel impact pourrait donc avoir cet ultimatum de Déby sur des gens qui ne craignent pas la mort? En vérité, cette menace de Déby pourrait plutôt se révéler comme de l’eau versée sur les plumes d’un canard. La fatwa de Déby pourrait donc plutôt radicaliser Boko Haram. A preuve, comme une réponse du berger à la bergère, elle vient de massacrer plusieurs dizaines de personnes dans le village de Njaba dans le Nord-est du Nigeria. On peut d’autant plus croire à cette radicalisation que par le passé, l’armée nigériane avait réussi à ôter, sans que cela ne prête à conséquence, la vie au fondateur de la secte, Mohamed Yusuf. Une mort qui, en effet, n’a pas pour autant permis de vaincre ce mouvement terroriste. De même, la mort de Ben Laden a affaibli Al-Qaïda. Mais elle n’a pas pour autant mis fin aux actions terroristes de cette organisation. Les exemples sont légion. C’est dire que pour vaincre Boko Haram, il faut combattre et le corps et l’esprit. Ce qui n’est pas une mince affaire. Certes, la secte a perdu beaucoup de combattants. Mais elle a encore de nombreux jeunes endoctrinés qui peuvent donner du fil à retordre à la coalition, pendant encore un bout de temps. Autant dire que ce n’est pas demain la veille que l’on pourra anéantir définitivement Boko Haram.

 

Dabadi ZOUMBARA