HomeOmbre et lumièreLA NOUVELLE DU VENDREDI : Aimer et accepter le passé de l’autre

LA NOUVELLE DU VENDREDI : Aimer et accepter le passé de l’autre


Depuis des années d’amitié avec Sergio, je savais  parfaitement lire sur son  visage. Et surtout lorsqu’il se sentait  perdu et incapable  de faire face à une situation comme ce matin.

Assis sur la terrasse du restaurant, laissant inconsciemment refroidir son café  en cette matinée de décembre, je m’installai  devant mon ami et le tira de son évasion lugubre.

– Damata a pu aller voir sa famille à Koudougou ? demandai-je.

– Oui  et aussi  pour voir Alicia qui fait une lourde crise de paludisme. J’ai du boulot et avec les enfants je ne peux pas m’y rendre.

– Je comprends mon pote. Damata est une femme bien et tu ne dois plus t’inquiéter.

– J’essaie mais c’est plus fort que moi.

S’il y a une chose au monde qui peut mettre Sergio hors de lui, c’est quand sa femme Damata doit faire un séjour à Koudougou. Ce n’est pas que  Sergio refuse que Damata parte voir sa famille dans sa ville natale.

Ce qui tourne et retourne Sergio dans tous ses sens, c’est  que dans une autre vie, il y a bien des années,  Damata quand elle était élève en classe de  seconde sous le coup du mauvais virus de l’adolescence   a vécu  une belle histoire d’amour avec Abdoul. Et que de cette relation est née Alicia son premier enfant. C’était bien sûr  avant de rencontrer Sergio en faculté de droit à l’université de Ouagadougou. Déjà, son histoire avec Abdoul, un amour de jeunesse- amour feu de paille était terminé depuis belle lurette. Avec Sergio c’était du solide et la suite l’a démontré.

Depuis leur mariage et leurs deux enfants, Sergio et Damata s’aiment d’un amour profond et sincère. Alicia le premier enfant de Damata aujourd’hui âgé de 16 ans est au lycée et vit sans problème avec son père Abdoul et son épouse à Koudougou.

Une relation imposée par la nature et pour l’éducation d’Alicia, Damata et Abdoul sont désormais unis. Par amour et respect pour sa femme, mon ami Sergio tolère ce lien. Mais dès que Damata doit rendre visite à sa famille  et à sa fille aînée avec une probabilité de rencontrer Abdoul, le pauvre Sergio ne peut s’empêcher malgré l’amour et la confiance placés en sa tendre épouse, d’imaginer des choses et de faire un tableau. Une sorte de jalousie étouffée  ou je ne sais quoi dire malgré sa foi en la femme de sa vie.

– Je ne dois pas m’inquiéter.  Je me promets chaque fois. mais dès que Damata retourne dans sa ville natale, ville de son premier amour et que celui-ci est présent, je ne suis pas tranquille reconnaît   mon ami.

– Mon cher ami, ne te fais pas de fausses illusions. Damata est une épouse irréprochable.

– Je le sais mais…

En effet, beaucoup de couples aux pays des Hommes intègres et ailleurs dans le monde partagent cette histoire de mon ami. Souvent dans la corbeille du mariage, les époux apportent chacun une partie de leur vie. Certaines parties et certains vécus antérieurs sont légers et faciles  à porter. D’autres par contre sont des bouts de vie  extrêmement lourds et complexes qu’il faut  de la compréhension profonde, de l’acceptation sincère, du courage à toute épreuve et de l’amour avec un A majuscule pour en venir à bout.

Aimer l’autre c’est aussi accepter sa vie passée, ses erreurs et conséquences qui peuvent être souvent des traces ineffaçables. Il  existe des amours  ou des relations  sentimentales brisés ou essoufflés  sans fruits, à propos desquels on peut, d’un claquement de doigt, tourner la page à jamais. Puis il y a ces amours en cendre hélas avec des fruits qui nécessitent une certaine responsabilité.

Je crois que mon ami Sergio commence à comprendre et à accepter ce passé de sa femme. Hier, je l’entendais dire au téléphone à Alicia :

Porte-toi bien mon ange et salue ton père et sa famille !

J’espère que c’était sincère.

Ousseni NIKIEMA

Tél. :  70 13 25 96

[email protected]

 


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