LA NOUVELLE DU VENDREDI : Une fâcheuse ambigüité
Ce soir là, je prenais un verre en compagnie de mon ami Badolo de passage à Ouagagougou. C’est toujours un plaisir de retrouver mon vieil ami chez notre meilleur pâtissier du coin.
Pendant que nous prenons nos verres, devant la pâtisserie, deux personnes sortirent de voiture. De l’intérieur, nous pensions apercevoir deux jeunes filles se dirigeant vers la terrasse. C’était la bonne heure du soir chez Bill et la clientèle, fidèle au rendez-vous nocturne, consommait dans une bonne ambiance.
Juste séparés par la vitre de notre table, lorsque les deux jeunes de la voiture s’installèrent, nous remarquons alors que la personne que nous prenions pour une jeune fille, était en réalité un jeune homme. Sacrée tenue, si j’ose le mot.
Un charmant jeune homme avec sa copine. Seulement de loin et même de près, il fallait ouvrir le bon œil pour se rendre compte qu’on était en présence d’un jeune homme. Déjà par la coiffure (des nattes) on se perdait. Par ses lumineuses boucles d’oreilles, on s’égarait. Par de multiples bracelets aux bras et des bagues aux doigts, on ne savait plus si on était en présence d’un homme ou d’une femme. Et surtout ce costume à la taille guêpe très ambigu.
Sans un mot, sans jugement, nous regardions le jeune homme dans ce look très spécial. Badolo me confia alors la pensée de sa vieille tante quand cette dernière disait :
Mes enfants, habillez-vous convenablement dans la société. Quoique nous sommes libres par notre cœur de porter ce qu’il nous dicte, l’habit est la partie visible de l’âme. Soignez convenablement votre apparence car c’est un livre ouvert sur le monde. De votre apparence, on peut vous lire de l’extérieur.
Pendant un moment, j’oubliai le jeune couple et avec Badolo, nous parlions de choses légitimes nous concernant.
C’est alors que tout à coup, des voix s’élevèrent de la terrasse. Une âpre discussion entre le jeune homme aux nattes et un colosse inconnu. Sur le point d’en découdre, les autres clients tentèrent de les maîtriser.
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C’est alors que j’entendis l’inconnu crier :
Même demain, je t’appellerai mademoiselle. Pourquoi cela te choque ? Tu as tout d’une femme, regarde-toi ! C’est vrai qu’en m’adressant à vous afin de bouger votre voiture qui a coincé la mienne, de profil, je vous prenais vraiment pour une fille. Ce n’est pas une insulte. Mais si vous le prenez sur ce ton de bagarre, alors je vous appelle en toute connaissance de cause « mademoiselle ». Avec vos boucles et vos nattes, je refuse de vous appeler autrement. Regardez braves gens, comment elle est habillée ?
Les plus sages calmèrent les deux jeunes gens et les plus rigolos se permirent des rires étouffés en regardant le jeune homme au look bizarre. N’en pouvant pas, il se leva, prit la main de sa copine confuse et se dirigea vers sa voiture.
Alors, l’inconnu lança de belle voix :
Au revoir mes copines !
Le jeune homme se retourna. Le regard lançant des flèches.
Ousseni NIKIEMA
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